Pour la troisième année, les Presses de Sciences Po, avec la collaboration de l’Agence Française de Développement (AFD) et de l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI), publient un ouvrage bilan consacré au développement durable.

L’AFD est une institution qui a pour but de soutenir des projets d’aide au développement en faveur des pays pauvres. Elle intervient sur les 5 continents et dans les collectivités d’outre-mer pour soutenir la croissance économique et la préservation de l’environnement.

L’IDDRI est un think tank français, à l’interface de la recherche et de la décision. Il éclaire les questions politiques et internationales du développement durable et de la gouvernance mondiale. L’IDDRI est engagé dans un partenariat avec Sciences Po (création de la chaire développement durable).

En 2009, l’équipe s’est enrichie de la collaboration du TERI (energy and resources institute). C’est un institut indien qui travaille sur les questions de développement durable à l’échelle locale et nationale. Son directeur Rajendra K. Pachauri est également président du GIEC (Nobel de la paix 2007).

Cet ouvrage veut rendre compte de l’état des lieux du développement durable chaque année, comme le fait le Ramsès ou bien encore l’Etat du Monde, Images économiques du monde dans des domaines plus généralistes. Il s’agit d’un nouvel outil qui commence à s’inscrire dans les usages en raison de l’acuité des questions environnementales.

L’ensemble se présente en 3 parties.

La première est composée du compte-rendu des faits qui ont marqué l’actualité du développement durable en 2008 et d’une présentation des enjeux et des grands rendez-vous de l’année à venir. Parmi ceux-ci, on retiendra la difficile question de savoir à qui appartient l’Arctique même si, aujourd’hui, c’est la convention des Nations Unies sur le droit de la mer qui s’applique (200 miles marins) à partir de la limite du plateau continental. La définition de cette limite est essentielle. Mai 2009 est la date limite à laquelle la Norvège, la Finlande, la Suède, la Russie peuvent déposer une requête d’extension de leur plateau continental auprès de la commission des nations unies sur le droit de la mer.
En présentant les grands rendez-vous de l’année à venir, l’ouvrage ne se contente pas d’être un historique de l’année passée. La chronologie 2008 est émaillée d’interviews de personnalités issues de nombreux horizons (syndicats, ONG, institutions, entreprises). Cette variété montre bien à quel point le développement durable est l’affaire de tous, comme le Grenelle de l’environnement en a été l’illustration (intégration d’acteurs non étatiques dans la structure étatique).

La partie centrale de l’ouvrage est composée du dossier annuel, consacré cette année au thème de la gouvernance du développement durable. La mise en œuvre des différents moyens pour régler les problèmes de développement durable identifiés souffre d’un manque d’organisation et de gouvernance. La multiplicité des acteurs (Organisations intergouvernementales, entreprises transnationales, ONG…) en est responsable. Désormais, la société civile exerce une influence au niveau de la prise de décision des processus en œuvre à l’échelle internationale.
Il est nécessaire qu’une structure centrale concentre les initiatives, les moyens et organise tout cela. Cela ne signifie que cette structure centrale (dont le rôle pourrait être joué par l’ONU) exercerait un pouvoir hiérarchique.
Cette partie contient un certain nombre d’articles de haute volée dont l’accès n’est toujours pas facile. Les spots sur des cas sont heureusement plus accessibles et permettent d’entrer dans le sujet. De même, la lecture de certains articles « plus concrets » rendent plus lisibles la notion de gouvernance. Ainsi, le chapitre « Quand le climat devient l’affaire des provinces chinoises » est très prometteur par sa problématique. Toutefois, le sujet a été traité par 5 étudiants de la School of Public Policy and Management (Université de Tsinghua – Pékin) dont le travail de recherche a été financé par l’université libre de Berlin et le ministère des Sciences et Techniques chinois. Le lecteur assiste dans un premier temps à un historique de l’évolution des structures. Depuis 2007, les développements institutionnels en vue de la lutte contre le changement climatique ont été spectaculaires mais on a du mal à voir en quoi. Quelques exemples sont rapidement développés : le Xinjiang déjà recouvert par un désert assiste à la fonte accélérée de ses glaciers. La promotion des énergies renouvelables devrait se substituer à terme aux combustibles conventionnels. Cette mesure est alliée à une politique de reboisement. La mise en œuvre de ces mesures est couplée à celle de la promotion des dirigeants locaux. Sans l’obtention de résultats tangibles, leur promotion est bloquée. Les auteurs estiment que la satisfaction de la hiérarchie et l’essor économique sont essentiels dans l’avancement des choses dans le domaine du développement durable. Ils ont, dans ce but, élaborer le modèle MPC – IC (p149) conjuguant motivation – pouvoir – capacité – incitations – contraintes. Ainsi, il s’avère au fil de la lecture que l’article est bien plus intéressant que le laissait penser le début du chapitre. En montrant les ressorts de la mise en œuvre du développement durable en Chine, les auteurs, sans le dire, montrent à quel point la mise en œuvre sincère est limitée. La sensibilisation au problème du changement climatique est bien secondaire dans cette évolution. Le réchauffement climatique n’est pris en compte que parce qu’il peut altérer la croissance économique chinoise. Ce qui compte, ce sont les résultats par les moyens par lesquels on y arrive.

La troisième partie de l’ouvrage est consacrée à quelques zooms sur les problèmes cruciaux de gouvernance. En une double page, à grands renforts de schémas, graphiques, une question est traitée selon une problématique. Ainsi, en est-il de la Haute mer : Peut-on la considérer comme la dernière frontière du droit international ? Le principe de la liberté des mers, théorisé par Grotius au XVII° (adoptée depuis, en 1970, dans le cadre de la convention des nations unies sur le droit de la mer), à une époque où l’espace marin était inexploré, n’est plus adapté à notre époque. Grâce aux progrès technologiques, les océans sont désormais accessibles à l’Homme. Les outils juridiques manquent. La World Ocean Conference de mai 2009 apportera, peut être, une solution à ce problème. Le cas de la Chine est repris dans cette partie de l’ouvrage avec la question de la ville et du climat. Les auteurs sont toutefois moins optimistes que les étudiants de la deuxième partie. L’Arctique n’est pas oublié. Les auteurs montrent les enjeux de cet espace (ouverture de routes maritimes plus longtemps, exploitations des ressources de gaz et minières, enjeux géopolitiques concrétisés par le plantage de drapeau russe à moins 4200 m en août 2007 sous l’Arctique) et les limites (risques d’accidents, surcoût de l’exploitation qui ne peut être que compensé que par un coût du pétrole élevé).

Ainsi, d’une partie à l’autre de l’ouvrage, les sujets se répondent. La première et la dernière partie présentent les faits de manière synthétique. La partie centrale offre des articles de fond, d’un accès pas toujours facile. L’enseignant du secondaire et les étudiants du supérieur trouveront largement de quoi mettre à jour leurs connaissances avec cet ouvrage. De nombreux documents (dans la dernière partie) sont exploitables en classe. Un bémol, toutefois : les couleurs (nuance de gris-rose) de ces derniers risquent de limiter leur utilisation en classe.

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