Récit historique : Ce roman a été écrit sur la base des recherches effectuées par l’auteur pour sa thèse soutenue en novembre 2014 à l’université de Lyon 2 : L’Eglise et l’argent dans les lettres de François de Sales et de Jeanne Frémyot de Chantal.
Quatre femmes et un couvent sous Louis XIII, ouvrage rédigé par Michel Bauer universitaire enseignant le management et docteur en histoire des religions. Ses recherches l’ont conduit à étudier les rapports entre l’Eglise et l’argent à cette époque.

Quatre femmes et un couvent sous louis XIII est un récit historique puisque l’action, les intrigues plutôt, se déroulent au début du dix-septième siècle. Les guerres de religions sont passées et la contre reforme menée par l’Eglise semble rencontrer quelques obstacles pour s’imposer, devoir s’accommoder du fait que l’Eglise est spirituelle mais aussi- surtout ? – terrestre et humaine … La congrégation des Visitandines de Saint François de Sales connait un certain succès et son fondateur Saint François de Sales entend bien la développer avec l’aide de ferventes et pieuses dames issues de la noblesse et le soutien de quelques évêques locaux. Nobles et clercs – haut clergé – qui, qui sont liés par des liens de parenté bien souvent et pour cause.Comme le couvent en question dans le titre est celui de Moulins de l’Ordre de la Visitation de Sainte Marie au fil du roman, en arrière-plan, nous assistons à la mutation de cette « simple congrégation » en ordre assez important en France et en un ordre parmi les autres ordres de l’époque. En effet, les premiers couvents ouverts, ils se multiplient dans le royaume et parallèlement la Règle est définie. Définition de la règle en fonction d’objectifs spirituels mais aussi temporels. Cet ordre doit vivre se développer :il lui faut de l’argent, l’argent de mécènes des nobles des localités où ils souhaitent s’installer notamment – on perçoit alors l’importance du réseau de connaissances, des parentèles des Mères – mais aussi et surtout l’argent des jeunes femmes qui vont entrer dans cet ordre. Il faut donc recruter des jeunes femmes, des femmes de bonne famille qui apportent une dot et une pension conséquente au couvent où elles vivent, et qui servent aussi de vitrine. Cette nécessité conduit à une véritable concurrence entre les Ordres existants pour mettre la main sur les meilleures recrues en tant qu’opportunités financière même si leur conduite est loin d’être canonique. Ainsi du Tertre à la réputation sulfureuse – elle a accouché d’un enfant un an après le décès de son mari – entre au couvent de Moulins après bien des tractations.Cette quête des plus intéressantes recrues conduit aussi à quelques aménagements des principes initiaux de la congrégation pour la rédaction de la Règle d’une part, ainsi les jeunes femmes n’iront plus dans les villes secourir les pauvres et les malades mais seront cloitrées car cela sied mieux à leur condition et satisfait plus les familles. Mais aussi d’autre part de l’aménagement de la vie au couvent ainsi Mme de Montmorency obtient bien des privilèges jusqu’à l’érection d’une statue de son défunt mari sous les traits de Saint Joseph dans la chapelle du couvent ! L’argent tient donc ici une place majeure dans le récit et semble préoccuper bien la Mère supérieure de l’Ordre Jeanne de Chantal que les préoccupations spirituelles car il en fait aussi de l’argent pour dégager Mme de Gouffiers de ses liens avec le couvent du Paraclet d’où elle s’est enfui, pour la canonisation de François qui a couté 150 000 livres, la publication de son ouvrage … Cette quête d’argent sans cesse, Mme des Gouffiers qui y participe pourtant, Mme de Bigny ou Mme de Montmorency en ont conscience Mme des Gouffiers se demande si elle ne devait pas fuir cet ordre rejoindre les Calvinistes à Genève qui semblaient autant respecter le seigneur et certainement courraient moins après l’argent (p 74), Madame de Montmorency y est résignée «  n’est- ce pas le sort des puissants que d’être sans cesse sollicité ». Cet intérêt pour l’argent n’est-il pas renforcer du fait de la spécialité de l’auteur ?Ce roman a été écrit sur la base des recherches effectuées par l’auteur pour sa thèse soutenue en novembre 2014 à l’université de Lyon 2 : L’Eglise et l’argent dans les lettres de François de Sales et de Jeanne Frémyot de Chantal. Il a pris les compilations de ces correspondances pour principales références. De nombreux extraits de lettres, notamment celles de Jeanne de Chantal, sont publiés dans l’ouvrage -leurs sources sont listées dans les notes à la fin du livre. Ils sont contextualisés par l’auteur, leur contenu décortiqué… Son intervention est très utile car la lecture de ces extraits n’est pas toujours facile, le contenu pas toujours clair, peut-être à cause de la langue de l’époque, peut-être à cause du style de leurs auteurs et des affaires qu’ils y traitent surtout Jeanne de Chantal (exemple page 114 -115). Mais de ce fait c’est clairement annoncé (page 1) ce récit est une interprétation personnelle des évènements décrits.Ces extraits et le travail de l’auteur, ses choix, nous permettent d’entrevoir le contexte politique et social dans lequel ses femmes évoluent. De pénétrer dans les méandres des relations entre les protagonistes du roman essentiellement et dans la vie agitée d’un couvent.Quatre femmes: Madame des Gouffiers, la Mère de Bigny, la duchesse de Montmorency et Jeanne de Chantal. Quatre femmes qui appartiennent à la petite ou la très haute noblesse vivier de l’Ordre, elles vont vivre successivement dans ce couvent (Mme de Montmorency arrive au couvent de Moulins alors que Mme de Bigny y est encore mère certes) plus ou moins volontairement n’ayant guère d’échappatoire.

Jeanne de Chantal elle joue un rôle majeur pour l’installation et le développement de l’Ordre, elle est Mère du couvent d’Annecy, le 1er fondé par les Visitandines. Elle est présente d’un bout à l’autre du récit, c’est la seule : c’est une des sources essentielles de l’auteur certes, mais cela semble montrer son désir d’être omniprésente dans tous les couvents qu’elle noie sous un courrier abondant, à la tête desquels elle peut faire élire en dépit de la Règle d’autres des sœurs dévouées, obéissantes qui ne la contrarieront pas. Jeanne de Chantal semble vouloir tout contrôler la fondation des maisons, le recrutement des novices, les finances, la vie des sœurs … usant de ses relations, de sa réputation et de son statut dans l’ordre , surveillant le courrier des sœurs …. « Jeanne était une femme d’affaire remarquable, un entrepreneur prenant des risques, une dure gestionnaire des relations humaines, mais aussi une Mère ne suivant pas toutes les vertus chrétienne » (p 192-93).  Cette Mère canonisée apparait ici comme un véritable despote, machiavélique et tyrannique mais aussi avide d’argent (pour l’Ordre et/ ou les couvents il n’est ici pas question d’enrichissement personnel). Elle s’est autoproclamée Mère Générale afin d’avoir autorité sur tous les couvents, statuts qui a priori n’existait pas dans la Règle. Elle défie l’autorité des évêques, leur parle comme même un prince n’oserait leur parler. Elle travestit la vérité, calomnie…pour abattre ses ennemis oubliant par la même les fondements de la vie en chrétien… En effet, pour exemple dans sa campagne d’anéantissement de Mme de Bliny qu’elle harcèle des années durant, elle n’hésite pas au fil des courriers à transformer une simple sortie aux Bains pour raison de santé, certes interdite par la Règle mais d’autres en font, en une escapade scandaleuse. Sous sa plume, Mme de Bigny non seulement est allée aux Bains avec des hommes (clercs et médecin)… mais elle a maltraité, violenté plusieurs sœurs de son couvent, des sœurs âgées de surcroit, et des désordres apparaissent dans sa comptabilité : pures inventions . Mme de Bigny pourtant est obligée de remettre sa déposition (elle avait été élue Mére de la Maison de Moulins) et Jeanne d’exulter de cette victoire.Les sœurs des Visitandines en 1689, ont fait imprimer L’année sainte des religieuses de la Visitation de Sainte Marie qui vise à réhabiliter Mme de Bigny, mais qui ne veulent pas nuire à la réputation de Jeanne de Chantal et à sa béatification en cours aussi «ce livre est uniquement destiné aux Visitandines et ne doit tomber sous les yeux des mondains » (p 199). Pourtant Mme de Bligny a du se démettre de ses fonctions de Mère des Moulins et quitter les lieux quelle aimait tant et Jeanne d’exulter cette victoire.

Quel temps lui reste-t-il à Jeanne pour se consacrer à sa vie religieuse ? Est-ce comme s’interroge Madame de Bigny le sort des puissants de ne pouvoir vivre en paix dans l’adoration de Dieu ou parce que Dieu est servi par des êtres trop humains ?
Quoi qu’il en soit, elle, après Madame de Gouffiers, en fait les frais.

Tout autre est la nature de la relation indirecte (elles ne se sont jamais rencontrées), qu’entretient Jeanne avec Mme de Montmorency veuve du duc de Montmorency qui vient d’être décapité pour avoir participé à une rébellion, contre Louis XIII, « Après de nombreuses négociations entre le château de Moulins où est emprisonnée et la cour à Paris », elle entre chez les Visitandines dans le couvent de Moulins (1634) grâce à l’action de Jeanne, très intéressée par la fortune dont dispose encore la duchesse. Est-ce à cause de sa fortune ? A cause du fait qu’elle admire l’autorité de Jeanne et s’appuie sur celle-ci pour jouir de privilèges au sein du couvent ? Etant donné sa condition, elle a obtenu des conditions de vie exceptionnelles : une petite maison au bout du jardin du couvent, où elle peut recevoir. Et quant à l’émoi suscité par la fameuse statue de son mari en Saint Joseph « Jeanne mit de l’ordre dans tous ces mouvements en écrivant fermement que la riche donatrice avait raison, et qu’elle était libre d’orner la chapelle du couvent comme bien lui semblait ». Est-ce à cause du fait que Mme de Montmorency résignée ne cherche plus qu’à vivre paisiblement dans l’adoration de Dieu et de son défunt mari et que, détachée des choses terrestres, elle se montre, très généreuse avec l’Ordre … ? Mais c’est la seule qui meurt sûre d’avoir fait le bon choix en entrant chez les Visitandines…

Tous ces personnages se retrouvent entre autres, dans l’Epilogue céleste, au Purgatoire à la fin du règne du Louis XIV. Aux portes du Paradis, leur Humanité est immortelle …

Seul l’enfer est pavé de bonnes intentions. C’est donc bien l’histoire de quatre femmes et d’un couvent et non de quatre sœurs dans un couvent qui est racontée là par Michel Bauer. Ce récit s’adresse plutôt par conséquent à des initiés… Ou à des anticléricaux pour leur donner du grain à moudre !