« Parmi tous ceux qui sont morts pendant la guerre, il y avait peut-être un type qui s’il avait vécu serait devenu un savant fou qui aurait fait sauter la planète. » Philippe Geluck, artiste, comique et dessinateur belge (1957 – ).

Quel est le(s) point(s) commun(s) entre René Blondot, Giovanni Virgino Schiaparelli, Charles Piazzi Smyth, Giorgio Piccardi, Stanley Pons, Martin Fleischmann, John Herschel, Francis Galton ou encore Rupert Sheldrake ?
« Un peu de folie est nécessaire pour faire un pas de plus » Paulo Coelho, romancier et un interprète brésilien, auteur de L’Alchimiste, paru en 1988. dans la lecture suivante.

Depuis le XVIIIe siècle, les découvertes et avancées scientifiques s’enchaînent et provoquent une course aux hypothèses et inventions à laquelle participent d’authentiques et brillants savants mais également les plus grands charlatans de l’Histoire. Silvano Fuso Chercheur pendant plusieurs années en spectroscopie moléculaire à l’Université de Gênes, puis professeur de chimie au lycée, Silvano Fuso se consacre à la vulgarisation scientifique, à travers des ouvrages pour le grand public et de nombreux sites et journaux (La Repubblica, Le Scienze, Darwin, Scoprire). Il s’intéresse tout particulièrement au paranormal et aux pseudo-sciences., se lance ici dans un pari fou, celui de rendre-compte de petites histoires que l’Histoire n’a pas forcément retenu, celles des erreurs, bourdes, falsifications, des « fausses sciences ». En somme, il se lance le défi d’effectuer une « récolte de ‘’gaffe scientifiques’’ du XVIIIe à nos en jours »Entretien mené par la Librairie Mollat avec Silvano Fuso lors des 20èmes rendez-vous de l’Histoire à Blois (4-8 octobre 2017) : https://www.youtube.com/watch?v=d2eyhVsGISA. abordant « soit le cas des scientifiques fiables qui ont été victimes de leurs illusions [soit celui] des véritables imposteurs qui ont organisé des fraudes »Suite de l’entretien mentionné précédemment..

En introduction, l’auteur s’attache à rappeler l’invention pour la première fois du néologisme « science pathologique » par Irving Langmuir (1881-1957), chimiste et physicien américain et prix Nobel de chimie en 1932, lors d’une conférence au Knolls Research Laboratory le 18 décembre 1953. Cette expression permet ainsi de décrire « le comportement de certains chercheurs qui s’attachent à des idées largement démenties par le reste de la communauté scientifique et en font de véritables obsessions I. Langmuir, R. N. Hall, « Pathological Science », in Physics Today, 42, 1989, p. 36. ». Ainsi, le savant n’est pas un robot mais un individu, un humain comme les autres, chargé d’émotions, de faiblesses et de sentiments qui peuvent impacter de manière consciente ou inconsciente son activité et ses découvertes scientifiques. Les cas d’erreurs, de fraudes ou de falsifications ont toujours existé dans l’histoire des sciences mais récemment les cas se sont répétés de manière inquiétante face aux besoins des chercheurs de publier toujours plus ce qui pose d’entrée, la question du contrôle et de la vérification des articles, contenus scientifiques.

A travers ce livre, divisé en six parties, chacune débutant par un récit fantastique inventé par l’auteur ou emprunté à la littérature, Silvano Fuso, recense des exemples surprenants, drôles parfois effrayants d’erreurs ou falsifications, des moments de l’Histoire atypiques, où des « hurluberlus », des « savants » souvent de bonne foi mais parfois de vrais escrocs, ont pensé révolutionner la science.

Dans la première partie, huit petites histoires amusantes de scientifiques réels qui se sont un jour retrouvés leurrés par leurs recherches. Pour ouvrir son ouvrage, l’auteur examine en effet : « les cas d’aveuglement individuels ou collectifs impliquant des scientifiques plus ou moins célèbres »Silvano Fuso, Savants fous, visionnaires et charlatans. Les errances de la science du XVIIIe siècle à nos jours (traduit de l’italien par Aliénor Louve), Vendémiaire, Collection « Chroniques », 2017, p. 14.. Ainsi par exemple René Blondot et sa « découverte » en 1903 des rayons N qui entraîneraient une hausse de l’acuité visuelle ; Giovanni Virginio Schiaparelli, fin observateur de Mars ayant décelé sur celle-ci, la présence d’un réseau important de « canaux » ; la théorie de l’« éther luminifère »« Il a longtemps été considéré comme vrai par les physiciens que toute onde a besoin d’un milieu dans lequel elle prend place. La lumière ne faisait pas exception, elle était par postulat une vibration de “l’éther luminifère”. Parce que la lumière peut se déplacer d’une étoile à une planète, donc l’univers devait être rempli d’éther. Le référentiel lié à l’éther constituait donc un référentiel privilégié́ pour observer les phénomènes dynamiques, car il garantissait une vitesse de la lumière identique dans toutes les directions ». Source : https://www.polytechnique.edu/bibliotheque/fr/l%C3%A9ther-luminif%C3%A8re-dans-les-cours-de-l%E2%80%99x-apr%C3%A8s-1905. Albert Einstein en 1905, formule sa théorie de la relativité restreinte, théorie ne supposant pas l’existence de l’éther, et qui reste aujourd’hui reconnue comme vraie.; Charles Piazzi Smyth, passionné des pyramides et convaincu que les dimensions de celles-ci renferment des connaissances supérieures de l’univers et le secret de notre destinée, etc.

Dans une seconde partie, sont analysés « quelques épisodes significatifs de falsifications et de supercheries » Silvano Fuso, Savants fous, visionnaires et charlatans. Les errances de la science du XVIIIe siècle à nos jours (traduit de l’italien par Aliénor Louve), Vendémiaire, Collection « Chroniques », 2017, p. 14.. Dans ces histoires mêlant naturalisme, génétique, paléontologie, biologie, astrologie, crapaud accoucheur et crânes de cristal…, Silvano Fuso nous emmène dans de fantasques découvertes menant parfois volontairement à la rédaction d’articles, de comptes-rendus truqués et largement diffusés au grand-public avant la preuve de leur mystification.

Dans une troisième partie, l’auteur se « penche sur une série d’inventions folles, qui auraient pu bouleverser la vie quotidienne de chacun d’entre nous si elles s’étaient réalisées et qui, dans certains cas dramatiques, ont eu effectivement d’inquiétantes retombées dans la vie réelle, malgré leur peu de fondement » Ibid, p. 14.. L’ouvrage prend une teinte inquiétante : « rayon de la mort », « chronovisor », « MEG » capable de produire de l’énergie à partir de rien, « eugénisme, racisme et stérilisation forcée », « Aktion T4 » … Ici les pseudo-scentifiques œuvrent au service de la folie et de ses conséquences meurtrières.

Dans une quatrième partie, Silvano Fuso montre « comment les conceptions métaphysiques et religieuses des chercheurs peuvent fortement influencer leur activité scientifique, en les portant parfois à travestir complètement la réalité »Ibid, p. 14. : spiritisme, psychisme, télépathie, pseudos-sciences et métaphysique, résurrection, sont autant d’ingrédients qui influencent et biaisent la réalité objective de la science et de ceux qui la font.

La cinquième partie présente : « quelques théories révolutionnaires qui, si elles se révélaient exactes, amèneraient à une révision complète de tout ce que la science nous a permis de connaître jusqu’à aujourd’hui »Ibid, p. 14. : les OOPARTS ou « objets hors contexte » dont « les caractéristiques technologiques sont totalement incompatibles avec l’époque où ils ont été réalisés et contraindraient donc à revoir complètement les conceptions élaborées par l’histoire et l’archéologie sur notre passé et sur l’évolution de notre civilisation » Ibid, p. 252.; les catastrophes cosmiques ; la cosmogonie glaciaire, les voyages dans le temps… sont autant de « pseudo-découvertes » sensées expliquer certains mystères à travers le temps. Celles-ci, bien qu’illusoires, montrent bien que l’histoire de l’homme présente encore de nombreuses questions irrésolues…

La sixième et dernière partie examine enfin « quelques cas significatifs de science déviante dans le champ médical, où, plus que dans tout autre secteur, des contrôles rigoureux sont nécessaires car c’est la santé et la vie des gens qui sont alors en jeu »Ibid, p. 14.. Ici le lecteur ou la lectrice entendra parler de Mesmer défendant les théories vitalistes et l’existence d’une mystérieuse énergie le « magnétisme animal », d’homéopathie dont l’efficacité n’a jamais été démontrée, de la mémoire de l’eau qui contiendrait ainsi par exemple la mémoire d’un virus et aurait le pouvoir de contaminer encore, de géopathologie, chromothérapie ou encore de remèdes surprenants et fallacieux pour éradiquer un cancer.

En somme, dans cette lecture rafraichissante, Silvano Fuso réussit son pari initial : celui de faire rentrer, sous « forme légère et amusante » Ibid, p. 16. le lecteur dans l’histoire des sciences et des idées mais également de « faire comprendre, surtout aux nouvelles générations, l’absolue nécessité d’investir dans la recherche et la connaissance » Ibid, p. 16. En définitive, l’auteur se livre à une véritable défense de la science, de ses protocoles, démarches et méthodes, invitant le lecteur à la vigilance et la prudence face à la crédulité et aux fantasques qui peuvent s’avérer parfois dangereux.

©Rémi BURLOT pour Les Clionautes