Changer petit à petit pour faire évoluer ses pratiques : tel est le chemin auquel nous invitent Alain Dalongeville et Marc-André Ethier dans cet ouvrage destiné aux enseignants en primaire et collège. Alain Dalongeville est professeur d’histoire et de géographie et a notamment publié « Situations-problèmes pour enseigner l’histoire en cycle 3 » qui existe aujourd’hui sous forme d’un site internet tandis que  Marc-André Ethier, docteur en didactique, est le rédacteur en chef de « La Revue des sciences de l’éducation ». 

Changer, oui mais comment ? 

C’est un ouvrage pragmatique mais qui cache, comme le dit Benoit Falaize dans sa préface, des partis pris très solides en didactique de l’histoire. Les auteurs considèrent que les élèves ne sont jamais une « pâte vierge de savoirs » et qu’ils savent et peuvent réfléchir. Ce livre offre un exemple d’un dialogue fécond entre le champ québécois de la recherche en didactique et le champ français. Ce livre propose cinq petites transformations qui peuvent s’opérer indépendamment les unes des autres. Chaque partie commence par une interrogation qui est une piste pédagogique, accompagnée par un pavé « en bref » qui explique les avantages de cette idée. 

Et si je commençais chaque cours   par travailler les représentations des élèves ? 

Dans cette partie, les auteurs rappellent d’abord que l’élève n’est jamais une page vierge. Il est riche de représentations fondées sur une conception du monde et sur des expériences vécues ou des concepts. On trouve à chaque fois des encarts intitulés  « La bibliothèque des enseignants » qui fournissent des compléments. Il est donc indispensable de tenir compte des représentations pour pouvoir construire de nouvelles connaissances. Les auteurs donnent quelques exemples d’applications possibles dans les programmes et prennent le temps d’en détailler quelques-unes sous forme de fiches. Le chapitre se termine en proposant trois pistes pour aller plus loin qui correspondent à des ouvrages rapidement présentés. 

Et si je présentais aux élèves deux documents contradictoires ? 

Ce type d’activité, en plus de son aspect mobilisateur, peut permettre de faire comprendre aux élèves que, parfois, le document nous parle plus de l’auteur que de ce dont il témoigne. La notion de point de vue est aussi importante en géographie. Le livre propose quelques exemples de textes contradictoires en histoire. On trouve donc des repères pour mener ce type d’activité en histoire à travers le cas de deux points de vue sur l’esclavage au XVIII ème siècle. En géographie, c’est l’occasion d’aborder la notion de « conflit d’usage »

Et si je remplaçais les questions par une mission ? 

Il s’agit ici de demander aux élèves de produire quelque chose qui les amène à lire réellement les documents proposés. Il ne s’agit plus de lire pour répondre à des questions mais de lire pour faire, ce qui change complètement la perspective pour un élève. Les auteurs soulignent le rôle souvent bloquant des questions. Un tableau très utile fait la comparaison pour ne pas confondre « lecture avec questions et lecture avec mission ». Ils expliquent ensuite comment choisir une mission et des documents. Il faut d’abord identifier des points de vue divergents et choisir des documents qui  les  incarnent. On peut citer différents types de missions comme celles qui obligent à classer (par exemple des fossiles du plus ancien au plus récent) ou celles qui invitent à préparer une rencontre  (comme dans un congrès ou une commission d’enquête). 

Et si je faisais travailler les élèves en groupes hétérogènes ? 

Ce quatrième changement peut parfois effrayer l’enseignant qui veut tout maîtriser. Il doit, par exemple, réfléchir à son rôle qui n’est plus celui de dispenser directement des connaissances, ce qui ne veut pas dire qu’il ne joue pas de rôle dans l’apprentissage des savoirs. Les auteurs distinguent travail de groupes et travail en ilots bonifiés. Le travail de groupe doit permettre de mettre les élèves en action et peut s ‘appuyer sur les conflits à l’intérieur du groupe pour progresser. Comme dans les autres chapitres, on trouve des exemples détaillés comme un travail en groupes hétérogènes autour de la notion d’ « habiter un espace de faible densité à vocation agricole ». 

Et si j’évaluais les progrès des élèves plutôt que leurs performances ? 

Comme le disent Alain Dalongeville et Marc-André Ethier, ce n’est pas forcément le dernier changement à mettre en oeuvre. « Au lieu de comparer chacun à la perfection qu’incarne la note 20 soulignons plutôt les réussites de chacun par rapport aux objectifs de l’enseignant et à ceux de chacun des élèves ». La partie « La bibliothèque des enseignants » permet de faire rapidement le point sur l’objectivité supposée de l’acte d’évaluer. Le chapitre propose un tableau utile sur des critères de réussite à quatre niveaux pour un certain nombre de compétences comme rédiger ou structurer. Les auteurs insistent également sur le statut de l’erreur et sur les différentes formes d’évaluation.  

Un ultime chapitre intitulé « Créer les conditions de sa réussite dans son enseignement de l’histoire et de la géographie » synthétise les apports du livre. L’enseignant qui aura essayé les cinq changements évoqués aura en fait « animé ou inventé une situation-problème ». Alain Dalongeville et Marc-André Ethier récapitulent alors les ingrédients de la recette. Ils s’arrêtent ensuite sur la notion de tâche complexe. Ils déplorent que, trop souvent, les pratiques anciennes perdurent alors qu’elles ne sont ni efficaces ni mobilisatrices pour les élèves. Cet ouvrage qui propose de changer pas à pas est donc un guide utile pour tout enseignant qui souhaite faire évoluer ses pratiques.