Une introduction à trois auteurs: Pierre Jacquet de l’Agence Française de Développement, Pajendra K. Pachauri actuel président du GIEC Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat et Laurence Tubiana directrice de l’IDDRI Institut du développement durable et des relations internationales et professeur à Sciences Po pose des questions d’actualité : Crises financières, alimentaires et agricoles, des opportunités pour changer ? L’Europe en crise peut-elle encore jouer un rôle leader dans les domaines du développement durable ? Entre dette publique et relance par l’«économie verte», au lendemain de la conférence de Durban que va choisir l’Europe ? Quels investissements dans une économie peu émettrice de gaz à effet de serre?
Voilà les thèmes retenus tant pour le bilan 2011 que pour les perspectives pour 2011 qui font une grande place à l’agriculture comme préalable au développement durable. Comment nourrir une planète de 9 milliards d’habitants à l’horizon 2050 sans oublier la dimension multifonctionnelle de l’agriculture dans un monde globalisé ?

Cet ouvrage collectif d’une équipe nombreuse, pluridisciplinaire et internationale dont la coordination n’a sans doute pas été simple propose un consensus plus qu’une confrontation de points de vue qui amène à de nombreuses répétitions. Quand le bilan 2011 aborde des sujets diversifiés, la prospective 2012 est nettement centrée sur la question agricole, dans chaque chapitre un article de synthèse et un ou deux focus et une bibliographie récente voire très récente.

Regards sur 2011

Une chronologie mois par mois d’une année de développement durable et de petits encarts thématiques classés : ressources naturelles, gouvernance, santé, économie, énergie – climat, inégalités. Des apports courts, précis qui offrent à l’enseignant des documents pour la classe, une présentation de rapports de grandes institutions internationales (FAO, PNUE, commission européenne…). On y trouve aussi quelques statistiques mises en perspective historique ou géographique. La typographie permet une recherche rapide du sujet souhaité.

Tendances, acteurs, faits marquants

un bilan 2011 en 8 chapitres:

  • Les conclusions de l’année internationale de la forêt : les auteurs analysent les mécanismes de conservation des forêts tropicales pour lutter contre les changements climatiques (discussions autour de la propriété foncière, rapports agriculture-forêt, exemple de l’Indonésie, controverses liées à la reforestation des grands groupes industriels aux dépens des populations locales).
  • Après Fukushima, état des lieux du nucléaire dans le monde : Quand des pays décident de réduire leur parc nucléaire d’autres (Chine, Inde) le développent ; L’article évoque l’évaluation du coût de l’énergie nucléaire avec des centrales soumises à des normes de plus en plus exigeants.
  • Causes climatiques ou politiques des crises alimentaires : l’auteur montre la diversité des crises selon les pays, leur économie, leur histoire. Il insiste sur la place des populations déplacées (crise politique, exode rural) sans omettre les fluctuations des cours mondiaux. Il conclue sur la nécessité de politiques actives pour améliorer la production, sécuriser le foncier et gérer les migrations.
  • Crise européenne de la dette publique : une présentation claire des mécanismes et des ratio de la dette dans la zone euro en regard de la situation des pays qui ont conservé une banque centrale.
  • Risques énergétiques, l’heure des choix : un constat depuis le choc pétrolier des années 70 rien n’a vraiment changé pourtant les risques (industriels, géopolitiques, climatiques) sont plus présents. La production a doublé mais la répartition par source d’énergie reste la même avec une place centrale des énergies fossiles et une relative stagnation du nucléaire. Pour l’auteur la solution est dans une réduction drastique de la consommation.
  • Sous les pavés du printemps arabe, le chômage : Si la crise du printemps 2011 a mis sur le devant de la scène des revendications démocratiques, la crise est avant tout celle d’une population jeune qui connaît des taux de chômage élevés même pour les diplômés. Les inégalités sociales qui déstabilisent le tissu social sont à la fois verticales, entres groupes, entre régions.
  • Gouvernance des biens publics mondiaux : cet article analyse les processus de négociation (OMC, G20) et l’évolution de la place des PMA. Les négociations sur le climat semblent un lieu d’expérimentation vers des compromis ambitieux mais réalistes?
  • Processus de Rio, bilan et perspectives : 20 ans après Rio un bilan difficile à préparer voire impossible. Un tableau propose, par objectifs et continents, un bilan synthétique qui pourrait donner lieu à un exercice d’illustration avec des élèves.

Dossier 2012 : Développement, alimentation, environnement: changer l’agriculture?

L’introduction de cette deuxième partie fait le constat du retour de l’agriculture dans les débats internationaux et introduit les différentes questions abordées dans les 15 chapitres suivants.
Un premier focus: L’humanité pourra-t-elle se nourrir en 2050 ? pose la question du modèle occidental de consommation de viande et des perspectives de croissance des productions mondiales à l’heure d’un essoufflement de la «révolution verte».

  • Agriculture et sécurité alimentaire: outre un rappel p.143 de la définition de 1966 de la notion de «sécurité alimentaire» les auteurs décrivent une question complexe, capacité d’auto-approvisionnement, malnutrition et faim, sécurité et qualité nutritionnelle des aliments. Pour répondre aux enjeux, 4 principes : agir sur toute la chaîne alimentaire, autonomiser les agriculteurs, favoriser les interactions avec les autres secteurs économiques et associer interventions publiques et investissements privés.

Un focus sur l’aide et l’agriculture.

  • La crise alimentaire : une recomposition du jeu d’acteurs: Une crise de pauvreté plus qu’une crise de la production agricole, c’est moins la nécessité de produire plus que permettre à tous l’accès aux moyens de produire et/ou de consommer. Les auteurs analysent le jeu d’acteurs nombreux et divers (opérateurs des marchés internationaux, États… acteurs locaux) dans la crise africaine.

Un focus sur la mobilisation citoyenne en Thaïlande dans le développement de l’agriculture biologique.

  • Agriculture et transition à l’heure de la mondialisation: L’auteur rappelle que le modèle de développement s’appuie sur les processus en œuvre dans les pays développés aux XIXe et XXe siècles (industrialisation, cadre de l’État-nation, migration), modèle suivi par l’Amérique latine t et l’Asie. Il décrit ensuite la situation bien différente de l’Afrique sub-saharienne: entrée tardive sur la scène internationale, accès aux progrès technologiques mais dans une économie globalisée et très concurrentielle, faible industrialisation et force du secteur informel, transition démographique inachevée.

Un focus sur le Malawi, une agriculture urbaine très contrastée.

  • Agriculture et développement économique en Afrique: les termes du débats; Entre agro-optimistes qui défendant de petites exploitations, moteur du développement et agro-pessimistes qui pensent que le développement industriel permettrait les importations nécessaires de produits alimentaires et prônant le soutien aux cultures d’exportations, un tableau présente ce débat en une synthèse claire, deux exemples: Éthiopie et Ghana illustrent deux cas.

Un focus est consacré aux investissements agricoles massifs en Afrique.

  • Terre, paysans et migrants: au cœur du problème chinois: Les auteurs retracent l’évolution des campagnes chinoises et l’exode rural des années 80. L’intérêt de cet article réside dans la description des tensions actuelles sur l’espace entre concurrence sur l’espace, nécessité de protéger des sols fragiles, politique de sécurité alimentaire et évolution de la demande (viande, produits laitiers).

Un focus sur l’évolution des habitudes alimentaires en Inde et en Chine, quand urbanisation et hausse des revenus se conjuguent avec une demande de protéines animales.

  • Quel avenir pour l’agriculture dans le contexte mondial de l’«anthropocène» ? La question posée est celle de la production de manière durable de quantités d’aliments de qualité pour les hommes et les animaux. A partir des travaux du GIEC l’auteur propose un intéressant tableau de la vulnérabilité de l’agriculture aux changements naturels et anthropiques p. 210-211.

Un focus est consacré à la pénurie croissante d’eau sans le bassin de la Garonne.

  • Intensification agricole et forêt: le cas de l’Indonésie Les auteurs présentent les hypothèses théoriques de Borlaud pour ce père de la révolution verte, l’augmentation de la production agricole préserve la forêt et montrent à travers l’exemple de l’Indonésie que les choses sont de fait complexes: le développement des cultures d’exportations(huile de palme) impacte durablement les forêts malgré une augmentation des productions de cultures alimentaires. Ils abordent aussi les initiatives pour limiter le déboisement (REDD+) avec paiement pour services environnementaux.

Le focus interroge la question de la rareté des terres cultivables.

  • Changement climatique et sécurité alimentaire: un test crucial pour l’humanité? La sensibilité des céréales aux variations climatiques entraîne une variabilité des rendements et donc des prix, c’est l’occasion d’analyser les stratégies d’adaptation.

Le focus interroge un diplomate néo-zélandais sur les négociations sur les émissions carbone.

  • Recherche agricole: transitions stratégiques pour un système d’innovation mondial: Quels sont les organismes comme le CGIAR Consultatif Group on International Agricultural Research, créé en 1971 par la Banque mondiale et quelles directions pour les recherches actuelles: vers une nouvelle révolution verte intégrant les critiques sociales des premières politiques ou vers l’agro-écologie?, évolution vers des recherches participatives. Comment piloter les transformations et quelle gouvernance pour la recherche.

Un focus pour repenser l’agriculture après la révolution verte en Inde: bilan positif/négatif, place de l’agriculture biologique, législation et réglementation.

  • Ethnographie de la production et de l’échange du coton dans un village turc: ce chapitre particulièrement intéressant pour nos collègues de SES, traite de la place des agriculteurs, des négociants et des coopératives dans la production dans l’organisation des marchés et la place du crédit dans ce système.

Le focus est consacré à la formation du prix du riz à court et long terme: jeu du marché, rôle du stockage, place des États dans la crise de 2007-2008

  • L’industrie agroalimentaire au cœur du système alimentaire mondial : une industrie assez récente, présentée en quelques chiffres, très diversifiées de la grande multinationale à la micro-entreprise familiale aujourd’hui marquée par la mondialisation: gains de productivité, financiarisation et qui contribue à l’uniformisation de l’alimentation à l’échelle mondiale.

Le focus est un exemple : en Amérique latine les coopératives tentent de s’associer à de petites structures de transformation pour avoir de nouveaux accès au marché.

  • L’instabilité des prix agricoles: des vérités qui arrangent: Dans ce retour sur la crise de 2008, l’auteur analyse l’action du G20: traitement des effets plutôt qu’analyse des causes complexes. D’après les théories libérales la mondialisation devrait atténuer les effets des variations locales de production et contribuer à la stabilité des prix mais en détruisant les politiques publiques de garantie d’un prix plancher, les écarts de production liés au risque accentue la volatilité des prix. Dans tous les cas on assiste à une plus grande fragilité des ménages pauvres tant producteurs que consommateurs. L’auteur fait le point sur l’évolution des prix du maïs aux USA et du rôle des agrocarburants.

Le focus s’interroge sur la capacité de régulation des marchés agricoles.

  • Vers une agriculture durable? Normes volontaires et privatisation de la régulation: Agriculture biologique, commerce équitable, production responsable, normes de distributeurs, on assiste à une multiplication des règlements «privés» adoptés de façon volontaire par les producteurs. Les labels évoluent avec une formalisation croissante des cahiers des charges et une juxtaposition avec les normes officielles.

Le focus en prenant l’exemple de l’huile d’olive montre la réalité des AOP, AGP appellation d’origine protégée, appellation géographique protégée en Europe et pose la question de son adaptation au Sud de la Méditerranée.

  • Amérique latine et Caraïbes: reconstruire les politiques agricoles: Un monde très diversifié avec une grande variété de productions et de mode de production ce qui pose la question des politiques agricoles et des échelles de régulation. Le retour sur les évolutions depuis 1980 est traité de façon assez abstraite de même que les propositions pour demain.

Le focus propose de regarder la durabilité dans le cadre des politiques européenne et américaine dans un tableau synthétique utiles entre mesures et contexte.

un second focus sur la réforme de la PAC en 2013

  • La sécurité alimentaire comme bien public global: Le rapporteur des Nations unies pour le droit à l’alimentation développe la nécessité d’une coordination internationale pour un développement des investissements dans l’agriculture vivrière des PAD tout en rappelant l’échec de la gouvernance passée puisqu’en Afrique sub-saharienne les moins nourris sont paradoxalement les paysans. Depuis la crise de 2008, au sein des Nations Unies, une équipe est charger de faire des recommandations aux États : financer des évolutions indispensables pour sortir de l’auto-consommation (programme AGRA p. 338.

Un focus sur la réforme du comité de sécurité alimentaire comme conclusion de l’ouvrage. une liste des auteurs et une liste très utile des sigles complètent le livre

Christiane Peyronnard Les Clionautes