CR par Yveline Candas

« Peut-on en finir avec Hitler ? » est un essai d’inspiration psychanalytique, d’environ 250 pages, édité chez l’Harmattan en 2010 dans la collection « psychologie politique » qui s’inscrit annonce l’éditeur dans une méthodologie transversale et pluridisciplinaire, contre l’esprit de chapelle et la fragmentation de la connaissance.
Difficile tache que celle de rédiger le compte rendu de lecture d’un livre alors que l’on a l’impression nette et cruelle d’être passée à coté d’une partie essentielle du contenu faute très sûrement d’une maîtrise suffisante de la psychanalyse, des termes, des notions, des néologismes
«psychologiques», «psychanalytiques», abondamment employés, développés par les auteurs.

Paul Wiener est un psychiatre de formation psychanalytique tandis que Miklos Bokor, né en 1927, est un artiste peintre (il est d’ailleurs possible d’avoir un aperçu de ses œuvres sur internet). Tous deux sont des Juifs hongrois exilés et marqué par les traumatismes de la guerre. Le second a été déporté et a fréquenté Auschwitz, où sa mère meurt, puis Bergen- Belsen, où son père ainsi que d’autres membres de sa familles périssent à leur tour.
Ceci peut expliquer sans doute un certain manque de neutralité, que je ne fais que relever, perceptible au choix de certains adjectifs pour qualifier le nazisme ou ce qui s’y rapporte (leur propos, idéologie…).
L’insuffisance de la maîtrise du vocabulaire, du sens, a dû induire l’impression de confusion ressentie à la lecture de l’ouvrage car les auteurs énoncent régulièrement leur plan, celui-ci n’est ailleurs pas clairement perceptible dans la mise en page.
Ceci, ainsi qu’un «manque d’habitude» ou de pratique, explique aussi sans doute que certains propos m’ont semblé « farfelus » ; pour illustrer mon propos j’ai retenu notamment page 66 ce paragraphe : «Un autre témoignage démonstratif des besoins narcissiques régressifs d’Hitler est l’agencement de sa résidence à Obersalzberg dans les Alpes[…]. On ne pouvait y accéder que par un tunnel puis un ascenseur qui montait 125 mètres plus hauts. Une belle représentation symbolique régressive de l’utérus, avec accès anal.» […] Chez Hitler, la voie souterraine conduit en fin de parcours à un lieu sublime, symbole de l’utérus maternel idéalisé. Le goût du sublime chez Hitler montrait l’importance de son idéalisation archaïque. La nature archaïque de cette idéalisation est justement soulignée par l’accès anal souterrain. L’idéologie volkisch d’Hitler comportait essentiellement des valeurs narcissiques archaïques, telles que sol, sang, communauté(germanique), pureté qui ont acquis chez lui une importante signification phallique-anale. » .

Pour rédiger cet ouvrage original, ils se sont appuyés sur des sources nombreuses et variées, ils le rappellent en introduction et elles sont listées à la fin du livre (10 pages) : biographies d’Hitler, témoignages,… Leur but est de «comprendre ce qui est arrivé à l’Europe, pourquoi et comment l’Europe, l’Allemagne et la Hongrie plus particulièrement ont dérapé» c’est à dire succombé au nazisme, à Hitler.
Personnage central, il ouvre et «clôt» le livre: la personne d’Hitler est l’objet de la première partie, ses actions, de l’essentiel de la cinquième.
La seconde concerne les Juifs et les Chrétiens. La troisième l’Europe et l’Allemagne qui évoque les traumatismes vécus par le peuple germanique, allemand, notamment sa conversation tardive et contrainte au christianisme par Charlemagne, et leur impact.
La quatrième partie étudie la régression national-socialiste « en partant de l’étude de certains mécanismes et de vécus individuels, comme la régression et le sublime. Nous cherchons ensuite à cerner le totalitarisme».
Enfin, pour conclure,les auteurs s’interrogent sur ce que les témoins peuvent faire avant de disparaître.
Ce qui est arrivé à l’Europe, plus particulièrement à l’Allemagne, et qui est un évènement mondial pour l’Humanité, entre 1933 à 1945 est une régression très importante dont les premiers signes sont perceptibles pendant la première guerre mondiale. C’est le fruit « d’un long cheminement » et son « dénouement [est ] abrupt » : Hitler, le nazisme voire le totalitarisme (les auteurs évoquant régulièrement le stalinisme), la Shoah.

Long cheminement d’Hitler et du peuple allemand. En effet, Hitler est la résultante de son vécu d’enfant, d’adolescent et de jeune adulte : une relation « conflictuelle », difficile avec son père brutal, une relation très privilégiée avec sa mère, ses échecs artistiques, la première guerre mondiale qui le transforme et le laisse blessé physiquement et moralement (humiliation, « coup de poignard dans le dos »). Il souffrait donc de divers « troubles » : hypocondrie, paranoïa, narcissisme … qui peuvent expliquer son antisémitisme et le fait qu’il se soit senti investi de la mission de défendre, sauver l’Allemagne (=la mère) d’une terrible menace : les Juifs (=le père).

Les juifs car un médecin juif n’aurait pas réussi à soigner sa mère et empêcher son décès prématuré, car l’antisémitisme est une « tradition » en terre chrétienne qui a traversé les siècles, reprise par les divers courants de pensée notamment le nationalisme et le Volkische (mouvement qui promeut les valeurs et racines germaniques) et qui connaît un renouveau au début du XXe en Allemagne. L’antisémitisme serait, en effet, de «l’antichrétianisme» chez les peuples tardivement baptisés comme les Germains.

Hitler a pu mettre son projet à exécution parce qu’il avait un public réceptif, qui a été sensible à sa verve d’excellent orateur : le peuple allemand, lui aussi fruit d’un long cheminement marqué de divers traumatismes et donc frappé de psychose collective. Les ressorts qui expliquent l’antisémitisme sont irrationnels mais Hitler et ses sbires ont employé des moyens tout à fait rationnels pour parvenir à leurs fins : propagande, déportation et extermination planifiée et industrielle du peuple juif.

Pour aller plus loin :
*Un compte rendu plus précis :
Alexandre Dorna, «Miklos Bokor, Paul Wiener, Peut-on en finir avec Hitler ?», Les Cahiers de Psychologie politique [En ligne], numéro 17, Juillet 2010. URL : http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=1723

*Des extraits du livre en ligne:
Paul Wiener, «La métamorphose d’Hitler crise collective, crise personnelle», Les Cahiers de Psychologie politique [En ligne], numéro 14, Janvier 2009. URL : http://lodel.irevues.inist.fr/cahierspsychologiepolitique/index.php?id=327

Dans cet article, en effet sont proposés à la lecture : Son vécu mystique, sa métamorphose. Était-il de structure psychotique ?. Le vécu psychotique initial. Sa paranoïa. Antisémitisme et angoisses hypocondriaques de persécution autant de «sous parties» du premier chapitre du livre.