Patrick Rotman est écrivain, scénariste et réalisateur d’une trentaine de documentaires dont l’un sur le Goulag ou un autre sur 1968. Cet ouvrage est richement illustré et fait le choix de raconter la Résistance sous l’angle des destins de personnages de l’époque. Après une galerie de portraits, le livre déroule l’histoire de façon chronologique avec de multiples reproductions de documents.
Une histoire de Résistances
» Ce livre propose dans un récit vivant de raconter dans sa diversité l’armée des ombres… à travers les destins croisés d’une trentaine de femmes, d’hommes, célèbres ou méconnus aux profils très différents ». L’auteur insiste bien pour dire qu’il faut prendre le mot Résistances au pluriel. Celle-ci se voit de multiples manières, que l’on songe à la diversité des actions, des lieux et des personnes. Il faut aussi mesurer que les résistants ne représentèrent que moins de 2% de la population mais ils n’auraient pu vivre sans de multiples complicités populaires. Ecrire l’histoire de la Résistance, c’est aussi écrire une histoire de souffrances. On trouve ensuite une trentaine de portraits avec une photographie et une mini biographie. Chacun de celles et ceux qui sont présentés est évoqué dans le reste de l’ouvrage avec son nom qui apparait en couleur.
Eté 40-décembre 41 : le bricolage héroïque
Le chapitre commence en montrant des exemples de réactions au discours de Pétain le 17 juin 1940. C’est une façon vivante de raconter l’histoire. Quelques jours plus tard, Etienne Achavanne, ouvrier agricole, peut être considéré comme le premier martyr de l’armée des ombres. On voit se constituer les premiers mouvements de résistance avec par exemple Sylvette Leleu. Le livre distille quelques citations comme celle de Germaine Tillion : » Quand un évadé frappe à votre porte, ….qu’est-ce que vous faites ? Ou vous le recevez, ou vous ne le recevez pas. Si vous ne le recevez pas, vous êtes un fameux salaud et si vous le recevez vous êtes un martyr sans l’avoir cherché ni désiré, et c’est comme ça ». Le livre insiste ensuite sur le fait qu’en zone non occupée les structures de la clandestinité sont plus longues à se mettre en place. L’absence de l’occupant retarde la prise de conscience. A la fin de l’année 1941, les résistants sont quelques centaines isolés et sans moyen au milieu d’une population indifférente voire hostile. On mesure ensuite l’importance de la radio puisque de Gaulle l’utilisa soixante-sept fois entre 1940 et 1944. A partir du printemps 1941, la vie quotidienne devient de plus en plus difficile.
L’unification de janvier 1942 à mai 1943
Cette partie commence par un récit de la mission Rex. Patrick Rotman propose aussi des encarts, par exemple sur la Confrérie Notre-Dame. En janvier 1942, le procès du réseau du musée de l’homme s’ouvre devant une cour allemande. Il dure six semaines et se termine par dix peines capitales tandis que les femmes condamnées à mort voient leur peine commuées en déportation. Le livre développe le cas des rafles des Juifs et les réactions comme celle de monseigneur Saliège. La résistance se structure petit à petit et on est frappé par cette photographie qui montre Michel Bernstein assis devant l’armoire de fabrication des faux papiers. La création du Service du Travail Obligatoire contribue à faire basculer dans l’action un certain nombre de jeunes. La Résistance » commence à diffuser par capillarité dans toutes les couches sociales ». Des Français de plus en plus nombreux sont avec la Résistance sans être dans la Résistance. Le chapitre revient ensuite sur le rôle de Jean Moulin puis développe la création du CNR.
Libérations de juin 1943 à l’automne 1944
L’armée secrète devient un objectif prioritaire pour la Gestapo au moment même où elle devient l’objet d’une intense lutte de pouvoir. Patrick Rotman retrace également les évènements de Caluire Il faut se rendre compte aussi que les femmes représentent de 10 à 20 % des effectifs. « Ce chiffre peut paraitre faible mais il montre au contraire un réel engagement par rapport à l’avant-guerre où les femmes n’avaient pas le droit de vote et participaient très peu à la vie politique ». Les maquisards rencontrèrent de grandes difficultés durant l’hiver 1943-1944. En 1944, fait prisonnier et interrogé, Pierre Brossolette est torturé par la Gestapo. Il se suicide en se jetant du 5 ème. Il meurt à quarante ans sans avoir parlé. Le livre reproduit des extraits du programme du CNR Les jours heureux. A la fin de la guerre, plus les mouvements de résistance se sont développés, plus la répression s’est aggravée. Au total, les Allemands fusillèrent 4 000 personnes et 15 000 autres furent tuées lors de la lutte contre la Résistance et surtout durant l’année 1944.
Ce livre de Patrick Rotman s’inscrit dans une série d’ouvrages qui retracent l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Grâce à une approche par portraits, il donne à voir la diversité la Résistance et l’incarne de façon très humaine. La reproduction de nombreux documents participe aussi à rendre très vivant ce moment essentiel de notre histoire.