Ce livre, qui, si l’on en croit la couverture, serait de Joseph Maguire, se révèle être un recueil d’articles écrits en compagnie d’autres auteurs traitant de l’impact de la mondialisation sur le sport, abordant les liens entre les échelles locale et globale, des expériences vécues par des acteurs du monde sportif et certains aspects des relations entre politique et sport.
L’articulation entre local et global est abordée dans deux articles co-écrits avec Marc Falcous puis Catherine Possamai. « Making touchdowns and hoop dreams » revient sur la stratégie d’expansion en Europe et l’implantation avortée des ligues majeures de football américain et de basket, la NFL et la NBA lors des années 80 et 90. Si la NFL parvint à « faire son trou » dans les années 80, la NBA, malgré le volontarisme du commissionner David Stern, ne put jamais pénétrer le marché britannique en raison de la force des sports autochtones, de son image, celui d’un sport-spectacle joué par des noirs. Les sports majeurs locaux en profitèrent pour copier les stratégies marketing et médias utilisées par leurs homologues américains pour renforcer leur emprise sur le territoire anglais à tel point que le directeur de la NFL International dut reconnaître sa déconvenue.
Avec « Back to the Valley », il est question des réponses du local aux modifications intervenues à l’échelle globale, en l’espèce celle des fans d’un club face aux mutations du foot britannique en particulier, européen en général. En 1985, le club de premier league de Charlton fut, pour des raisons économiques, contraint de quitter son stade « the Valley stadium ». C’était sans compter sans la passion et l’attachement des supporters à LEUR stade, symbole d’une identité malmenée dans un monde en rapide mutation. Epilogue de l’histoire, le Charlton Athletic réintégra the Valley en 1992, la volonté des supporters l’emporta sur la logique économique. Cette résistance ponctuelle n’empêcha toutefois pas le déménagement d’autres équipes vers des stades dans lesquels les fans sont de plus en plus remplacés par des consommateurs.
Deux expériences particulières sont ensuite relatées par J.Maguire, C.Possamai et D.Stead. Le premier texte traite des migrations des travailleurs sportifs au travers du cas des joueurs de cricket. Longtemps, les meilleurs joueurs de cricket émigrèrent vers le Royaume-Uni, considéré comme le pays de référence dans le petit monde du cricket. Depuis les années 90, bien des changements sont intervenus : L’Angleterre ne domine plus le cricket et la question de la présence des étrangers dans le championnat a été posée. Côté migrants, l’expérience acquise loin de leurs bases a permis, au-delà des considérations financières, aux pays fournisseurs de remettre en question la domination britannique à tel point que les auteurs voient dans ce cas, l’illustration du rôle que peuvent jouer les migrations dans le développement des pays émetteurs.
« In league together » nous narrent les tentatives d’extension et d’expansion du rugby à treize. Sport dont l’image reste celle d’une discipline au public masculin et ouvrier du Nord de l’Angleterre, le « treize » a fait l’objet d’un projet commandité par Rupert Murdoch. Changements de règles, américanisation des noms d’équipes, spectacles d’avant-match, fusion d’équipes réorganisèrent ce sport afin de modifier son image, d’élargir sa base géographique, d’attirer un plus large public. Mais les supporters rejetèrent tout ou partie du projet, prévenant toute nouvelle fusion d’équipes mais sans parvenir à contenir l’influence des médias. Les auteurs en font un cas d’école : des mutations ont été entérinées mais la base sociale et géographique n’aurait pas été fondamentalement altérée, signe selon Maguire et Possamai de la pression du local sur le global, de groupes locaux sur des multinationales.
Les rapports entre identité nationale, politique et sport sont abordés à partir des cas du rugby irlandais et d’une rencontre de football bien particulière, un Allemagne/Angleterre disputé en 2001. Dans « Not the Germans again » , l’avant et l’après-match révélèrent, pour les auteurs observant la presse britannique, le maintien d’un fort attachement à la nation dans un monde globalisé, reprenant l’idée de Norbert Elias pour qui subsiste, dans un monde d’interdépendances des îlots de nationalisme. Ainsi, les médias britanniques relayèrent ce sentiment, multipliant les images militaires, comparant ainsi Michael Owen, auteur d’un hat-trick, à un spitfire, rappelant aussi la victoire de lors de la coupe du monde 1966 et faisant de la victoire en 2001 le plus important résultat de l’histoire anglaise, symbole d’une fierté retrouvée et d’une place dans le monde réaffirmée. Car place sur l’échiquier sportif mondial et place d’un pays dans le monde serait liées expliquant le soutien accordé par le gouvernement de sa Majesté à la candidature londonienne pour les JO 2012. On peut souscrire à cette idée après la course aux médailles ayant opposé Chine et Etats-Unis en août dernier ou encore les initiatives anglaises visant à naturaliser des athlètes étrangers en vue des Jeux de Londres.
La dernière partie du livre que l’on doit au seul J.Maguire traite pour partie de la dévolution à Pékin des dernières olympiades. Sont analysées les relations entre les médias et le CIO, ainsi que les réactions des seuls médias américains à cette désignation. A leur écrasante majorité, ils critiquèrent le choix du CIO et le comité, estimèrent que l’attribution à Pékin devait permettre de mettre en lumière le régime chinois et ses travers tout en attestant de l’apparition du pays sur le devant de la scène mondiale. Poussant plus loin, cette dernière conclusion, J.Maguire considère que la victoire de Pékin reflèterait peut-être un nouvel ordre mondial dans lequel l’Occident ne serait plus dominateur ; autre hypothèse, une forme d’occidentalisation de la Chine intégrant ses pratiques sportives et ses modèles économiques. Ou, conclut-il, est-ce un mélange des deux.
On peut discuter certaines théories ou la représentativité des exemples choisis; ainsi partir de l’idée que la globalisation du sport est une réalité peut ne pas apparaître pertinent. A ce jour, les études faites sur les migrations de sportifs, les footballeurs notamment, ne concluent pas à leur caractère global.
Discuter ou compléter car si pour les joueurs de cricket, l’argent ne constituerait plus la motivation première de la migration, il est d’autres sports, comme le basket, où le montant du contrat est la première raison d’un départ à l’étranger, le choix de la destination particulière faisant entrer en ligne de compte d’autres critères sportifs, culturels…
Ce livre fait néanmoins réfléchir et illustre l’importance des études sur le sport dans le monde anglo-saxon loin d’être aussi développées dans notre pays.
Copyright Clionautes.