Dans la collection Un pape dans l’Histoire, en collaboration avec les éditions du Cerf, Glénat nous propose le 1er tome d’un diptyque consacré à Pie XII. Qualifié parfois par ses détracteurs de « pape d’Hitler », profondément respecté et aimé de son entourage proche, unanimement reconnu pour sa force de travail et ses qualités intellectuels, celui qui a été le pape de la Seconde Guerre mondiale et du début de la Guerre froide ne laisse pas indifférent.

A travers un jeune fille française de confession juive vivant à Paris dans les années 60, nous retraçons au fur et à mesure de ses pérégrinations, le destin de cet homme que ne rien ne prédestinait aux plus hautes fonctions religieuses. Ayant reçu très tôt la conviction qu’il serait prêtre, il ne s’imaginait pas pour autant prendre le plus haut poste de la hiérarchie catholique.

Le point de départ est la première représentation, plus que houleuse, de la pièce de théâtre Le Vicaire d Rolf Hocchut à Paris, au théâtre de l’Athénée. Les débordements amènent la jeune Rachel à rencontrer Miriam, juive et fille de rabbin, à échanger avec elle autour de la figure de Pie XII et à suivre les traces de celui qu’elle considère comme responsable de la Shoah. A la grande surprise du personnage principal de cette histoire, Miriam lui en dresse un portrait nuancé, intimiste, sortant des facilités et des caricatures.

Ce premier tome aborde l’enfance d’Eugenio, le futur Pie XII, comment il se fait repérer et comment il grimpe rapidement, mais surement, les barreaux de l’échelle de l’Eglise. Nous sommes plongés dans l’Italie fasciste de Mussolini, en proie aux révoltes communistes dans les campagnes. Puis, nous vivons à travers Eugenio la Première Guerre mondiale. Ensuite, transfert vers l’Allemagne où il est nommé nonce apostolique. Enfin, retour au Vatican, auprès de Pie XI, avant son élection comme pape.

Cette itinérance le met en prise directe avec les oppositions politiques auxquelles doit faire face l’Eglise de cette époque. En Allemagne, lors des tentatives de révolutions spartakistes ou de la Semaine sanglante, mais aussi en Italie, il est en première ligne contre le communisme, dont il est un adversaire acharné. Par rapport à l’ Allemagne, il comprend, avec l’aide de Pie XI, la dangerosité du discours fasciste, mais aussi la nécessité de protéger l’Eglise, ses membres et ses fidèles. Il est en première loge, enfin, pour assister à la montée en puissance des discours antisémites dans les sociétés européennes de son époque.

A travers cette BD au style graphique tout à fait correct, les auteurs nous amènent à une réflexion personnelle sur Pie XII. Pour faire aboutir cette dernière, il faudra évidemment lire le 2e tome de cette série. 2 personnages majeurs de ce premier tome semblent, au premier abord, quelque peu caricaturaux: Rachel, opposante et critique sans nuance (au départ évidemment) ; soeur Pascalina, proche collaboratrice et confidente de Pie XII, défenseuse ardente de celui qu’elle a servi. Au milieu, si l’on peut dire, Miriam, qui essaie de dresser un portrait plus nuancé mais qui tend, au final, à l’hagiographie de Pie XII. Miriam semble être celle qui incarne le plus la vision de la scénariste. Mais pour se rendre compte du discours tenu par les auteurs, la lecture du 2e tome sera nécessaire.

Présentation de la BD sur le site de l’éditeur

« Par la guerre, tout peut être perdu ! »

Paris, 12 décembre 1963. Rachel, une jeune femme de 21 ans, assiste à une pièce de théâtre : « Le Vicaire ». Elle est juive et née en 1942. Sa mère et elle ont échappé à une rafle mais tous les autres membres de sa famille furent déportés et assassinés par les nazis. Or, la pièce présente un pape Pie XII complice implicite de l’horreur en n’opposant pas de résistance ni de condamnation claire alors qu’il avait, semble-t-il, connaissance de ce qu’il se passait. La représentation est interrompue par des extrémistes catholiques vociférant leur colère contre la pièce : « sacrilège », « caricature », « interdiction » et même un terrifiant « sales juifs » !… Rachel, bouleversée, fuit sur les pavés mouillés de la ville. Alors qu’elle chute, une femme plus âgée l’aide à se relever. Il s’agit de Miriam, une italienne, fille d’Israel Zolli, le grand rabbin de Rome qui s’est converti en 1945 au catholicisme et a pris Eugenio comme nom de baptême en hommage au pape. Toutes les deux, elles vont retracer le parcours d’Eugenio Pacelli, de son enfance érudite à Rome jusqu’au conclave de 1939 l’appelant à la plus haute fonction de l’église catholique. Mais Pie XII est très vite emporté dans la tourmente de la guerre qui s’annonce. Le 24 aout 1939, il s’adresse au monde par la radio : « Par le sang du Christ, il est encore temps ! Rien n’est perdu tant que la paix subsiste. Par la guerre, tout peut être perdu ! ». Ses paroles se mêlent au vacarme métallique des chenilles des chars d’Hitler qui franchissent la frontière polonaise.

Après une enquête précise débouchant sur deux tomes, les auteurs ont choisi de se placer au plus près de l’homme, dans l’intimité d’Eugenio Pacelli, devenu pape malgré lui. Ainsi tentent-ils de déjouer les partis-pris idéologiques de tous bords qui se disputent encore une vérité difficile à établir au sujet d’une des polémiques les plus sensibles de notre histoire !

Présentation de la scénariste sur le site de l’éditeur

Après des études de philosophie jusqu’en maitrise, Théa Rojzman qui dessine et écrit depuis toujours, suit une formation de thérapie sociale pour devenir psychothérapeute des groupes en crises. Mais elle réalise en même temps une première expérience d’autrice en bande dessinée en mettant son art au service d’une autobiographie familiale : La Réconciliation publiée chez JC Lattès en 2006 avec son père Charles Rojzman. Depuis lors, elle ne quittera plus son envie de faire des livres malgré d’autres activités professionnelles. Elle publiera ainsi en tant qu’autrice complète (scénario, dessin et couleurs) plusieurs albums : Le Carnet de rêves (éditions La Boîte à Bulles, 2009), Sages comme une image (éditions Les Enfants Rouges, 2010),  Chacun porte son ciel, un livre de poésie illustrée (éditions Le Moule à Gaufres, 2012), puis Mourir, ça n’existe pas, mention spéciale du Jury pour le Prix Artémisia 2016  (éditions La Boîte à Bulles, 2015). Elle devient ensuite principalement scénariste et travaille avec plusieurs dessinateurs et dessinatrices : avec Anne Rouquette pour Emilie voit quelqu’un (éditions Fluide Glacial, 2 tomes), avec Jeff Pourquié pour Assassins et Abdel de Bruxelles pour Dominos aux éditions Fluide Glacial (2019). Elle réalise également des chroniques BD humoristiques pour les magazines Le Cercle Psy et Psychologie Positive
Actuellement, elle se consacre exclusivement à la bande dessinée pour construire des récits nourris en partie de ces autres formations ou expériences professionnelles qui lui ont permis de croiser les savoirs et les intimités. Ses bandes dessinées mélangent les genres (humour, polar, histoire, jeunesse, conte…) tout en explorant inlassablement ses obsessions : la violence, la souffrance et les résiliences humaines. Outre Grand Silence avec Sandrine Revel, elle travaille sur Pie XII, face au nazisme (2 tomes) avec Erik Juszezak (éditions Glénat 2020), Scum avec Bernardo Munoz (éditions Glénat, 2021) et Billie Bang Bang (3 tomes) avec Steve Baker (éditions Le Lombard 2021).

Présentation du dessinateur sur le site de l’éditeur 

Eric Juszezak est un autodidacte passionné par la bande dessinée. Il publie son premier album en 1987 chez Glénat, « Crocs d’ébène », sur un scénario de Géranne qu’il retrouve par la suite chez Vents d’Ouest avec « Les Héritiers ». En 1991 il participe au « Livre des Nuls » édité par Canal + puis à « Indiana Jones Junior » chez Hachette. Avant de débuter « Oki » pour Glénat, il dessine « Beaux rivages », une série en deux tomes parue chez Dargaud sur un scénario de Patrick Cothias.