Il s’agit là des actes d’un colloque et le plan de l’ouvrage est organisé en trois thèmes. L’ambition affichée est d’avoir une approche véritablement large. Exploiter le sel s’est fait de multiples façons selon les lieux et les époques. Beaucoup de sites présentés sont uniques, ce qui est intéressant, mais aussi difficile parfois à relier avec d’autres éléments connus, tant les espaces et les époques concernées sont nombreuses. Chaque communication est comme de coutume munie d’un utile résumé. Certaines communications sont en anglais. L’approche se veut donc à la fois technique, sociale et environnementale. Parfois, et selon son niveau, on peut noter que le livre est parfois un peu trop « scientifique ».

Une approche pluridisciplinaire assumée et parfois exigente.

La première partie est ethnographique et nous entraîne à travers le monde. La deuxième partie est archéologique et explore plus de huit millénaires d’exploitation. La dernière partie est historique et navigue de l’Antiquité à aujourd’hui. La région de Franche-Comté qui a hébergé le colloque est aussi représentée par plusieurs communications. L’ouvrage est abondamment illustré ce qui facilite la compréhension de certains articles. La première partie est la plus courte et regroupe trois articles. La deuxième totalise dix communications, et la dernière onze.
Les méthodes les plus récentes sont utilisées comme les datations radiocarbones. Dans l’article sur Salins-les-Bains on découvre que le chantier de restauration de la poêle est ainsi l’occasion d’un chantier pilote pour arriver à la conserver. Il s’agit d’un système qui permettait de produire le sel par évaporation de la saumure. On pourrait aussi imaginer un travail interdisciplinaire entre sciences humaines et science : l’article sur la source salée de Poiana Slatinei nécessite ce genre de croisement.

L’or blanc de tout temps

Parmi les découvertes qu’apporte cet ouvrage, on peut évoquer la saline romaine de Vigo. En effet jusqu’à ce jour, on ne possédait pas de saline marine d’évaporation solaire aussi bien conservée. On arrive ainsi à distinguer les trois secteurs principaux de la saline avec le réservoir, les zones d’évaporation et les cristallisoirs.. La saline romaine se termine par des perspectives de recherche : on sent bien une recherche en train de se faire. Le cas du Languedoc permet d’aborder de plusieurs époques jusqu’au Moyen Age. Beaucoup d’auteurs soulignent à juste titre qu’on ne peut en rester à des analyses scientifiques et qu’il faut lier tous les résultats aux sociétés.
On peut étudier le Languedoc Roussillon en le liant à la cité de Lattes qui fait l’objet d’une formidable reconstitution sur internet http://www.lattara.culture.fr/

De la Chine à la Roumanie en passant par le Mexique.

On navigue donc du Mexique à la Roumanie ou à l’Andalousie. En Roumanie par exemple, les chercheurs mènent des recherches ethnoarchéologiques car des pratiques anciennes sont toujours en oeuvre. Ils peuvent ainsi élaborer différents types d’utilisation des sources salées selon la distance. On aborde aussi la question de la transmission des savoirs aux nouvelles générations. On retrouve encore en Roumanie les pratiques traditionnelles autour des sources salées. Dans la deuxième partie, une intéressante communication est consacrée aux salines préhispaniques du Mexique. Elles ont fonctionné à partir de 900 et on découvre comment l’arrivée des Européens modifie les techniques utilisées. On précise également le rôle symbolique du sel, vu comme une excrétion du corps des dieux. C’est l’occasion de montrer combien un produit comme le sel transcende les temps et les civilisations.

Le sel, outil pédagogique

Ainsi dans le cadre d’une activité pédagogique, un travail avait été mené dans une classe de collège qui regroupait des enfants venus de plusieurs cultures et qui ne formaient pas vraiment un groupe-classe. L’enseignant avait donc travaillé avec eux sur le sel, car il s’était aperçu qu’il s’agissait d’un dénominateur commun. En liaison avec un ethnologue ils avaient réalisé un petit livret baptisé « Usages de sel ». Celui-ci, épuisé, sera néanmoins bientôt mis en ligne sur le site des Musées des Techniques et Cultures Comtoises qui avaient été partenaires du projet.

Comprendre la Franche-Comté grâce à la Guinée

Un article est consacré à la saline royale d’Arc-et-Senans. Son histoire est très intéressante ; elle ne fonctionna jamais vraiment selon les espérances. Oeuvre de Claude-Nicolas Ledoux, elle fonctionnait en synergie avec Salins-les-Bains. L’eau salée était acheminée de Salins à Arc-et-Senans par des saumoducs. Le CRDP de Besançon a consacré au constructeur de la Saline un DVD de douze petits films à l’occasion du bicentenaire de sa mort en 2006.
Dans le Jura, des regroupements de villages fortifiés préhistoriques ont été relevés autour de certaines sources salées, ce qui tend à faire passer l’idée d’un intérêt pour les saumures naturelles et ce dès le Néolithique. Les auteurs se sont tournés alors vers la Guinée car ils n’avaient pas les moyens de démontrer comment s’était faite la production du sel. Cela a permis de comprendre des mécanismes de production, mais en même temps cela ouvre de nouvelles questions. Cette comparaison est intéressante, mais elle a aussi ses limites. Certains endroits se sont développés et pas d’autres.
Un futur musée du sel ouvrira à Salins-les-Bains au printemps 2009. Ainsi, l’histoire du sel ne s’arrête jamais et dans une muséographie toute renouvelée, le visiteur pourra naviguer de Salins à Arc-et-Senans, distants de 20 kilomètres, pour découvrir, en plus de ces deux endroits étonnants, l’histoire du sel.

Il s’agit donc d’un livre spécialisé qui apporte un état des lieux de la recherche, mais qui nécessite donc un certain nombre de connaissances de base sur le sujet pour arriver à relier les exemples cités à des problématiques plus globales.

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