L’ouvrage est issu d’un travail interdisciplinaire qui associe archéologues, historiens, spécialistes des métaux pour une histoire du cuivre et de ses alliages sur la très longue durée, un métal semi-noble proche de l’or par sa couleur, sa brillance marqueur social dans les sociétés anciennes : quatre millénaires depuis les premières utilisations de ce métal jusqu’aux circuits imprimés de vos ordinateurs.

Dans l’introduction Michel Pernot qui coordonne l’ouvrage plaide pour une histoire des techniques encore peu représentée et retrace les grandes étapes chronologiques, techniques, économiques et sociales, laissant Paolo Piccardo, Justine Vernet et Giorgia Ghiara développer les aspects scientifiques de la métallographie.

Une large Antiquité

Cinq contributions pour cette première période entre protohistoire et antiquité du Proche-Orient à l’Europe.

Où et comment les hommes ont-ils eu l’idée de faire fondre un bloc de pierre ? Michel Pernot montre la genèse de la métallurgie à partir du travail du silex d’une part, de la maîtrise des températures élevés de la céramique d’autre part. Il traite des différents procédés de travail du cuivre et des alliages mettant en lumière les gestes techniques vieux de plus de 3 000 ans.

Ziad El Morr aborde ces mêmes techniques dans le monde oriental : notamment dur le site anatolien de Cayanü Tepesi et au Levant pour fabriquer armes et bijoux.

Anne Lehoërtz aborde la question de la guerre à la protohistoire en Europe1. Si la violence n’est pas née avec le travail du métal, celui-ci a donné des armes nouvelles comme l’épée. Elle conclut sur l’association, pour longtemps, de l’innovation et de la guerre.

Alexis Gorgues traite de la transition cuivre-fer. Il montre que le découpage traditionnel ente âge du cuivre et âge du fer est trompeur puisqu’il n’y a pas remplacement mais filiation, la maîtrise des hautes températures ayant permis de travailler un nouveau minerai et puisque le cuivre est toujours utilisé. Il replace cette évolution dans un cadre chronologique et géographique, montre le rôle des pôles urbains et présente un exemple emblématique avec le site de Tossal Montanès en Espagne.

Cette première partie se clôt sur un long article de Michel Pernot : à partir du premier millénaire le monde change-t-il plus vite ?

Un bilan des productions bronze/fer à cette période montre des innovations techniques pour une production en plus grande quantité, des techniques mises en scènes sur un vase grec à figures rouges (p. 137) qui montre un bas-fourneau, techniques utilisée dans des vestiges retrouvés dans les tombes des princes celtes d’occident comme le cratère de Vix. A partir du Ve siècle la technique s’améliore encore avec des objets qui associent fer et bronze. L’archéologie expérimentale permet de mieux approcher les techniques employées et notamment les productions en série à partir du IIIe siècle : fibules et surtout monnaie.
L’analyse des vestiges retrouvés au Mont Beuvray est l’occasion de définir à la fois les techniques employées et l’organisation du travail, on peut alors comme à Autun parler d’artisanat métallurgique.

Du Moyen Age au monde moderne

Deux contributions sont consacrées à cette période.

Nicolas Thomas analyse le long Moyen Age de la commande à la production de masse. Bien qu’on soit désormais dans l’histoire et ses sources écrites, les fouilles, notamment de nécropoles, sont indispensables pour écrire une histoire de la métallurgie médiévale encore à l’état d’ébauche.

Le cuivre entre désormais dans les objets du quotidien pour fermer un vêtement et surtout dans la batterie de cuisine. Selon les objets la technique sera la fonte (fermoirs), la déformation par martelage (chaudrons) ou de fines tôles embouties pour de petits objets. L’auteur aborde aussi les différents types d’alliages. Les textes comme le livre des métiers d’Etienne Boileau2 permettent d’approcher les divers métiers et leur hiérarchie sociale en particulier quand se mettent en place des ateliers spécialisés tournés vers le commerce des Foires.

Jean-François Moreau invite le lecteur sur l’autre rive de l’Atlantique à l’époque moderne. Si les Amérindiens ont travaillé le cuivre natif, très présent dans ces contrées3, bien avant l’arrivée des Européens (- 3000 /- 1500 avant notre ère) se fut pour des usages rituels et par un travail sans recours à de fortes températures. Le chaudron, lui, est arrivé avec les premiers colons et a été échangé contre des fourrures comme le montre les sources étudiées sur la présence basque dans la seconde moitié du XVIe siècle. es fouilles de sites algonquins ou iroquoiens montent qu’après usage les chaudrons ont été découpés pour divers usages surtout décoratifs.

L’auteur décrit ici, grâce à la fois aux sources textuelles et archéologiques le commerce et les diverses utilisations des chaudrons européens outre Atlantique

Des révolutions industrielles

Trois contributions suivent l’aventure du cuivre au moment de la révolution industrielle.

Alexandre Frenandez traite de la production de 1830 à 1930. Il détaille l’évolution d’un site de Cornouailles britanniques, Swansea, première zone d’extraction de cuivre au monde au début du XIXe siècle et la relève assurée par les mines d’Andalousie. Au XXe siècle ce sont les États-Unis et le Chili qui assure l’essentiel de la production.

Maryse Lassalle, Corinne Arvieu et Florent Laroche s’intéressent à l’association du cuivre et de la vapeur. Dès les premières expérimentations sur la vapeur (Papin) le cuivre est le matériau des chaudières mais il est aussi très présent dans leurs améliorations par adjonction de tuyaux et serpentins qui améliorent le rendement des « machines à feu ». Le cuivre dispose d’un avantage sur le fer, il est peu sensible à la corrosion. Les auteurs dressent ensuite un tableau des usages de la vapeur dans les mines, l’industrie, les transports y compris l’aviation avec le premier avion de Clément Ader4.

Christophe Bouneau rappelle que lors des 2e et 3e révolutions industrielles le cuivre, même caché, demeure présent en lien avec l’électricité puis le numérique pour ses qualités de conductivité. Il traque ce métal dans toutes les innovations récentes.

Art et industrie

Jean-marie Welter propose le regard de l’industriel sur l’évolution d’une technique : du martelage au laminage puis à la coulée continue, du Moyen Age à nos jours. Il montre les multiples usages de ces techniques avec un maître mot : « réduire l’épaisseur ».

Jean Dubos met en lumière l’apport d’un chaudronnier’ de métier dans la compréhension des procédés anciens et l’intérêt de l »archéologie expérimentale.

Valeria Bongiorno, Justine Vernet et Paolo Piccardo s’intéressent à la statuaire contemporaine notamment au cimetière de Staglieno et à la fonderie Cattadori de Gênes : alliages, patine, peintures de protection et posent la problématique des techniques de conservation.

Pour ne pas conclure

Anne-Françoise Garçon plaire pour une histoire mondiale du cuivre et du temps long et trace les axes possibles d’approfondissement.
Quand Michel Pernot revient sur les « rebonds » de cette histoire.

 

L’intérêt de cet ouvrage réside dans la démonstration de l’apport des données techniques, des analyses physico-chimiques à la compréhension des fouilles archéologiques et fournissent aux historiens des informations indispensables même pour les périodes plus récentes.

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1Thématique qu’elle avait développée dans le premier tome de la collection Mondes Anciens : Préhistoires d’EuropeDe Néandertal à Vercingétorix, Belin, , 2016, 606 p.

2Fin XIIe siècle

3Région des Grands lacs en particulier

4Photographie p. 230