Le français Michel BIARD est professeur à l’Université de Rouen Normandie. La britannique Marisa LINTON est professeure à l’Université de Kingston (Londres). Pour cet ouvrage, ces deux spécialistes de la Révolution française collaborent avec « l’ambition de livrer des éléments factuels et des réflexions qui permettront de comprendre comment ce phénomène de la « terreur » a pu aussi durablement ternir l’image et le souvenir de la Révolution française ».

Dans la préface, Timothy TACKETT commence par rappeler que « peu de périodes de l’Histoire de France ont été aussi mal interprétées, déformées et simplifiées à l’extrême ». La « terreur » serait née des machinations de Maximilien ROBESPIERRE  et des montagnards qui auraient cherché à établir une dictature, voire une nouvelle monarchie. La « terreur » serait alors un « système » préconçu imposé par une minorité.  Dans l’introduction, les auteurs soulignent l’usage de la majuscule et d’un article défini pour désigner « la Terreur ».  Il date des historiens du XIXème siècle alors que les femmes et les hommes de la Révolution ne lui accordaient presque jamais cette majuscule. « Dans le présent ouvrage, qui entend être une synthèse des travaux les plus récents sur la question tant en France que dans les pays de langue anglaise, nous voudrions proposer une approche susceptible de remettre en débat, sinon en cause, cette expression afin de parler désormais de la « terreur » et non plus seulement de la Terreur ».

Avant que le concept de la Terreur soit vulgarisé par les historiens pendant près de deux siècles, ce sont bien les Thermidoriens qui inventent l’idée d’un « système », d’une politique (chapitre 1). Les vainqueurs de ROBESPIERRE diffusent alors une propagande visant tout à la fois à jeter le discrédit sur le « monstre » et à innocenter collectivement la Convention nationale. « L’autoamnistie de la Convention a [ainsi] pour corollaire l’opprobre jeté sur la mémoire de ROBESPIERRE ». Pourtant le terme de terreur est déjà utilisé avant la Révolution. On peut alors se demander que signifie le mot « terreur » au XVIIIème siècle ? (chapitre 2) Il a de multiples significations négatives mais aussi positives. « Dans de nombreux cas, la notion de terreur sous-entendait des vertus salutaires, cathartiques et transformatives ». Pour Ronald SCHECHTER, le recours à la « terreur » était motivé par des raisons souvent idéologiques et stratégiques mais aussi émotionnelles.  Pour saisir les logiques de la « terreur » révolutionnaire, il est donc indispensable de comprendre le poids des peurs et des émotions (chapitre 3) et notamment de la peur du complot et la trahison. Surtout, la Révolution se caractérise par de multiples résistances aux changements politiques et aux modifications souvent profondes de la vie quotidienne. Ainsi loin d’un « système » prémédité, la terreur apparaît comme une évolution qui oscille entre radicalisation des affrontements et aggravation de la répression (chapitre 4). Plusieurs exemples montrent que la terreur est davantage un moment de réaction que d’action : élargissement des cercles de la suspicion, mesures votées contre les émigrés et les réfractaires, violence militaires contre plus villes « fédéralistes »,… Il est donc important de contextualiser les discours révolutionnaires de cette période en lien avec des événements précipitant la République vers un temps exception politique (chapitre 5).

Face aux menaces intérieure et extérieure, la répression contre les adversaires de la Révolution et les suspects s’intensifie. Mais les formes ordinaires de justice montrent alors ses limites. De toutes les cours de justice extraordinaire, le Tribunal Révolutionnaire passe pour avoir été le plus terrible et représente l’archétype de l’institution « terroriste ».  Toutefois, même si les droits à la défense y sont réduits à néant, il acquittait en moyenne la moitié des accusés et encore un cinquième pendant la « Grande Terreur ». Les révolutionnaires ne se contentent pas d’infliger la « terreur » aux autres ; ils en font également eux-mêmes l’expérience. Les luttes politiques au sein de la Convention sont un véritable moteur de la « terreur » (chapitre 6).  On assiste d’abord à des altercations et des violences physiques entre députés au sein même de la Convention. Puis, les sans-culottes demandent l’exclusion de députés corrompus. Certains sont arrêtés ou mêmes exécutés comme « traîtres à la Patrie » (condamnation à mort de 21 Girondins). Finalement, un nombre élevé de Conventionnels sont décédés de mort violente et près d’un tiers fut arrêté entre 1792 et 1795. Ce temps d’exception politique a touché particulièrement deux zones géographiques : Paris, capitale du mouvement sans-culottes, et la « Vendée », transformée en véritable zone de guerre civile (chapitre 7).

Alors quels bilans ? (chapitre 8) tirer de cette période de terreur : un sinistre bilan humain (16 594 condamnations à morts entre 1793 et 1794, environ 170 000 morts « vendéens ») ; au-delà d’une confiscation du pouvoir dans quelques mains, le développement des sociétés politiques révolutionnaires et d’une pénétration de la politisation dans les campagnes par diverses pratiques démocratiques ; des innovations économiques (Maximum, réduction des inégalités sociales par l’accès des plus humbles à la propriété). L’ouvrage se conclut par une liste de repères chronologiques sur les années de la Convention nationale entre août 1792 et octobre 1795, un petit atlas de 9 cartes et une bibliographie conséquente.

Au final, cet ouvrage, sans vouloir réhabiliter à tout prix la période révolutionnaire de la terreur, permet de nourrir la réflexion sur nos représentations souvent négatives et leurs origines. Le discours est étayé par les résultats de nombreuses recherches et reste néanmoins aisé à appréhender. L’intérêt réside notamment dans le croisement des données des recherches historiques francophones et anglophones. Les rappels historiographiques peuvent aussi être utiles pour faire réfléchir les élèves, notamment au lycée, sur la construction d’un moment historique, entre réalités et mythes.