Bruno Modica est chargé de cours en relations internationales dans le cadre le la préparation au concours d’entrée à l’École militaire inter-armes.

Nouvel éditeur à travailler avec la Cliothèque, les Éditions marines appartiennent au groupe de presses infomer. Les habitués de la liste de diffusion H français sont familiers des liens régulièrement transmis sur le site mer et Marine. Il était donc logique que cet éditeur important spécialisé dans cette thématique, fasse son apparition un jour dans ces colonnes.

Ce sera d’ailleurs le cas très prochainement avec un autre ouvrage consacré à la dissuasion.

Ce bel ouvrage relié et superbement illustré présente une excellente synthèse de la marine nationale au XXIe siècle. On peut le voir comme un ouvrage de présentation, forcément positive de la marine nationale. En soi cela n’est ni choquant ni inutile. Bien au contraire, le renforcement du lien entre l’armée et la nation devrait au contraire intéresser les professeurs d’histoire, de géographie et d’éducation civique, qui sont les lecteurs habituels, mais non exclusifs, de la Cliothèque.

Cela est d’autant plus vrai que les armées françaises, de terre, de mer et de l’air sont engagées actuellement sur plusieurs théâtres d’opérations. Pour la marine nationale, l’opération Harmattan conduite en Libye a été l’occasion d’assister au déploiement de l’aéronavale comme vecteur privilégié de projection de puissance. Certes, il est toujours possible de sourire devant les quelques difficultés, du porte-avions Charles-de-Gaulle, mais il faut tenir compte du fait que la France, puissance moyenne à vocation mondiale ne peut développer de façon illimitée des systèmes d’armes de plus en plus sophistiqués et coûteux.
Il n’en reste pas moins que ces systèmes sont nécessaires à plusieurs titres, à la fois pour assurer la défense du territoire et de ses intérêts lointains, mais aussi pour maintenir un savoir-faire technologique qui a pu, du fait des délocalisations apparaître comme de plus en plus menacé.
Loin d’être une arme aux traditions désuètes, avec ses pompons rouges, ses uniformes de cérémonies, et son langage si particulier, la marine nationale constitue bien une force de souveraineté et de projection de puissance sur toutes les mers du globe. Cela est d’autant plus important que la mondialisation qui s’est traduite par une croissance exponentielle des échanges maritimes pourrait être présentée comme une forme de « maritimisation » du monde. Tous les jours, par tous les temps, ce sont des dizaines de milliers de navires circulent sur des routes maritimes qui constituent autant d’artères vitales pour nos économies et par la même pour notre mode de vie. La capacité d’intervention sur ces routes maritimes, la nécessité d’y assurer la sécurité et donc une mission essentielle de la marine nationale.

L’ouvrage est organisé en trois parties, la première présente le siècle de la mer avec la réalité des missions de la marine, tandis que la seconde, les gens de la marine, présente les spécificités de ce métier si particulier où l’on a tendance à se considérer comme marin avant d’être soldat. L’aventure quotidienne sur un bâtiment de guerre et de réussir à faire cette synthèse. La troisième partie de l’ouvrage présente la marine de ce siècle, avec ses particularités, et la grande diversité des moyens existants. Cela va des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins dont la dernière génération est sans doute probablement la plus performante au monde en matière de furtivité, ainsi que les bâtiments de projection et de commandement de type mistral qui suscite l’intérêt des marines étrangères, à commencer par la flotte russe, ce qui ne va pas sans inquiéter des pays riverains de la mer Noire comme la Géorgie.

Parmi les remarques que l’on pourrait faire sur cet ouvrage, on ne peut que s’interroger sur l’absence totale d’évocation des sous-marins nucléaires d’attaque. Un programme est en cours de développement depuis plusieurs années, mais il semblerait que les difficultés budgétaires aient conduit à un étalement dans le temps de ces programmes.

Il en va pourtant de la capacité de la France à disposer pendant tout le XXIe siècle des instruments d’interdiction et de projection qui sont le propre des moyens de contrôle des espaces maritimes.

On peut comprendre que cet ouvrage évite d’évoquer « des questions qui fâchent », mais le problème est bien réel. Les redéploiements des moyens qui touchent les armées en période de révision générale des politiques publiques, a pu se traduire par des pertes d’effectifs, des diminutions de moyens, des étalements de programmes de développement, qui ont et qui auront inévitablement des conséquences sur le terrain.
De plus, le format militaire de la France lui impose de trouver, au-delà de sa propre armée, des clients pour acquérir ces matériels. Mais l’achat de matériel militaire par de grands états n’est pas simplement lié à des questions de prix, même si cela a son importance, ou de qualité intrinsèque, mais bien d’influence politique. Peut-être que de ce point de vue, un certain nombre de choix pourraient être réorientés en termes de posture diplomatique.

En réalité, cet ouvrage montre bien ce que l’on appelait jadis : « la politique de la canonnière », n’est peut-être pas aussi désuète que ce que l’on pourrait penser. La présence de nos couleurs sur toutes les mers du globe, reste porteuse d’avenir, dans un monde incertain.
Et ceux qui ont fait le choix de l’engagement, sont quelque part les sentinelles de notre mode de vie. Si ce beau livre leur rend hommage, et fait prendre conscience aux lecteurs de l’importance de la maîtrise de nos espaces maritimes, il a atteint son but. Et sa présence dans un centre de documentation, ne serait absolument pas inutile.

© Bruno Modica

LES AUTEURS

Le capitaine de frégate Philippe Metzger, très tôt passionné par la mer, est entré à l’École navale en 1979. Après avoir alterné une vie de marin de guerre et un passage professionnel dans le secteur privé, il a rejoint le secrétariat général de la mer en 2010. Sa seconde passion, l’écriture, s’exprime et grandit depuis sa première publication en 2004.

Le vice-amiral Emmanuel Desclèves a passé l’essentiel de sa vie professionnelle dans la Marine. Il a été ensuite directeur technique de la compagnie CMA CGM. Il est aujourd’hui conseiller Défense du président de DCNS. Son livre Le Peuple de l’Océan a récu le prix Eric Tabarly 2010. Il a écrit de nombreux articles sur des sujets maritimes. Il est membre de l’Académie de marine

Alain Zimeray est photographe. Passionné par la mer, il a réalisé avec l’écrivain Christian Bontzolakis, un livre de portraits de trente-trois navigatrices, Les Dames de la Mer, paru en juin 2009 chez Marines Éditions.