Face aux nouveaux enjeux qui concernent le développement durable, les phénomènes ségrégatifs dans les métropoles mais aussi le développement économique, cet ouvrage s’interroge avant tout sur la nécessaire coopération entre les différents espaces qui les composent afin d’en étudier la fragmentation spatiale. L’impact de la dimension métropolitaine sur la culture et le comportement politique, le fonctionnement des institutions mais aussi la gouvernance et les politiques publiques sont au cœur des problématiques suivies par V. Hoffmann-Martineau et J. Sellers ainsi que les auteurs qu’ils ont invité à cette réflexion. C’est par l’étude de la complexité du réel, loin de l’approche dichotomique classique de la distinction entre l’urbain et le rural., que l’ouvrage s’individualise des ouvrages sur la question.

Dès les premières lignes, les auteurs tiennent à rappeler, en se référant à une note de l’UNCHS de 1996, que « les régions urbaines vont devenir le cadre de vie politique, économique et sociale d’une majorité de citoyens dans le monde ». Aux transformations des villes correspond un changement morphologique important. C’est dans ce contexte que s’inscrit la prégnance du politique et de la bonne gouvernance théorisé par de nombreux géographes comme Allen J. Scoot ou bien plus récemment Kalus Segbers (The making of global city regions). Ainsi, pour les besoins de leur rechercher les auteurs s’appuient sur les recherches de l’OIM (Observatoire International des Métropoles). Ils ont été chargés de vérifier l’applicabilité de ces hypothèses.

Cet ouvrage a été conçu comme une étude globale (même si les statistiques ne permettent pas d’avoir les mêmes définitions partout) et comparative de l’évolution métropolitaine récente et des changements politiques qui lui sont associés. Ils se basent sur cinq hypothèses pour évaluer la métropolisation et ses conséquences. La première tend à vouloir vérifier que les aires métropolitaines dominent les sociétés industrielles. L’étalement urbain serait aussi une conséquence de la métropolisation. De plus, ces aires urbaines seraient de plus en plus fragmentées. Ensuite, ces dynamiques en cours aboutissent à une polarisation sociale et économique intramétropolitaine. Enfin, la dernière hypothèse concerne les orientations politiques qui dépendraient aussi de ces dynamiques.

Le premier chapitre est consacré au Canada. Les régions métropolitaines sont marquées à la fois par une suburbanisation accélérée et multiforme, un mouvement de polarisation intense mais aussi par la ségrégation spatiale. On remarque que l’étude comparative avec le modèle voisin des Etats-Unis est très riche en enseignements. Le modèle canadien, moins polarisé, s’individualise de l’américain, par ses différences morphologiques mais aussi par un centre ville qui n’a pas une tendance aussi marquée au dépeuplement.
La réorganisation du monde municipal canadien emprunte davantage la voie de solutions institutionnelles mises en œuvre par les gouvernements provinciaux qui ont plus de pouvoirs qu’aux Etats-Unis. On assiste alors à une faible fragmentation politique des métropoles canadiennes.

Les Etats-Unis sont perçus comme un modèle original, sans véritable colonne vertébrale commune. On retrouve aujourd’hui 167 zones métropolitaines de plus de 200 000 habitants en 2000 qui regroupent près de 76%. On constate l’absence d’un modèle standard de métropolisation et de suburbanisation. Les différences entre aires métropolitaines sont significatives. La suburbanisation s’est propagée à travers tout le pays tout au long des années 90. On a donc une forte dispersion de la population et une fragmentation géopolitique montrant une grande variété de tendances locales. Diversité des concentrations de problèmes socio-économiques par rapport aux banlieues uniformes et privilégiée qui entourent les villes-centres appauvries ne correspond vraiment qu’à une partie de la réalité.
La fragmentation entre Républicains et Démocrates est réelle. Les auteurs proposent ainsi une division intéressante en quatre types distincts d’aires métropolitaines en fonction de leur ancienneté et de leur composition sociale et ethnique. La Suisse, un autre exemple développé, semble en tout point comparable au modèle Nord-Américain. Le comportement politique n’est guère influencé par les transformations métropolitaines. Les difficultés de gouvernance politique sont réelles devant l’éclatement des entités spatiales et politiques. La seule différence réside dans la polarisation socio-économique entre banlieue et ville centre.

Deux autres passages de l’ouvrage sont tout à fait stimulants pour le lecteur.
Tout d’abord, le chapitre consacré à l’Allemagne insiste sur la spécificité de la réunification de 1990. Le phénomène de métropolisation touche aujourd’hui l’Allemagne de l’Est. 84% de la population habite dans les 75 aires métropolitaines qui la composent. Même si on retrouve des traits communs avec les autres modèles métropolitains, la spécificité du clivage Est/Ouest est une donnée intangible pour mieux appréhender ces espaces et les fragmentations sociales et politiques.
La partie consacrée à la France propose une problématique intéressante : Peut-on parler d’une américanisation des aires métropolitaines françaises ? Le constat est simple et synthétique : sur les 354 aires urbaines concentrant 77% de la population française la polarisation excessive des principales métropoles et l’étalement urbain, à l’instar des Etats-Unis sont des informations de base à qui veut étudier sous l’angle des sciences sociales ces espaces. Le niveau élevé de fragmentation géopolitique est étudié à travers ses conséquences : celles des stratégies privées et la montée de l’individualisme. La France se différencie des autres espaces étudiés par ses villes-centres qui demeurent des pôles d’attraction forts qui ont empêché un mouvement massif de fuite des classes moyennes vers les périphéries. Les disparités socio-économiques entre centre-villes et banlieues sont donc relativement limitées.

L’étude politique de cet ouvrage est intéressante. Elle permet d’identifier les espaces du politique et les spécificités qui y sont attachées. On pourra le lire avec plaisir pour mieux identifier les raisons sociologiques de l’attachement à un parti politique ou à un autre. Comme le remarque les auteurs, « Le statut socio-économique relativement privilégié des banlieues et la concentration des plus démunis dans les villes-centres sont généralement à l’origine de ces différenciations » à l’image de l’Allemagne où les espaces des classes moyennes sont devenues progressivement conservatrices.

Les cartes et tableaux statistiques ainsi que leurs analyses peuvent ouvrir des pistes très intéressantes pour des études de cas ciblées [voir le modèle canadien (p.39)]. En Première la comparaison des réseaux urbains français et allemands sera ainsi facilitée grâce aux deux chapitres consacrés aux deux pays ainsi que les cartes proposées. C’est dans les informations synthétiques sur ces phénomènes de métropolisation, et par les exemples nombreux développés que cet ouvrage est utile. Il pourra être utilisé comme un excellent point de repère pour les enseignants qui trouveront bénéfice à sa lecture aisée.

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