Directeur régional des affaires culturelles de Champagne-Ardennes, Marc Nouschi est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages, parmi lesquels d’autres livres dans la même collection comme le Petit atlas historique du XIXe siècle ou encore celui du XXe siècle. Ce livre est une sorte de grand mémo de culture générale qui peut servir pour l’histoire des arts. Au total, ce sont donc 55 fiches qui sont proposées, avec, en dehors d’une d’introduction, 12 pour l’Antiquité, 9 pour l’époque médiévale, 17 pour la Renaissance, 8 pour le XIXe, et 8 pour le 20eme. En tout cas, comme le dit l’auteur, «Plus on s’éloigne de l’Europe, plus une évidence apparaît : l’identité du vieux continent tient à sa culture, au rapport spécifique entre les citoyens, leur passé et leur présent culturel ».

Avant tout, et par rapport au titre, il faut savoir précisément à quoi s’attendre. « La collection des petits atlas historiques propose un panorama clair et synthétique des grandes périodes historiques ». Chaque ouvrage est constitué de fiches enrichies de cartes, chronologies. Chaque fiche se décline sur quatre pages : les deux premières sont structurées autour d’une carte, d’un schéma auquel fait face un commentaire synthétique plus problématique qu’informatif et les deux pages suivantes sont conçues comme une boite à outils au service du lecteur. Le contenu de l’ouvrage est pourtant plus ambitieux que ne le laisse suggérer l’adjectif « petit » du titre, car c’est quand même près de 300 pages écrites parfois serrées qui sont proposées.

Quel projet ? Culture générale, pari impossible ?

C’est une histoire et un projet sans fin. Tout au long de l’ouvrage, on navigue ainsi entre les grands classiques comme la Grèce, Versailles, ou la Renaissance, mais en même temps c’est l’occasion d’explorer des sentiers de traverse comme s’interroger sur « les siècles finissent-ils toujours par des ruptures » ou encore le chromoclasme des Réformés et leur héritage. De multiples croquis, souvent fort utiles, parsèment l’ouvrage. Citons celui sur l’architecture grecque avec notamment la façon dont les Grecs ont corrigé les effets de perspective pour donner l’impression que le Parthénon est droit. Parfois, certaines fiches ont une telle densité qu’elles pourraient en devenir indigestes comme celle qui récapitule les tableaux du Caravage sur laquelle nous reviendrons.

Le coin du grincheux

S’il faut pointer quelques limites à l’exercice, on peut signaler une longue liste de termes pour former un glossaire de l’architecture. Sur ce point, un petit dessin vaudrait sans doute mieux. Quelques cartes reproduites font parfois vieillottes. Problème aussi parfois d’équilibre entre le texte et l’image : plutôt que trois pages de texte sur Le Caravage, on aurait préféré deux pages de la même façon, et une ou deux belles reproductions. Pourquoi pas aussi quelques références stables sur internet pour voir tel ou tel tableau ? Il est frappant de voir combien beaucoup de livres semblent dédaigner le fait de prolonger leur vie sur la toile.

Un livre qui a puisé aux meilleures sources

Un bon livre de culture générale se juge également aux lectures de base dont il s’inspire. Parmi celles-ci, on rencontrera tout au long du livre des références aux peurs de l’Occident étudiées à partir des travaux de Jean Delumeau avec un utile tableau récapitulatif. On signalera aussi des éléments sur la production des images chrétiennes à partir des travaux d’A Besançon. Pêle-mêle, on trouve également un utile récapitulatif des travaux sur la couleur de Michel Pastoureau, une mise en perspective de « naissance de la nation France » de Colette Beaune. Le livre pourrait parfois faire un peu « les 100 livres qu’il faut avoir lus », mais en plus digéré, en plus réfléchi, plus ambitieux et en moins « prêt à penser ».

Au fil des pages…

Parmi tous les points évoqués dans le livre, difficile de mettre l’accent sur celui-ci plutôt que celui-là. De façon tout-à-fait arbitraire, on pourra signaler la fiche qui traite du rôle clé de la copie. Elle répond à une triple fonction : diffuser l’œuvre d’un peintre, répondre à la demande des collectionneurs et permettre la formation des nouveaux artistes. A partir de 1740, tout change car la copie connaît une dépréciation du fait de la montée des experts capables de distinguer les copies des originaux et de la « marchéisation » croissante du commerce des tableaux. On notera aussi un tableau qui récapitule l’évolution des règles de civilité. La fiche sur le jeu de l’art au XIXe siècle récapitule de façon très synthétique les données de la question avec le croisement entre les artistes, les galeristes, les musées et salons et les collectionneurs. La fiche se prolonge avec quelques exemples de tableaux qui ont alors fait scandale comme Les Demoiselles d’Avignon. Pour le XXeme siècle, une fiche s’intéresse à la culture américaine et à la culture mondiale, utile pour recontextualiser le « soft power ».


Un outil d’appui pour l‘histoire des arts

Pour ce nouvel enseignement, on trouvera d’utiles repères comme les pages 164-165 qui évoquent l’évolution des jardins à travers les époques. On trouve aussi page 160 le sens caché des tableaux. L’auteur ne se contente pas de dérouler des thèmes, mais se livre parfois à des mises en perspective : ainsi en est-il de la figure de l’architecte. Il transcende les époques et souligne par exemple comment au XIXe sa figure s’efface au profit de celle de l’ingénieur. Des fiches passionnantes comme celle qui s’interroge sur la relation entre le style, l’iconographie et une époque.

Au total, cet ouvrage remplit la mission qu’il s’est assignée, à savoir dresser un portrait historique de la culture en occident, récapitulant des fondamentaux, ouvrant des pistes, suggérant des rapprochements et des continuités. Il constitue donc un utile vademecum.

Jean-Pierre Costille