Avec cette BD reportage la journaliste Salomé Parent-Rachdi plonge dans l’intimité de Palestiniens et Israéliens et éclaire d’un jour inédit le conflit israélo-palestinien. L’album s’ouvre, au lendemain des massacres du 7 octobre 2023, sur une conversation téléphonique entre les deux auteurs en proie au vertige : dans ce contexte tragique et désespérant, ne serait-il pas inconvenant de publier une enquête sur un sujet en apparence si léger ? À lire cette BD-reportage, on ne peut qu’en disconvenir tant cette série de portraits tombe à point nommé et s’avère révélatrice d’aspects méconnus du conflit.

 

Salomé Parent-Rachdi est journaliste indépendante, basée à Paris. Correspondante en Israël et en Palestine, elle a vécu à Ramallah, Jérusalem et Tel-Aviv entre 2017 et 2020. Elle travaille pour la presse écrite mais réalise aussi des podcasts et collabore à des documentaires pour la télévision.

Le dessinateur, Zac Deloupy est diplômé de la section bande dessinée des Beaux-Arts d’Angoulême. Il travaille comme illustrateur indépendant dans la publicité et illustre de nombreux ouvrages jeunesse. En 2016, il a reçu le prix France Info de la BD d’actualité et de reportage pour Love story à l’iranienne (Delcourt). Récemment, il a participé à l’album collectif Femme, Vie, Liberté, sous la houlette de Marjane Satrapi (éditions de L’Iconoclaste).

 La guerre, la religion et les enjeux identitaires s’insinuent jusque sous les draps dans les deux communautés. De Tel-Aviv à Naplouse en passant par Gaza ou Jérusalem, Salomé Parent-Rachdi recueille seize témoignages de Juifs ultraorthodoxes, sionistes religieux ou laïcs, ashkénazes ou séfarades, Palestiniens d’Israël, de Cisjordanie ou de Gaza qui tous décrivent à travers leur histoire personnelle les conditions de vie amoureuse sous le joug des enjeux géopolitiques, identitaires ou religieux en Terre promise. La conclusion qui s’impose est que là-bas, tout, y compris et surtout l’amour, est politique.

Certains des témoignages nous surprennent et révoltent tel celui de ce jeune palestinien de Gaza qui raconte sa jeunesse passée à cacher une homosexualité que la société palestinienne ne tolère pas et que le Hamas réprime sans pitié, réclamant ensuite de l’argent aux familles pour faire passer leur fils exécuté pour un martyr de la cause. D’autres témoignages révèlent les paradoxes de sociétés israélienne comme palestinienne très religieuses et conservatrices sur bien des aspects, et en même temps très ouvertes et modernes sur d’autres, comme cette clinique gazaouie où l’on pratique des PMA afin que les prisonniers palestiniens puissent fonder une famille malgré la prison.

Le choix de donner à cette enquête la forme d’une bande-dessinée, plutôt que celle d’un essai,  a été inspiré par l’éditeur. Et le choix s’avère judicieux, donnant à cette enquête finalement très fragmentée, des allures de road trip. Deloupy a accompagné la journaliste en Israël et dans les Territoires palestiniens afin de s’imprégner des lieux et d’y rencontrer certains personnages. Son dessin restitue avec justesse la lumière et les ombres de cette terre toute en contrastes. Au début, nous pouvons retrouver l’édito de l’historien Vincent Lemire, auteur de l’Histoire de Jérusalem en bande dessinée chez le même éditeur. A la fin, sont réunies les réactions des certaines femmes et hommes qui ont été interviewés sur les évènements du 7 octobre. 

L’ouvrage est d’une grande sensibilité, touchant et de bout en bout très humain. Il est très agréable à lire tant sur le fond que sur la forme.