Cet essai se veut une réflexion sur l’avenir des systèmes éducatifs africains, il pose la question de la place de l’éducation pour le développement du continent à l’ère de la mondialisation. L’auteur propose une analyse des systèmes existants et une démarche prospective large ouverte sur le développement d’une éducation respectueuse des valeurs des sociétés africaines. La réflexion porte tant sur les systèmes éducatifs que sur les formes d’éducation extra scolaires, éducation formelle et informelle, un défi pour l’éducation en Afrique entre “effondrement de la famille, la communauté, la classe d’âge”, inégalités économiques mondiales et situations de conflits. Cet ouvrage est construit comme une réflexion personnelle à haute voix. Les idées y sont tantôt développées tantôt seulement évoquées au fil des 11 chapitres non sans quelques répétitions. En somme le manifeste d’un homme fortement engagé dans l’évolution du système scolaire de son pays et dans la réflexion à l’échelle du continent.

Ce livre dresse un état des lieux de l’école africaine à l’heure des choix ou comment construire un système éducatif à la fois ouvert sur le monde et recentré sur la spécificité africaine. Face aux défis de la mondialisation l’école parait peu apte à la formation professionnelle, en inadéquation avec l’emploi; l’écart entre formation théorique et demandes du monde du travail s’accroît. La solution, pour l’auteur, réside dans la nécessité de développer l’autonomie, la responsabilité des apprenants et l’inter-culturalité.

Un livre sur l’école en Afrique mais qui par bien des aspects peut être “relu” pour une réflexion sur l’école en général.

Pierre Fonkoua est un spécialiste de ces questions. diplômé en sciences de l’éducation de l’université de Caen et de l’université de Montréal, il enseigne à l’école normale supérieure de Yaoundé au Cameroun et participe aux travaux de divers organismes internationaux: Coordonnateur national du. ROCARE-Cameroun(UNESCO), Membre du comité scientifique du PASEC/CONFEMEN (Conférence des Ministres de l’Education ayant le français en partage-Dakar), membre associé aux travaux du CRHES (Collectif de Recherches, sitiuations de Handicap, Education et Sociétés de l’université Lumière Lyon II), intervenant au Forum Mondial de l’Education de Porto Alegre.

Selon L’auteur, l’éducation se doit de relever le défi, dans un monde globalisé, de réduire les écarts croissants entre jeunes et adultes, villes et campagnes, élite et masses. La réflexion porte sur les notions de projet éducatif de l’établissement scolaire et d’éducation de base intégrant école et milieu. C’est un plaidoyer pour une ouverture à la diversité, à la communication inter-ethnique, pour la valorisation du pluralisme. L’école doit être un lieu central d’une éducation inter culturelle.

L’enjeu est défini comme l’élaboration d’un projet éducatif et culturel non soumis au modèle occidental issu de la colonisation et capable d’aider à un développement endogène intégrant les dimensions d’éducation à l’environnement, aux économies d’énergie et à l’informatique. L’auteur insiste sur la nécessité d’identifier les valeurs éducatives pour l’avenir, sa réflexion est réellement prospective et inscrite dans le monde globalisé et technique du XXI ème siècle. Il se réfère aux stratégies pédagogiques centrées sur l’élève et sur les besoins de la société africaine; il nous propose l’analyse de la Nouvelle Approche Pédagogique initiée au Cameroun: former l’élève personne pour une acquisition de compétences transférables dans son environnement.

L’auteur montre ensuite l’intérêt d’une politique décentralisée des systèmes éducatifs pour une meilleure adaptation aux réalités locales.

Pour répondre à la question: Comment l’école peut-elle promouvoir la diversité culturelle dans un monde globalisant ou quelles réponses sont possibles face à la mondialisation ressentie plus durement en Afrique qu’ailleurs dans le monde, l’auteur montre que les modèles éducatifs mis en oeuvre entre 1960 et 1990 ont été plus calqués sur le modèle occidental que destinés à répondre aux besoins des pays du Sud. A partir d’un état des lieux des écoles urbaines, il montre qu’une articulation entre programmes d’enseignement et questions urbaines serait un début de réponse. Sa réflexion dans le chapitre 6 porte en particulier sur l’architecture scolaire: créer un lieu d’apprentissage social et une école ouverte à toutes les classes d’âge. Il met en évidence les synergies entre espace scolaire et choix psycho-pédagogiques. Selon lui l’éducation à l’environnement et à l’inter culturel, vers une “citoyenneté mondiale” doivent être les fondements de l’école de demain pour répondre aux enjeux du XXI ème siècle.

La nécessité d’une refonte des systèmes éducatifs africains est défendue avec vigueur autour de plusieurs idées: quelles valeurs pour quel type de société, quelle intégration des jeunes dans le monde économique, comment resituer les apprentissages dans l’environnement immédiat de l’élève pour développer le sens des responsabilités, quels contenus pour programmes scolaires tournés vers le développement économique des communautés?

En charge de la formation des enseignants, l’auteur évoque la place de l’université dans cette évolution: plus grande autonomie et ouverture vers les personnes âgées. Les coopératives étudiantes pourraient être à la fois un lieu d’apprentissage de la responsabilité et un terrain pour les exercices universitaires. L’université doit être ouverte tant vers les communautés locales qu’internationales, elle doit définir une éthique: vers quel type d’homme et de société tout en développant le professionnalisme dans une démarche de planification/évaluation.
L’auteur aborde alors la question de la formation des enseignants, il trouve ses références en particulier dans les études canadiennes; il fait une place importante à la dimension éthique et à l’intégration de la recherche pédagogique comme facteur d’évolution des futurs enseignants.

Le chapitre 10 est consacré à l’urgence de développer une éducation à l’environnement pour l’avenir du continent africain qui réponde aux questions d’éducation à la paix, la santé, la tolérance et la citoyenneté. C’est l’occasion d’un rappel du contexte du sommet de Rio et de l’action de l’UNESCO (Charte de Belgrade). Sont abordées ensuite l’intégration des “NTIC”, une présentation théorique de son intérêt notamment pour la formation permanente des enseignants et la place à faire à une éducation des personnes âgées pour préserver leur rôle social.

Le dernier chapitre revient sur les perspectives: planification et finalités éducatives. C’est un plaidoyer pour la complémentarité des valeurs individuelles et collectives à mettre au coeur du projet éducatif, vers une définition africaine du projet scolaire ni tradition ni modèle occidental qui propose comme valeur dominante le travail. L’auteur propose deux grands chantiers: la formation scientifique des filles et le développement de la recherche en éducation.

Un livre sur l’école en Afrique mais qui par bien des aspects peut être “relu” pour une réflexion sur l’école en général. La réflexion, qui propose de mettre en parallèle architecture scolaire et finalités, espace vécu de l’école et choix pédagogiques, apporte des éléments précieux pour qui réfléchit à l’évolution souhaitable du système scolaire français. De même on ne peut qu’être d’accord avec la conclusion de l’auteur: nécessité de valoriser la fonction enseignante et ouverture de l’école.

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