L’excellent magasine de photographie Polka propose, dans le cadre de sa livraison estivale, des contributions des photographes Joakim Eskildsen, Salomé Hévin, Michael Christopher Brown, François Pugnet, Joel Meyerowitz et Robin Tutenges.
Le numéro débute avec le travail de Michael Christopher Brown. Le photographe a choisi d’utiliser l’IA dans deux séries de travaux intitulés 90 Miles (présentée comme étant « une expérience post-photographique sur Cuba générée par intelligence artificielle ») et Skagit Valley dans laquelle l’auteur a réalisé une série graphique avec des États-Unis plongés dans un hiver nucléaire. Le résultat, parfois glaçant (voir les photographies des pages 26, avec des enfants cherchant refuge dans un entrepôt frigorifique, et 28, un navire de fortune transportant des exilés cubains), ne peut qu’interpeller.
Robin Tutenges (« Birmanie. La guerre dont on ne parle pas ») a couvert la lutte de la guérilla des Chins contre la junte au pouvoir en Birmanie (Les Chins connaissent le taux de pauvreté le plus élevé du pays. Chrétiens protestants, ils ont été régulièrement victimes des pouvoirs militaires en Birmanie). Il dénonce l’extrême violence des combats et les exactions des militaires au pouvoir, présente des clichés de la CNA (Chin National Army. Ce groupe militaire compte environ 3000 combattants) et dénonce l’indifférence de la communauté internationale. La répression de la junte a provoqué la mort de milliers de personnes et le déplacement de 1,5 million de gens depuis février 2021.
Salomé Hévin (« Au foyer des enfants libres ») s’est intéressée aux conditions de vie d’une quinzaine de jeunes garçons dans un foyer d’accueil en Russie au pied de l’Oural, près de la ville de Perm. « Encadré » par un prêtre orthodoxe rigoriste, ils connaissent des conditions de vie particulièrement dures avec un personnage qui entend les « rééduquer » à coup de travail manuel et de prêches religieux et nationalistes.
François Pugnet a réalisé des clichés de françaises et français travaillant encore entre 75 et 102 ans (p.80-85). La philosophe Claire Marin, dont une interview accompagne les clichés, indique que le « choix » de continuer à travailler « est parfois contraint par des nécessités économiques. Il dit alors quelque chose d’une solidarité politique défaillante. Mais il répond aussi à un besoin d’appartenir à une certaine dynamique sociale, d’avoir un rythme et peut-être aussi de se sentir utile (p.83) ».
Joakim Eskildsen (« Les nuits bleues d’un été à Skagen ») présente une série quasi onirique sur la ville de Skagen, ville la plus septentrionale du Danemark.
Enfin Joel Meyerowitz, « monstre sacré de la street photography », est interviewé et évoque son travail, à 85 ans, dont 60 ans de photographie !
Le journal compte également un retour sur l’œuvre intitulée Le voyage mexicain de Bernard Plossu (p.34-38) présentée comme étant « un peu l’équivalent européen de Sur la route de Jack Kerouac (p.36) », des photographies de Franck Bohbot (p.40-41) sur les salles de jeux californiennes, un portrait de la photographe Inge Morath (p.42), une chronique de Dimitri Beck sur les « unes » de Libération (p.52), un article de Thierry Grillet sur l’exposition consacré au photographe néerlandais Johan Van der Keuken (p.112-114) et une chronique de Christian Caujolle (p.130) évoquant le refus d’un prix par le Berlinois Boris Eldagsen qui avait généré une image retenue par l’IA. La boucle est bouclée…
Grégoire Masson