Créée en 2003 sous le titre Parlement[s], Histoire et politique, la revue du CHPP change de sous-titre en 2007 pour affirmer sa vocation à couvrir tous les domaines de l’histoire politique. Chaque volume est constitué pour l’essentiel d’un dossier thématique (partie Recherche), composé d’articles originaux soumis à un comité de lecture, qu’ils soient issus d’une journée d’études, commandés par la rédaction ou qu’ils proviennent de propositions spontanées. Quelques varia complètent régulièrement cette partie. La séquence (Sources) approfondit le thème du numéro en offrant au lecteur une sélection de sources écrites commentées et/ou les transcriptions d’entretiens réalisés pour l’occasion. Enfin, une rubrique (Lectures) regroupe les comptes rendus de lecture critiques d’ouvrages récents. Enfin, la revue se termine systématiquement par des résumés des contributions écrits en français et en anglais (suivis de mots-clés).
La revue Parlement(s) n° 18 a pour thème : Sciences et révolutions. Ce dix-huitième dossier est coordonné par Cédric Grimoult. Comme d’habitude, le dossier se compose de deux éléments distincts : une première partie consacrée à la recherche (avec la contribution de 4 chercheurs, jeunes ou confirmés) et la seconde à des sources commentées par deux historiens. De plus, dans ce numéro, nous trouvons à nouveau une partie consacrée à des varia (au nombre de 4) et à de nombreuses lectures (au nombre de 11 critiquées par 8 historiens dont Renaud Quillet et David Bellamy, auteur respectivement de 3 et 2 compte-rendu de lecture), voire une note de lecture.

Recherche : Sciences et révolutions :

Benjamin Franklin : de la science à l’action politique : Jean Audouze (Directeur de recherche émérite au CNRS et Président de la Commission nationale française pour l’UNESCO à l’Institut d’astrophysique de Paris) évoque brièvement la vie de Benjamin Franklin. On constate que ses activités scientifiques (travaux sur l’électricité – invention du paratonnerre…) ont eu un impact direct sur ses actions politiques et diplomatiques : sa réputation de savant a grandement facilité son rôle dans l’indépendance des États-Unis et sa ligne de vie à la fois pragmatique et tournée vers le bien commun s’est manifestée quasiment simultanément dans ces deux domaines apparemment disjoints.
Faculté et Académie de médecine face à la Commune de Paris : Natalie Pigeard-Micault (Ingénieure d’études au Musée Curie CNRS/Institut Curie) étudie dans cet article l’attitude de la Faculté et de l’Académie de médecine face à la Commune de Paris, en 1870. Si durant le siège de Paris la Faculté et l’Académie de médecine se mobilisent pour faire face à la situation du peuple parisien, durant le gouvernement de la Commune, ces deux institutions semblent ne pas se préoccuper des événements politiques et sociaux qui les entourent. Les cours de la Faculté sont suspendus alors même que son grand amphithéâtre est occupé par de multiples réunions révolutionnaires. Quant à l’Académie, elle continue de se réunir toutes les semaines sur des problèmes qui sont loin d’être ceux des Parisiens.
La révolution d’Indépendance et la naissance d’une politique scientifique au Mexique : Juan José Saldaña (Professeur de l’Université nationale autonome de Mexico) évoque les rapports du gouvernement mexicain avec une politique scientifique, dans les années 1820. Le Mexique a accédé à l’indépendance en 1821 en tant que nation pré-moderne, bien qu’ayant compté auparavant des personnes éclairées qui avaient permis une modernisation scientifique, mais avec des conditions politiques et sociales du régime colonial qui y faisaient obstacle. Avec l’Indépendance, il fut enfin possible, pour la première fois, de mettre en pratique, sous les auspices de l’État, une science moderne qui affichait des objectifs nationalistes, dont la formulation revenait en grande partie aux hommes de science. Cet article montre comment s’est fait le passage de la sphère privée à la sphère publique, dans le domaine scientifique au Mexique, comme conséquence de la révolution d’Indépendance.
Les anthropologues et la Révolution nationale (1940-1944) : Cédric Grimoult (Docteur habilité en histoire des sciences, professeur agrégé en classes préparatoires littéraires au lycée Jean Jaurès de Montreuil (93), au POLEN-CEPOC de l’Université d’Orléans et au CHCSC de l’Université de Versailles-Saint-Quentin) étudie les positions des anthropologues pendant la Révolution nationale du régime de Vichy. Les anthropologues français restèrent divisés pendant la Seconde Guerre mondiale, comme ils l’étaient depuis 1870. Quelques spécialistes tentèrent d’imposer leur idéologie raciste, antisémite et eugéniste avec l’aide des autorités allemandes. Mais ils échouèrent en raison d’une triple contradiction : la conception libérale de la médecine, la croyance dans le rôle évolutif primordial de l’environnement et la priorité de la lutte contre la dépopulation. Le régime de Vichy prétendit mener une nouvelle politique, mais ne put faire davantage que la IIIe République.

Sources :

Note sur les dangers encourus par Lacépède pendant la Terreur, par Étienne Geoffroy Saint-Hilaire : Présentée par Cédric Grimoult, ce manuscrit de 4 pages référencé MS 3209-4 (conservé à la Bibliothèque de l’Institut de France) n’a jamais été publié et est donc inédit. L’anecdote qu’Étienne Geoffroy Saint-Hilaire (1772-1844) écrivit au sujet de Bernard Germain comte de Lacépède (1756-1825) prouve que les deux hommes (zoologistes au Jardin du Roi devenu Muséum d’histoire naturelle en juin 1793) se connaissaient bien (Lacépède était un collaborateur de Buffon, le célèbre intendant du Jardin du Roi).
Biologie et révolution communiste : témoignage de Denis Buican, généticien roumain opposant à la dictature staliniste : Cédric Grimoult présente le lyssenkisme et s’entretient (le 21 décembre 2011, à Paris) avec Denis Buican, généticien roumain opposant à la dictature staliniste, afin de recueillir son témoignage.
« La science est une force de production » : Affiche chinoise de Wen Guozhang de 1979 : Présentée par Stefan R. Landsberger (Professeur d’histoire et de culture chinoise contemporaines dans les Universités de Leyde et d’Amsterdam), cette affiche fait l’objet d’une étude de son contexte historique, de l’image, du designer et du coda (groupe de cible, réception et efficacité).

Varia :

La constitution d’un groupe parlementaire légitimiste sous la Seconde République, un « processus inachevé », d’après la correspondance de Paul de Dieuleveult par David Stefanelly (Professeur agrégé, doctorant à l’EHESS en Histoire et civilisations) : Malgré leur échec politique final, les légitimistes s’inscrivent dans le processus de structuration politique à l’œuvre pendant la Seconde République. Sous la Constituante, ils constituent un petit groupe de parlementaires. Il s’étoffe sous la Législative. Soudés par la lutte contre les « rouges », animés par d’intenses réflexions idéologiques et menés par un leader, Berryer, ils forment un véritable groupe parlementaire au sein de l’hémicycle pendant la Constituante comme pendant la Législative. Pourtant, ce processus politique est inachevé. Dès le départ, les contours de ce groupe parlementaire sont flous. De plus, victimes de tiraillements avec leurs alliés conservateurs et de divisions internes, les représentants légitimistes se montrent trop fragiles pour résister aux agissements de Louis Napoléon Bonaparte et à son coup d’État. Ils ne peuvent contrecarrer ses projets impériaux et ne se relèvent pas de leurs divisions, hésitations et d’incohérences, véritables obstacles à « l’intégration partisane ».
Souffrir en politique. Dames « blanches » et jésuites au temps de la République (1880-1914) par Bruno Dumons (Directeur de recherche au LARHRA du CNRS – Lyon) : Le vote de la loi sur les associations en 1901, destiné à lutter contre les congrégations, a suscité la colère de plusieurs milliers de femmes catholiques en France sous la forme de pétitions et de ligues féminines. Celle qui a été fondée à Lyon en 1901, de sensibilité monarchiste, est l’œuvre de deux femmes, Jeanne Lestra et la comtesse de Saint-Laurent, guidées par un jésuite, le père Antonin Eymieu. À partir de cet exemple tiré de l’univers de la culture politique « blanche », il s’agit ici de s’interroger sur les mécanismes de l’engagement politique qui répondent à des souffrances de nature individuelle ou collective.
Pouvoir politique contre-pouvoir médiatique : les procès Chaumié et Humbert contre Le Matin (1907-1908) par Dominique Pinsolle (Docteur et agrégé d’histoire, Chargé de cours à l’université Bordeaux III et membre du Centre d’études des mondes moderne et contemporain – Université Bordeaux III) : Le Matin, l’un des « quatre grands » de la presse française, exerce un pouvoir considérable au début du XXe siècle. Son propriétaire, Maurice Bunau-Varilla, est un maître chanteur sans scrupule qui fait trembler députés, ministres et chefs d’État. En 1907 et 1908, deux sénateurs, Joseph Chaumié et Charles Humbert, osent lui résister en poursuivant Le Matin en justice. Leurs victoires, presque simultanées, mettent fin à une période d’arrogance extrême au cours de laquelle Bunau-Varilla se sentait intouchable et tout-puissant.
« Confiner » le clivage européen : le RPR et la gestion de ses divisions internes lors du référendum sur le Traité de Maastricht (1992) par Mathieu Petithomme (Maître de conférences en science politique à l’IUT de Besançon et membre du Centre de recherches juridiques de l’université de Franche-Comté) : L’ouvrage met en avant les stratégies des partis pro-européens d’opposition afin de contenir leurs divisions internes pendant et à la suite des campagnes référendaires européennes. En s’appuyant sur l’étude du discours de la direction du RPR lors du référendum sur le Traité de Maastricht en 1992, il démontre que le parti a tenté de « confiner » les enjeux européens à travers une stratégie de procrastination, une nationalisation des débats et une volonté de cooptation des dissidents afin de contenir le factionnalisme. Cela illustre la centralité de stratégies récurrentes de dépolitisation utilisées par les partis de gouvernement sur les questions européennes.

Lectures :

Jean-Claude Caron, Frères de sang. La guerre civile en France au XIXe siècle, Seyssel, Champ Vallon, coll. « La chose publique », 2009, 312 p., par Renaud Quillet :
Karine Salomé, L’ouragan homicide. L’attentat politique en France au XIXe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2011, 320 p., par Fabrice Lascar :
Jean Garrigues, Les hommes providentiels. Histoire d’une fascination française, Paris, Seuil, 2012, 480 p., par Juliette Glikman :
Ludivine Bantigny et Arnaud Bauberot (dir.), Hériter en politique. Filiations, générations et transmissions politiques (Allemagne, France et Italie, XIXe-XXIe siècle), Paris, PUF, 2011, 392 p., par Marie Aynié :
Jean-Louis Crémieux-Brilhac, Georges Boris. Trente ans d’influence. Blum, de Gaulle, Mendès France, Paris, Gallimard, coll. « La suite des temps », 2010, 460 p., par Renaud Quillet :
Jean-Marc Bagnol, Le Midi viticole au Parlement. Édouard Barthe et les députés du vin de l’Hérault (années 1920-1930), Montpellier, PU de la Méditerranée, 2011, 462 p., par Olivier Jacquet :
Pierre Vayssière, Fidel Castro. L’éternel révolté, Paris, Payot, 2011, 668 p., par Renaud Quillet :
Jacques Barrot, Christophe Bellon, De l’indignation à l’engagement. Foi et politique, Paris, Éditions du Cerf, 2012, 170 p., par David Bellamy :
Jérôme Pozzi, Les mouvements gaullistes. Partis, associations et réseaux, 1958-1976, Rennes, PUR, 2011, 390 p., par David Bellamy :
Mathieu Monot, Socialistes et démocrates-chrétiens et la politisation de l’Europe, Paris, L’Harmattan, 2010, 213 p., par Alexandre Niess :
Note de lecture. Le socialisme libéral en Italie : penseurs, pratiques et controverses, par Frédéric Attal (ENS Cachan) :

© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)