Le magasine Télérama publie un court et excellent hors-série sur le manga articulé autour de trois grands chapitres intitulés respectivement « Au commencement était l’image », « Le manga au Japon aujourd’hui » et « La France, l’autre pays du manga ».

La première partie revient sur la genèse de ce média qui a conquis le monde. On y apprend que manga signifie littéralement « images dérisoires » et on passe, à travers un historique circonstancié, du Manga d’Hokusai au One Piece d’Eiichiro Oda.

Une série de portraits de mangakas célèbres est ensuite proposée, débutant par l’incontournable Osamu Tezuka. Auteur de près de 700 œuvres, Tezuka est surnommé le manga no kamisama, « le dieu du manga ». Son Shin Takarajima (La nouvelle île au trésor), publié en 1947, a défini les bases narratives de cette littérature. Il s’est essayé à tous les genres, parvenant à s’adresser aux plus jeunes comme à un public plus averti. Il a également créé le personnage d’« Astro, le petit robot ».

Suivent Shigeru Mizuki (auteur à l’univers peuplé de yokai (monstres), il a créé le personnage de Kitaro et est le réalisateur de l’album NonNonBâ primé d’un Fauve d’or à Angoulême en 2007), Yoshiharu Tsuge (auteur en 1968 de l’œuvre La Vis qui marque une rupture radicale par sa conception dans le genre du manga), Rumiko Takahashi (auteure de Maison Ikkoku et de Ranma1/2), Katsuhiro Otomo (auteur d’Akira), Akira Toriyama (auteur de la série Dragon Ball), Masashi Kishimoto (auteur de Naruto) et Eiichiro Oda (auteur de One Piece, manga vendu à plus de 500 millions d’exemplaires).

La seconde partie débute par une donnée marquant une rupture dans l’univers de la bande dessinée en France : durant l’automne 2021, il s’est vendu en librairies plus de BD traduites du japonais que d’albums créés en langue française (p.46) ! Nicolas Finet dans son article « le monde qui ne bulle jamais » évoque les conditions de productions « industrielles » du manga, les cadences et le tandem créateur/créatrice(avec des assistant(e)s)-tantosha (responsable éditorial). Il écrit également (p.49) qu’ « après des décennies d’imprégnation continue, le manga est au Japon une pratique culturelle intégrée, généralisée et totalement transgénérationnelle » et que « cet universalisme est l’une des clés de sa puissance ».

Un article sur le shojo (« manga pour filles ») précise que le premier personnage féminin récurrent est apparu en 1928. Karyn Nishimura (auteure de cette contribution) revient sur l’extraordinaire succès de La Rose de Versailles (Lady Oscar) dans les années 70 et sur l’énorme influence qu’a pu exercer cette œuvre. Elle évoque également des femmes mangakas qui ne se sont pas cantonnées à des « histoires romantiques » comme Ai Yazawa avec Nana ou aujourd’hui Koyoharu Gotouge autrice de Demon Slayer.

L’émergence du numérique a largement bouleversé la donne dans l’univers du manga, tant en terme de fréquence de publication que par l’émergence de nouveaux talents à l’instar d’un Tatsuki Fujimoto avec Look Back ou Chainsaw Man.

Enfin Jean-Samuel Kriegk (« un art en toute franchise ») s’intéresse aux liens très forts entre production papier, produits dérivés et animés. Il écrit (p.63) que « la pop culture japonaise marche sur trois jambes : le manga, l’animation et le jeu vidéo. Trois arts qui partagent un héritage, une culture graphique, et qui s’articulent parfaitement ».

La troisième partie, plus condensée, est consacrée aux rapports que la France entretient avec le manga. Le fait est connu, l’Hexagone est considéré comme « le deuxième pays du manga ».

Les premiers animés venus du Japon, diffusés à la fin des années 70-début des années 80, rencontrent un énorme succès : Goldorak, Albator, Olive et Tom… Au début des années 90, c’est au tour de Dragon Ball d’être diffusé et d’avoir une gigantesque influence sur toute une génération.

D’abord mal accueilli et parfois méprisé, le manga a aujourd’hui conquis un très large public.

Les mangakas français font l’objet d’un focus avec notamment les séries LastMan ou Dreamland et un dernier article propose une liste des « 100 mangas qu’il faut avoir lus ».

Grégoire Masson