Reconnaître le fascisme d’Umberto Eco est un texte issu d’une conférence présentée par le savant, le 25 avril 1995, à l’Université de Columbia, à l’occasion du cinquantième anniversaire de la Libération du continent européen.

Dans un court propos liminaire, l’éditeur précise que le texte, qui a déjà connu plusieurs publications, apparaît comme une « contribution indispensable au débat public et au réveil des consciences civiques », « dans le contexte actuel, qui voit resurgir en France, en Europe, aux États-Unis et ailleurs des populismes qui deviendront peut-être autant de « fascismes en civil ».

Umberto Eco y évoque tout d’abord, avec causticité et intelligence, son enfance dans une Italie fasciste puis la Libération, avec le discours d’un partisan et l’arrivée des soldats américains.

Après avoir dénoncé les tentatives de mystification de l’Histoire et la nécessité de lutter contre les monstres du passé, Umberto Eco donne une définition de ce qu’est le fascisme.

Le grand sémioticien écrit (p.35) que « le fascisme était un totalitarisme fuzzy (terme qui peut être traduit par « flou », « confus », « imprécis », « voilé »). Le fascisme n’avait rien d’une idéologie monolithique, c’était un collage de diverses idées politiques et philosophiques, fourmillant de contradictions » et, plus loin (p.43), que « le terme fascisme s’adapte à tout parce même si l’on élimine d’un régime fasciste un ou plusieurs aspects, il sera toujours possible de le reconnaître comme fasciste ».

Umberto Eco expose ensuite les « caractéristiques typiques » de ce qu’il définit comme « l’Ur-fascisme, c’est à dire le fascisme primitif et éternel » : « le culte de la tradition », « le refus du modernisme », l’irrationalisme (et le culte de « l’action pour l’action »), le rejet de l’esprit critique, le racisme, l’appui sur les frustrations individuelle ou sociale, l’obsession du complot, la désignation d’un ennemi humiliant, le rejet du pacifisme, l’élitisme de masse, le culte de l’héroïsme lié au culte de la mort, le machisme (et la fascination pour les armes), le « populisme qualitatif (Umberto Eco écrit, page 57, que « chaque fois qu’un politicien émet des doutes quant à la légitimité du parlement parce qu’il ne représente plus « la voix du peuple », on flaire l’odeur de l’Ur-Fascisme ») et le recours à une novlangue.

Un petit texte d’une grande clarté et qui ne peut qu’inciter à la réflexion.