Cette BD évoque un sujet rarement traité dans ce format, celui de la Prohibition, à la fois au Canada et aux Etats-Unis. Pour cela, nous suivons le destin de Lilian Miner, alias Queen Lil, et de sa maison de passe, le Palace of Sin. Situé à la frontière entre les deux pays, cet hôtel devient un lieu à la fois de prostitution et de trafics en tout genre, sous la direction d’une femme ambitieuse.

Les auteurs n’abordent absolument pas le côté érotique de cet endroit. Condamnée à plusieurs reprises pour cela (et pas que pour ça), Lilian Miner est ici abordée d’abord et avant tout comme une figure de femme libre, entrepreneuse à succès, habile dans ses relations professionnelles, personnelles et politiques.

A travers cette histoire romancée (nous ne sommes pas ici tout le temps dans la biographie fidèle), les auteurs abordent des thématiques multiples. Tout d’abord la place des Amérindiens dans des sociétés qui se modernisent par l’industrialisation et le développement des transports mécanisés.

Ensuite, la fonction extrêmement importante des associations de lutte contre la consommation d’alcool, de part et d’autre de la frontière. Derrière ces associations s’organisent avant l’heure des lobbies extrêmement puissants, se retrouvent des financements idéologiques d’Eglises ou d’ambitieux politiques, se cachent des actions et des faits pas toujours recommandables.

Enfin, le livre retrace des destins contrariés de femmes, dans une société qui a tendance à les caricaturer et à les maintenir à des places précises., Nous suivons le parcours de plusieurs d’entre elles, entre joies, violences, destins brisés, ambitions et volonté de s’émanciper.

Au final, les auteurs nous proposent une BD très riche en thématiques, en informations (beau dossier à la fin de la BD) et en personnages hauts en couleur. A travers la personnalité très forte de Queen Lil, ce sont plusieurs pans de l’histoire nord-américaine qui sont traités de manière précise et nuancée. Un vrai plaisir de lecture.