A quelques heures d’une soirée électorale attendue, comme il est bon de se plonger dans ce numéro spécial de SH consacré aux Français afin de faire davantage connaissance avec nos contemporains ! Inspiré du dernier ouvrage de Jean Viard Nouveau portrait de la France : la société des modes de vie, ce numéro spécial remet en cause les classifications traditionnelles.

En ce début de XXIe siècle, partir des CSP (catégories socioprofessionnelles) apparaît peu opérationnel tant cette classification rend mal compte de la diversité de la société française. Dans une société de loisirs, l’entrée par le travail est réductrice. C’est d’ailleurs ce que tendent à montrer les travaux photographiques de Dominique Delpoux en 2007 « Double Je » mettant en scène des personnes dans le cadre de leur emploi et dans leurs loisirs, ou comment concilier le métier de pilote de ligne et la plomberie en amateur ! Il est temps de changer notre analyse de la société. Le terme d’ « extras urbains » de Jean Viard désigne « ceux qui vivent en dehors des villes pour en éviter les nuisances, tout en ayant une culture urbaine, par les kilomètres parcourus, les consommations, l’éducation des enfants et leur inscription dans le monde du travail, avec des usages intensifs d’internet et du téléphone portable. » La double page Points de repère rend compte de ces transformations sociales et peut être un bon point de départ à une étude en classe de la société française actuelle. L’article Fragments de société revient, en autres, sur la catégorie des inactifs qui sont bien loin de n’avoir aucune activité ! Les engagements liés aux activités culturelles, sportives ou militantes au domicile ou à l’extérieur occupent notamment largement l’emploi du temps des retraités sans compter celui des « Mamans taxis », mères au foyer qui font les navettes entre l’école et les différentes activités de leurs enfants, sans compter les activités liées à l’entretien de la maison.

Pour autant, l’entrée par le travail n’est pas occultée dans ce numéro. Deux articles sont consacrés par Renaud Chartoire aux ouvriers et aux employés qui représentent 50% des actifs. Si l’auteur montre bien que la catégorie des ouvriers est d’une grande diversité et de moins en moins associée à l’industrie, les éléments de différenciation entre ouvriers et employés demeurent obscurs. L’interview d’Eric Maurin revient sur la thèse de Louis Chauvel qui mettait en avant, dans son ouvrage de 2006 Les classes moyennes à la dérive, la fin de l’ascension sociale pour les enfants de ces catégories. Les études statistiques que Maurin a menées avec Dominique Goux (Les nouvelles classes moyennes) montrent que les classes moyennes ne sont pas à la dérive. « Elles demeurent le point de passage de trajectoires de promotion sociale ». Le numéro spécial de SH n’occulte pas les inégalités qui existent au sein de la société puisque, successivement, des articles sont consacrés aux riches, aux pauvres. Le portrait des jeunes que fait l’article « Où sont les jeunes ? » d’Héloïse Lhérété permet de juger à quel point cette catégorie d’âge est révélatrice des tensions de la société. Entre excellence et précarité, le panel des situations connues par les jeunes est très variée. Si 40% d’une génération obtient un diplôme du supérieur, près de 10% des jeunes quittent l’école chaque année sans aucun diplôme. La catégorie inactifs auxquels ils appartiennent rend bien mal compte de cette diversité !

Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes