Voilà un ouvrage qui donne à voir le recul des glaciers alpins sur le temps long grâce à des reconstructions paysagères en regard des photographies actuelles. Les très belles illustrations photographiques sont associées à quelques reproductions des peintures de Gabriel Loppé
Sylvain Couterand, géographe et alpiniste, est spécialiste de l’évolution des glaciers alpins depuis la dernière glaciationIl est docteur en géographie alpine, glaciologue, membre associé au laboratoire Environnement et Dynamique des Territoires de Montagne (EDYTEM) du CNRS de l’Université de Savoie. Ses travaux de recherche ont fait l’objet de nombreuses publications. Outre les articles scientifiques dans les Cahiers de géographie, Collection EDYTEM (Université de Savoie) et sa thèse, soutenue en juin 2010 : « Etude géomorphologique des flux glaciaires dans les Alpes nord-occidentales au Plèistocène récent, du maximum de la dernière Glaciation aux premières étapes de la déglaciation » est téléchargeable ICI, il a publié en direction du grand public avec Sylvain Jouty, Glaciers mémoire de la planète, Hoebeke eds., 2009 – Mer de glace, art et science, Samuel Nussbaumer, Philip Deline, Christian Vincent, Heinz J. Zumbühl, Sylvain Coutterand, Melaine Le Roy, Marie Gardant, Atelier Esope, 2012 – En collaboration avec le service d’archéologie de la Haute Savoie L’évolution des climats et des paysages durant la dernière glaciation : 70 000 à 11 000 avant aujourd’hui, Conseil général de la Haute Savoie, Culture 74, 2012… et la première édition de ce même ouvrage en 2018. Il associe la recherche et la vulgarisation auprès du grand public notamment à travers son blog : Glacier-Climats.
Sylvain Couterand situe, dans son introduction les avancées et recul des glaciers : puissants dans les Alpes vers -20 000, en grand recul lors de l’optimum glaciaire de l’époque romaine, en crue au « petit âge glaciaire ».
Depuis un siècle, la hausse des températures moyennes annuelles est plus rapide dans les Alpes qu’à l’échelle planétaire (+ 2,4 % en vallée de Chamonix)Voir aussi Coup de chaud sur les montagnes, Bernard Francou, Marie-Antoinette Mélières, Paulsen – Guerin, 2021 et la Revue Alpes n° 78 Automne 2017, « Climat – Sale temps pour les glaciers ».
Depuis les années 1980, l’étude des glaciers du Groenland, en Antarctique et ailleurs dans le monde a permis des avancées scientifiques. On peut aujourd’hui imaginer l’état des glaciers dans le futur. Trois photographies réelles ou reconstituées illustrent le propos : la Mer de glace il y a 30 000 ans, aujourd’hui et vers 2060-2070 (p. 13-15 et 17)
Comprendre les glaciers
À la recherche des premiers témoignages de l’évolution des glaciers, l’auteur relit Pline, divers auteurs du Moyen Age. Le mot glacier apparaît en 1507, en allemand, dans une chronique suisse.
Le récit autour de la catastrophe de 1818 au glacier du Gietro, une rupture des séracs a bloqué cette vallée du Valais, créant un lac dont la vidange entraîna la catastrophe. De cet épisode datent les premières études et tentatives de prévention. Un autre phénomène a intrigué les savants : les blocs erratiques comme le « Gros caillou » de Lyon. L’étude d’un bloc, situé au col de Balme, a permis de montrer l’étendue ancienne du glacier du Tour (vallée de Chamonix). L’auteur retrace les hypothèses, les étapes et les querelles qui ont conduit à la compréhension du phénomène. Un moment de l’histoire des sciences exploitable en classe.
Les glaciers ont façonné les paysages. Les plus anciens d’entre nous retrouveront leurs cours de géomorphologie avec la description des grands éléments des formes glaciaires : roches moutonnées, profil en U, verrou, ombilic….
Les glaciations dans les Alpes
Cette seconde partie s’ouvre sur une frise chronologique des phases des glaciations du précambrien à l’holocène. Quelques repères chronologiques permettent de présenter des cartes de l’emprise des glaces en Europe du Riss Max, les glaciers atteignent Lyon, au Würm, Grenoble est encore sous les glacesC’est la photographie de couverture comme Berne ou Zürich. Il y a 22 000 ans, c’est le temps des lacs et des moraines frontales comme le colline de la vielle ville de Genève. Au Tardiglaciaire, il y a 16 000 ans, le recul est déjà bien marqué ; les glaciers de recouvrent plus le Jura ni les Préalpes.
Une série de simulation met en regard période glaciaire / aujourd’hui : Lyon, Genève, Martigny, Grenoble, Chamonix, Sallanches : Cartes et photographies sont très pédagogiques.
Les temps post-glaciaires sous l’œil des hommes
Au début de l’Holocène, la hausse des températures atteint environ 10° avant de se stabiliser, avec des oscillations de 2°. C’est l’archéologie qui nous renseigne sur les avancées et recul des langues glaciaires comme la médiatique découverte d’Ötzi. Les débris de bois retrouvés à proximité des fronts glaciairesComme ce tronc d’érable fossile retrouvé dans la moraine de la Mer de glace attestent d’une époque où les glaciers étaient moins étendus qu’aujourd’hui. Il y a 3 800 ans, l’altitude inférieure était environ 300 m plus haute.
Le petit âge glaciaire. Après l’optimum médiéval, vers 1350 le climat change. Ce petit âge glaciaire s’achève en 182. L’auteur évoque les travaux de l’historien américain François Emile Matthes et d’Emmanuel Le Roy Ladurie.
Dix randonnées de découvertes
Cette intéressante et sympathique invitation à se rendre sur le terrain est très concrète : réflexes météo, temps de marche, cartes et points d’observation. IL faudra prendre des notes, car l’ouvrage (25×24,5 cm) n’a pas sa place dans un sac à dos.
Le texte qui présente chaque randonnée est suffisamment évocateur pour une promenade mentale : histoire de l’étude du glacier, descriptions précises, juxtaposition de cartes et de deux clichés photographiques (fin XIXe ou début XXe et actuel)
Sylvain Couterand propose ainsi de découvrir le glacier de l’Aar (vers Neuchâtel), celui du Rhône, ce qui reste du père des glaciers disparusDeux intéressantes photographies en 1855 et maintenant avec en point de repère l’Hôtel Glacier du Rhône à 1750 m d’altitude. Aujourd’hui il est invisible derrière son verrou. .
Le glacier d’Aletsch est le plus connu des glaciers suisses, classé au Patrimoine mondial de l’humanité depuis 2001. Le recul de celui de Ferpècle, dans le Val d’Herens, a découvert de vieilles traces d’occupation romaine. Vient ensuite le glacier du Gorner, le second par sa superficie actuelle : 55 Km2.
La randonnée de la Mer de glace va des reliques de moraine frontale du centre-ville de Chamonix au célèbre Montenvers : un recul impressionnant en épaisseur de la langue glaciaireUn dossier existe dans clio-collège : Recul des glaciers alpins, La Mer de Glace est devenu en quelques années le symbole du réchauffement climatique.
Et pour les plus sportifs jusqu’au refuge du Couvercle et au Jardin de Talèfre. Cette randonnée permet d’observer les bandes de ForbesCes bandes résultent de l’alternance de bandes grises (glace contenant des poussières) et blanches..
Toujours dans le Massif du Mont-Blanc, l’auteur propose une randonnée au glacier des Bossons avec le chaos de la jonction comme témoin des mouvements du glacier et, sur le versant italien, celui de la Brenva.
Petite incursion dans le Massif de l’Oisans avec le glacier blanc, le glacier noir et le Pré de Madame Carle, riche prairie à la fin du Moyen Âge et champ de pierres aujourd’hui.
Enfin Chamonix-Zermatt, une classique course de ski de randonnée, est proposée en version estivale sur six jours.
Un ouvrage de vulgarisation scientifique de qualité et une invitation à parcourir les montagnes.
Sur le site de l’éditeur une présentation de l’ouvrage