Connaissez-vous Nellie Bly et les combats qu’elle a menés ? Guillaume Tavernier et Nicolas Jarry nous font découvrir dans cette bande dessinée cette pionnière du journalisme en immersion qui fut aussi une citoyenne féministe engagée. Le premier est l’auteur d’une série intitulée « Chasseurs d’héritiers » tandis que le second a co-scénarisé des albums comme « Les contes de Brocéliande » ou « Intarissable ».
Une bande dessinée et un dossier documentaire
L’album est composé d’une bande dessinée de 54 pages et d’un dossier documentaire. Les deux auteurs s’inscrivent dans une collection appelée « Pionnières » qui met au premier plan « des femmes audacieuses qui ont su s’imposer dans des univers masculins ». La vie et l’œuvre de Nellie Bly sont foisonnantes comme en témoigne le dossier documentaire, mais les auteurs ont choisi de se focaliser uniquement sur ses débuts qui, d’une certaine façon, lui ont permis de s’imposer à l’époque.
D’Elizabeth à Nellie
L’album commence en 1887 à New York. On découvre une jeune femme internée dans un asile avant de comprendre pourquoi elle se trouve là. Nellie Bly s’appelle en réalité Elizabeth Jane Cocharane. Elle est née dans une famille avec un père juge qui a épousé sa mère en seconde noce. Il a eu quinze enfants. Son père meurt alors qu’elle avait six ans et sa mère se remarie pour pouvoir vivre. Battue par ce second mari, c’est Elizabeth qui sauve sa mère en témoignant contre son beau-père. Très tôt, celle qui se fera appeler désormais Nellie veut être journaliste et dénoncer les injustices. Elle ne se fait pas que des amis et elle a du mal à garder un travail de journaliste. Elle tente alors son va-tout avec John Cockerill le directeur du New York World. Celui-ci promet de l’engager si elle réussit à s’infiltrer dans un asile et à en rapporter un reportage convaincant. C’est cette expérience que relate l’essentiel de l’ouvrage.
Au cœur de l’asile
La bande dessinée suit les différentes étapes qui mènent la jeune Nellie dans un asile. L’album met l’accent sur plusieurs personnages, ou types de personnages, comme des médecins, généralement peu empathiques, ou des infirmières parfois sadiques et violentes. Les auteurs décrivent à travers le parcours de Nellie le quotidien dans un asile avec la nourriture atroce, les travaux à réaliser ou encore le fait que certaines femmes sont encordées entre elles. L’asile qui est décrit, le Blackwell’s Island Hospital, comptait 16 médecins pour 1600 patientes. L’album montre bien toutes les formes de violence, physique ou psychologique, dont étaient victimes ces femmes. Des infirmières frappaient régulièrement certaines des internées.
Des rencontres
Pendant les quelques jours qu’elle passe dans l’asile, Nellie rencontre plusieurs jeunes femmes, dont Joséphine Despreau, une française qui avait été internée du jour au lendemain alors qu’elle logeait jusque-là dans une pension. On voit aussi Sarah Fischbaum, internée à la demande de son mari, après qu’elle lui ait été infidèle, ou encore Margaret, cuisinière exemplaire, internée après en être venue aux mains avec des femmes de chambre.
En reportage
Nellie doit absolument dissimuler son identité et, à plusieurs reprises, elle manque d’être découverte. Le directeur s’interroge d’abord sur l’identité de cette jeune femme qui dit être amnésique. Un ami qu’elle connait vient la voir après une annonce, mais elle lui demande de dire qu’il ne la connait pas au risque de faire tomber sa couverture. Pourtant, quand les choses s’enveniment, l’aide du docteur Ingram se révélera précieuse… Une fois sortie de l’asile, son témoignage fera date au point de déclencher une inspection, mais aussi de provoquer certains changements dans la façon de traiter les patientes. Néanmoins, le Blackwell’s Island Hospital ayant été prévenu d’une future inspection parvient à dissimuler les infirmières mises en cause. Ce reportage qui est un succès lui assure une place de journaliste mais Nelly Bly ne se contente pas de ce succès et veut déjà partir autour du monde.
Quelques pages pour compléter
L’album propose à la fin quelques informations complémentaires. On mesure combien il ne faut pas réduire son action à des revendications féministes car c’est le souci de la justice et de la vérité qui l’animait. Elle enquêta également sur Edward Phelps, un fameux trafiquant de l’époque. Elle meurt à 57 ans des suites d’une pneumonie. Le livre se termine par la mention de quelques ouvrages de Nellie Bly.
Cet album choisit donc de se focaliser sur l’épisode fondateur qui a permis à Nellie Bly de s’imposer dans le monde masculin du journalisme à la fin du XIXème siècle. Il trouvera sa place dans les CDI, pourra également servir lors d’un travail sur l’égalité homme-femme ou encore en HGGSP sur le thème « S’informer ».
© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes