L’étalement urbain est la nouvelle « bête noire » de nos sociétés alors que s’installer dans un espace verdoyant et dans sa maison individuelle demeure le rêve de 80% des Français ! Ce phénomène préoccupe les élus des communes situées en périphérie et ceux de l’espace rural qui ne savent pas comment répondre à la demande de leur population en termes de transports en commun, d’accès aux réseaux ou de raccordement à ces réseaux.
Pour les aider dans cette tâche difficile, les CAUE (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) cherchent à faire évoluer les pratiques des élus. Ce volume, édité à la suite de l’Université permanente de l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement, rassemble les contributions d’universitaires (tels que les géographes Martin Vanier et Eric Charmes) ainsi que celles des différentes antennes locales qui rendent compte d’initiatives menées sur le terrain pour rendre la ville plus durable.
L’ensemble offre des clés de lecture intéressante pour comprendre l’étalement urbain et un nombre important d’exemples qui peuvent servir de support à la mise en œuvre d’une étude de cas. L’enjeu de ce volume est de comprendre plutôt que d’accuser l’étalement urbain de tous les maux. Dominique Jacomet (architecte urbaniste, directeur de la CAUE de l’Aveyron) propose de lire ce phénomène à l’aune de la « countryfication » : « un processus d’adaptation territoriale de l’urbanisme aux contraintes : du site, du relief, de la géologie, avec une recherche d’équilibre entre usages. » (p. 19) plutôt que de voir dans l’étalement urbain un « junk space ». La ville périphérique serait à présenter sous la forme d’une galaxie « où s’articulent forces de gravité et forces centrifuges. » (p. 20) sans qu’il soit nécessaire pour qu’il y ait une forme urbaine prédéfinie : un paysage minéral. Dans la ville périphérique, les hommes circulent dans un paysage végétal et cela ne doit pas poser problème. Il est possible de déconcentrer des services « urbains » dans des espaces plus ruraux. Il dénonce le discours schizophrène de l’Etat qui concentre dans les villes les grands équipements (hôpitaux, tribunaux, Poste) et contribue ainsi à accroître la distance à ces déplacements pour les populations les plus rurales.
L’enjeu est donc d’aménager le périurbain à l’échelle intercommunale pour réduire les dépendances avec la ville-centre. « Les communes périurbaines ne sont pas des banlieues » (Charmes, p. 21). En Italie (avec le concept de la « citta diffusa ») ou en Allemagne (avec la Zwischenstadt ou entre-ville de Thomas Sieverts), ce phénomène n’est pas vu comme quelque chose d’effrayant car il s’appuie sur des polarités secondaires qui font sens et centre.
Tous les contributeurs s’étendent pour dire qu’il est plus facile d’étaler que d’aménager. Toutefois, au lieu de condamner, il faut essayer d’accompagner le phénomène et permettre la densification (BIMBY : Build in my garden, lotissements denses). Car comme le disait Julien Gracq dans La forme d’une ville (1985) : « La forme d’une ville change plus, on le sait, que le cœur d’un mortel ».
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes