Il faut attendre 1929 pour que soit découvertes les premières traces de la préhistoire américaine à Blackwater (Nouveau-Mexique) même si des tombes collectives de la vallée du Mississippi étaient connues et fouilléesFouilles en 1784 en Virginie dans la propriété de Thomas Jefferson dès le XVIIIe siècle.

L’introduction met en lumière les débuts des recherches scientifiques sur le peuplement du continent nord-américain et les questions de datations.

Au commencement

La question des origines domine les recherches, pendant longtemps. Par quelle route l’homo sapiens est-il arrivé en Amérique ? Par le Pacifique ? Par la voie terrestre du détroit de Béring ? Les origines sibériennes et asiatiques demeurent controversées même si la génétique apporte quelques réponses qui confirment les traces archéologiques d’échanges entre les deux rives de l’océan Pacifique. La fonte des glaces a permis aux chasseurs-cueilleurs de s’implanter largement comme le montre les 4 000 sites de la culture Clovis.

A la conquête du territoire

Jean-Michel Sallmann L’auteur est professeur d’histoire moderne à l’université de Paris X-Nanterre. Ses travaux portent notamment sur les phénomènes de sorcellerie aux XVIe et XVIIe siècle. Podcast : https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/tout-un-monde/el-norte-le-versant-hispanique-des-etats-unis-5974916 aborde brièvement l’organisation des campements, les chasses collectives et vers 8 400 ans avant notre ère les débuts de sédentarisation dans l’Utah. La carte (p. 35) précise les principales zones de domestication des végétaux et des animaux. La cas du maïs donne lieu a plus de précisions.

A partir de 2000 avant notre ère apparaissent les premières cités (Watson Brake, Poverty Point), implantées à côté des cours d’eau. La céramique est un marqueur chronologique qui montre une remontée de cette technique depuis l’Amérique centrale. C’est de cette époque que daterai la séparation des rôles masculins et féminins des sociétés amérindiennes.

Le monde amérindien avant l’arrivée des Européens

À partir du second millénaire, l’agriculture, mais aussi la vie symbolique chemine dans le Nord, depuis la Mexique. Il existe des échanges à longue distance par terre ou en empruntant le réseau hydrographique. Des ententes réunissent certains groupes comme la confédération des cinq tribus iroquoises. L’auteur décrit la confédération Creek, mais aussi la culture « sylvicole » (woodlands) entre les Grands Lacs et le golfe du Mexique qui se caractérise par un riche ensemble de croyances associées à des tertres funéraires et à quelques grandes citées comme Cahokia (actuellement dans l’agglomération de Saint-Louis)Carte des influences Sud-Nord p. 54-55.

Les mythes amérindiens s’appuient sur une division tripartite du cosmos : le ciel représenté par un oiseau, la terre représenté par le jaguar et le monde souterrain, le serpent.

Les premiers contacts avec le monde européen

Généralement, c’est la date de 1497, celle du voyage de John cabot, ou Giobvani Caboto vénitien au service de roi d’Angleterre qui est retenue. L’auteur évoque des contacts plus anciens, peut-être des Norvégiens de l’an Mil à partir des légendes scandinaves d’Erik le Rouge. Un site a été mis au jour en 1960 à l’Anse au Meadows ( au nord de Terre-Neuve). Les pêcheurs européens ont sans doute approché les côtes du Groenland et de Terre-Neuve. Ensuite, le moteur des expéditions fut la recherche d’une route vers les Indes. Alors que l’Espagne et le Portugal se partagent le monde, les Européens du Nord tentent leur chance : Jacques Cartier, Martin Frosbisher, Verrazzano.

Les premières implantations sont observées avec les « coureurs des bois ».

Les débuts de la Nouvelle-France sont traités rapidement, ceux de Virginie un peu plus : les premières colonies de Walter Raleigh aux expéditions de la Virginia Company chez les PowhatansVoir l’excellente BD de Patrick Prugne : Pocahontas, Editions Daniel Maghen, 2022. La Nouvelle-Angleterre naît de la politique de John Smith qui veut réunir les pêcheries et autres implantations anglophones. La Plymouth Company signe, en 1620 un premier traité avec les Amérindiens.

Les difficultés de l’Espagne en Amérique du Nord

A la même époque, les Espagnols sont en Floride à la recherche d’esclaves pour leurs plantations des Caraïbes. L’auteur décrit les expéditions de Ponce de León (1513), Pánfilo de Narváez (1526) puis celle d’Hernando de Soto (1539-1543) dans la vallée du Mississippi.

La Tierra-Nueva ou larecherche des sept cités de Cibola

Ce chapitre est consacré aux expéditions vers le « grand Nord » mais il ne faut pas se tromper, il s’agit de tentatives de conquête, depuis le Mexique, du sud des Rocheuses et des Grandes Plaines. Après la prise de Tenochtitlán, Guzmán puis Vázquez de Coronado se dirigent vers Cibola, prise et pillée en 1540. Cet épisode de l’histoire est marqué par la violence des relations avec les Indiens Pueblos.

Au cours du XVIe siècle, d’autres expéditions comme celle de Fernando de Alarcón à l’embouchure du Colorado marquent le début de l’expansion espagnole en Amérique du Nord, au sud d’une ligne de l’estuaire du Mississippi à l’Oregon.

Les Indiens de la façade atlantique et les Européens

Les peuples amérindiens, dans leur grande diversité (carte des langues p. 136), se présentent aux Européens comme des sociétés matrilinéaires. Ceux qui les étudient aux XVIIe et XVIIIe siècles sont surpris par la nudité, les tatouages. Ils décrivent un mode de vie adapté aux climats : raquettes à neige, canots d’écorce, longues maisons et des croyances religieuses liées à des pratiques chamanistes.

L’auteur dresse un inventaire des peuples amérindiens, Algonquiens, Iroquois et leurs systèmes d’alliance.

Les tentatives françaises en Floride au XVIe siècle sont caractérisées par l’initiative huguenoteVoir la Conférence, aux Rendez-vous de l’Histoire de Blois 2019, L’Amérique fantôme : les Français du Nouveau Monde, ou les trous de la mémoire, Gilles Havard, Bertrand Van Ruymbeke, Laurent Vidal, Carte blanche aux éditions Flammarion. L’auteur évoque l’expédition de Jean Ribault et l’échec face aux Espagnols.

Amérindiens et Français dans la Nouvelle-France

Retour sur les premières implantations dans l’estuaire du Saint-Laurent (chapitre 4), l’auteur cherche à délimiter les frontières de la Nouvelle-France. Ils décrit les alliances avec les Amérindiens. C’est un survol de ce que fut la petite colonie, la vie des Amérindiens, et notamment des Hurons-Wendats.

Un paragraphe est consacré à la Louisiane et bien sûr à Cavelier de la Salle, mais aussi aux différents, dans les Grandes Plaines, avec les Indiens Renards ou Natchez ; sans oublier les querelles avec les Espagnols.

Les autochtones dans l’Amérique anglaise

Les rapports avec les Amérindiens dans la seconde moitié du XVIIe siècle sont abordés très rapidement. L’auteur consacre ce chapitre au XVIIIe siècle, un temps de guerres et de révoltes indiennes.

La guerre d’indépendance se solde par un traité entre la couronne anglaise et les Treize colonies qui ne fait aucune mention des Amérindiens. Ils sont peu à peu repoussés vers l’Ouest et le Canada (carte p. 197).
L’auteur consacre un paragraphe à ce qu’il appelle le « société du cheval », pratique apportée par les Espagnols.
Le début du XIXe siècle est marqué par de nombreux combats pour des territoires convoités par les Américains (carte p. 204) dans le contexte de la guerre de 1812-1814 et conduit à un réveil de l’indianisme.

Les dernières conquêtes de l’Espagne

L’Amérique du Nord espagnole, c’est d’abord la Floride, pour sécuriser la route des galions. Elle est perdue au début du XIXe siècle. C’est aussi la vice-royauté de Nouvelle-Espagne, un vaste territoire comprenant la côte pacifique, les Rocheuses et le sud des Grandes Prairies (carte p. 218). Cette expansion vers le Nord, déjà abordée au chapitre 5, s’est faite aux dépens des Hopis, des Zuñis et des Pueblos comme le montre les affrontements décrits par l’auteur. Il décrit brièvement ces cultures et les contacts avec de nouveaux venus : les Apaches et les Comanches, ces semi-nomades dont la force réside dans l’utilisation du cheval.

L’auteur décrit la société du Nouveau-Mexique au XVIIIe siècle : une noblesse espagnole, des paysans hispano-indiens, des esclaves indiens, Apaches ou Navajos enfin les Indiens autonomes vivant dans des villes indépendantes. La population de la région augmente avec des villes importantes : Santa Fe, Santa Cruz, Albuquerque. La population indienne est soumise à une intense politique de christianisation, menée par les Franciscains. L’auteur décrit les réformes des Bourbons, l’économie, le contrôle moral sur la société et les dernières conquêtes : la Californie (carte p. 236)

La fin des cultures indiennes

À partir de 1840 la ruée vers l’Ouest « Go west, young man, go Wewt » ; une mission pour prendre possession du continent entier. Les colons s’installent toujours plus à l’Ouest avec la protection de l’armée aux dépens des communautés amérindiennes (carte p. 240-241).

L’auteur remonte dans le temps avec l’évocation de l’expédition Lewis et Clark (de 1804 à 1806) et le rôle de Jefferson. Cette éviction des Amérindiens ne s’est pas faite sans révoltes (Séminoles de Floride, Creeks…) et sans drames. L’auteur décrit le sort des Cherokees, nation la plus « évoluée » de la vallée du Tennessee, la « piste des larmes » qui les conduit jusque vers l’Oklahoma (carte p. 248).

Les négociations de fort Laramie, en 1851, eurent peu d’effets. Le moindre incident dégénère d’autant que l’abattage des bisons met en péril de mode de vie des Indiens des Grandes Plaines. L’occupation de l’ouest est marqué par la guerre mexicaine (1845-1847) et des massacres en CalifornieEvalués à 120 000 morts entre 1848 et 1868 et le rôle des missionnaires. Après 1860, l’unification du territoire des États-Unis s’accompagne de déplacements de populations et de la création des réserves (carte p. 264-265) notamment pour permettre le passage des voies de communication (route et rail).

Les derniers sursauts avant la défaite finale

Entre combats et assimilation, en particulier dans le corps d’auxiliaires de l’armée : les « scouts », les Amérindiens ont payé un lourd tribut aux « guerres indiennes » de la seconde moitié du XIXe siècle. L’auteur rapporte, assez rapidement, la rébellion des Sioux Dakotas. Les massacres des Dakotas, mais aussi des Cheyennes, des Arapahos, des Comanches sont nombreux dans le contexte de la ruée vers l’or. Un paragraphe est consacré à un peuple très présent dans le mythe du Far West : les Apaches. Cette évocation du sort des Indiens ne pouvait se passer du portrait de quelques grands personnages : Géronimo, Sitting Bull.

Les Amérindiens du Canada au XIXe siècle

Après 1763, la situation des Amérindiens et Métis est bouleversée. Si les unions avec les colons français perdurent, l’appropriation des terres par les colons anglais est plus contrôlée qu’aux États-Unis. Les autorités britanniques reconnaissent les droits territoriaux des autochtones. Plus de 400 traités ont été signés jusqu’en 1912.

L’auteur présente l’organisation du territoire du Canada ? Au cours du XIXe siècle, la colonisation s’étend dans le Haut-Canada ? Les Amérindiens dont soit relégués dans des espace à l’écart des Blancs (carte des réserves au Canada p. 300-301), soit « civilisés », une action financée par le vente des terres indiennes. Le développement de la pêche baleinière impacte le mode de vie des Inuits et la poussée vers l’Ouest se fait comme aux États-Unis. La création dy Dominion du Canada, en 1867, met les Amérindiens sous l’administration fédérale avec un secrétariat aux affaires indiennes.
Un paragraphe est consacré à la question des Métis.
Toujours plus nombreux, ils ont des revendications comme Louis Riel qui prend la tête du mouvement dans les années 1870-1880 (bataille de Batoche). Après la rébellion un certain nombre de Métis partent vers le Montana.

On peut s’étonner qu’il ne soit pas fait mention des «  pensionnats autochtones »En 1831 est créé le Mohawk Institute, à Brantford (Ontario) et ces pensionnats se sont maintenus durant plus d’un siècle et demi. Sur ce sujet, on pourra se reporter à l’article Ségrégation raciale des Autochtones au Canada de l’encyclopédie canadienne. Voir sur arte Tuez l’Indien dans le coeur de l’enfant dont on sait aujourd’hui leur rôle dans l’assimilation des jeunes amérindiens.

 

Atelier de l’historien

Comme dans chaque ouvrage de la collection Mondes anciens, cette dernière partie ouvre sur des points particuliers. Ici, est abordée la question des sources : Comment écrire l’histoire de l’Amérique du Nord, l’exemple de Cahokia ? Ou que nous apprennent les fouilles archéologiques de ce site de l’Illinois ?

Le second article porte sur une source généralement peu exploitée : la peinture. Les œuvres de Georges Catlin témoignent du mode de vie des Amérindiens des vallées du Mississippi et du Missouri dans les années 1830, une image positive loin de celles véhiculées par le cinéma du Far West qui fait l’objet d’un troisième article.

 

Un ouvrage qui se veut une fresque complète de l’histoire nord-américaine, une ambition, sans doute trop grande. Très inégal entre chapitres très détaillés et d’autres plutôt survolés, cet ouvrage donne une impression de juxtapositions plutôt que de synthèse avec des va-et-vient chronologiques qui nuisent à la compréhension.