L’alter-mondialisme a fait son apparition spectaculaire et surtout largement médiatisée lors des grands sommets économiques de Seattle et de Gênes. Les forums sociaux de Porto Alegre ou de Bombay ont pu représenter aussi des alternatives humaines et sociales à la mondialisation libérale. De plus des figures de la contestation antimondialisation ont été largement présentées comme José Bové.

Aujourd’hui pourtant, ce mouvement s’essouffle largement. L’organisation ATTAC qui portait ce mouvement en France avant 2006 a connu une scission et souffre aujourd’hui d’une relative absence de visibilité. Pourtant ce ne semble pas être le cas d’idées issues de cette nébuleuse altermondialiste qui ont pu allier retentissement médiatique et efficacité organisationnelle. Il n’est pas indifférent par exemple de constater que ce mouvement a été largement infiltré par l’extrême gauche qui a pu se reconstruire au point de devenir en France comme en Allemagne une constante du jeu électoral.
C’est dire tout l’intérêt de cet ouvrage de Eddy Fougier qui permet de faire le point sur ce mouvement en, c’est le principe de cette collection, remettant en cause plusieurs idées reçues.

Le chef d’orchestre clandestin

Il est évident par exemple qu’il n’existe pas d’internationale de l’alter-mondialisme, équivalente à ce qui pouvait exister dans le mouvement communiste, ( Komintern entre 1919 et 1943 ou IVe internationale depuis 1938 créée par Trotski qui a connu de multiples scissions et subdivisions) . De même les différents forums sociaux mondiaux sont davantage des rassemblements régionaux avec quelques délégations internationales et quelques figures emblématiques que des organisations capables de susciter des mouvements coordonnés à l’échelle planétaire voire continentale. Il est vrai que ces mouvements sont aussi très divers d’un point de vue idéologique. Il y a peu de points communs entre ces mouvements issus des organisations de solidarité internationales comme OXFAM, le sous commandant Marcos, le porte drapeau de la guérilla zapatiste au Chiapas ou encore José Bové sans parler d’Olivier Besancenot ou le directeur du Monde diplomatique, inspirateur d’ATTAC à ses débuts, Ignacio Ramonet.
Cela permet donc de remettre en cause une idée reçue laissant à penser que l’alter-mondialisme obéirait à un mystérieux chef d’orchestre clandestin ou serait une sorte de cache sexe de l’extrême gauche en quête de virginité. De la même façon, on pourrait aussi s’interroger sur la composition sociale de ces mouvements. Si le refus de la mondialisation qui fonde l’alter-mondialisme se fait au nom des victimes les formations qui composent cette nébuleuse appartiennent à la petite bourgeoisie ou aux classes moyennes dont certaines seraient en voie de déclassement. Il est vrai que les effets de la mondialisation libérale qui a pu remettre en cause certaines caractéristiques des modèles sociaux européens comme le développement du secteur public et les régimes sociaux généreux .

L’utopie créatrice

Alors l’alter-mondialisme est-il donc une utopie ? Les propositions faites sont-elles réalistes ou simplement généralisable dès lors que l’on parle d’une alternative à la mondialisation ? La contestation altermondialiste de la mondialisation heureuse ou du fondamentalisme des marchés a laissé des traces. Le mouvement a clairement influencé les agendas internationaux , popularisé de nouveaux thèmes comme le développement durable et surtout les biens publics globaux. Des idées vues au départ comme des utopies ont fait leur chemin depuis, celle de l’accès aux médicaments ou encore la première fiscalité internationale, la taxe sur les billets d’avions défendue par Chirac et aujourd’hui adoptée par de très nombreux pays. Il y a peu de temps, l’actuel locataire de l’Élysée parlait des paradis fiscaux dans des termes que n’auraient pas désavoués les mouvements altermondialistes. Visiblement ces utopies semblent créatrices.
Enfin, parmi les idées reçues on en trouve une dont il nous aura été donné de parler récemment à propos de l’ouvrage de Claude Fouquet « histoire critique de la modernité »  : « les altermondialistes sont alliés aux islamistes et sont antisémites ». Il semblerait que cette accusation soit fondée sur des remarques plus critiques contre la politique de l’État d’Israël que par un antisémitisme quelconque et l’auteur ne fait pas toujours très nettement la part des choses.
Toutefois, et là c’est parfaitement justifié la question des rapports de certaines composantes du mouvement altermondialiste avec l’islamisme « intellectuel » tel qu’il peut être représenté par Tariq Ramadan est parfaitement posée.
Cet ouvrage comme beaucoup de la collection est donc une mise au point commode sur ce mouvement altermondialiste qui se cherche aujourd’hui. Les effets de la crise économique actuelle pourraient lui donner une nouvelle visibilité d’autant que biens des critiques sur la mondialisation financières et ses dérives sont aujourd’hui reprises en chœur et au plus haut niveau par les mêmes qui taxaient ces idées d’utopies. On se permettra de penser qu’il est des conversion tardives qui n’en sont pas moins suspectes.

Bruno Modica © Clionautes

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