Bruno Modica est chargé de cours en questions internationales et chargé de formation au CNED de Lille
Les lecteurs réguliers d’un quotidien vespéral connaissent la plume de Thomas Férenczi, correspondant à Bruxelles et fin connaisseur des questions européennes. Dans cet ouvrage, il pose une question qui a traversé les Rendez vous de l’Histoire de Blois, où nous avons eu le plaisir de le rencontrer. Car au-delà de la question, c’est sans doute les réponses qui sont attendues. En effet, Thomas Ferenczi a commencé par revisiter cette histoire de l’Europe en associant les grandes périodes, les précurseurs et les personnages. Cet ouvrage présente ainsi l’immense avantage d’offrir au lecteur plusieurs angles d’attaques. On pourra ainsi trouver, avec une écriture très alerte, un excellent rappel historique des bases de cette Europe que l’on a voulu chrétienne lors du débat institutionnel, et qui le fut pourtant pendant le Moyen Âge. Car c’est l’Europe des cathédrales et des abbayes, plus que celle des Papes et des Empereurs qui jetait les bases d’une partie de l’être européen. Certes cela fut relayé ensuite par ces hommes des Lumières, voyageurs et philosophes, connus et moins connus comme l’Abbé de Saint – Pierre qui imaginait une confédération de Nations, avec un Sénat de représentants de 24 souverains unis. Une belle idée qu’Henri IV aurait eue également d’après Sully.

En quelques pages on passe ainsi sur les débuts difficiles du marché commun et l’auteur n’épargne pas de Gaulle d’ailleurs, et notamment sa politique de blocage à diverses occasions. Il explicite d’ailleurs la formule d’Europe des patries attribuées à tort, selon lui à de Gaulle. Le mérite de la relance européenne sous direction française est clairement attribué à ce couple, vu des milliers de fois main dans la main à Verdun. François Mitterrand et Helmut Kohl ont ainsi fait avancer l’Europe très rapidement et jeté les bases de ce qu’elle est devenue. Mais ce couple se révèle être un ménage à trois du fait de la présence discrète mais terriblement efficace de Jacques Delors.

Les personnages de l’Europe ne se limitent pas à l’évocation des figures tutélaires de Robert Schuman et de Jean Monnet. Le couple franco – allemand est un personnage à part entière, tout comme la méfiance obstinée des gouvernements britanniques. On sait la place que Margaret Thatcher a pu prendre dans les conseils européens et les conséquences sur les génitoires d’un ex – président de la République de ses demandes répétées de diminution de la contribution financière du Royaume – Uni.

personnages et thèmes

L’analyse de Thomas Ferenczi, pour être lucide n’en est pas moins optimiste. Même de Galle est un européen quand même et finalement, l’échec du projet de traité constitutionnel une péripétie. La crainte d’une Europe libérale ne tombe – t – elle pas d’elle-même en ces temps de crise où l’Europe libérale se fait régulatrice et interventionniste ?
Sur les thèmes, l’ensemble des questions importantes est abordé avec bonheur. Les questions qui fâchent tout d’abord comme les frontières de l’Europe. On parlera alors de cette politique européenne de voisinage mais on évitera l’effet d’annonce de la politique d’Union méditerranéenne évoquée par le locataire actuel de l’Élysée. On abordera les questions de fond sur le devenir de l’Europe, questions traitées à Blois par bien des intervenants. L’Europe puissance est – elle envisageable. Quel prix les européens sont ils prêts à payer ? Pour leur défense par exemple…
Pour ce qui concerne le déficit démocratique, Thomas Ferenczi tord volontairement le cou à quelques préjugés et effets de tribune faciles. La commission est désignée par les gouvernements eux – mêmes issus du suffrage universel national. Toutefois, il ya sans doute une logique qui amène, et c’est finalement positif, les commissaires à dépasser leur origine nationale pour agir en ayant comme objectif l’intérêt général.

Être européen, ce n’est pas semble dire Thomas Ferenczi se limiter à attendre les effets bénéfiques d’une Europe puissance, d’une Europe armée dans la bataille de la mondialisation, d’une Europe protectrice et compétitive à la fois, mais peut – être tout cela à la fois ou son dépassement.
Être européen c’est inscrire un avenir dans un passé commun, parfois tragique pour fonder un vaste espace de démocratie et d’échanges. Sans doute pour l’auteur cela passera par un système à plusieurs vitesses, le noyau dur de l’Europe ou les pays pionniers, mais on ne fera pas l’économie de l’Union politique. La question que l’on renverra à l’auteur de Pourquoi l’Europe ? sera celle–ci : Pour qui l’Europe ? Les Européens de demain sans doute mais peut – être pas tout à fait.

Bruno Modica