« Là où naissent les glaces »

En 1934, le commandant Jean-Baptiste Charcot déposait l’explorateur Paul-Emile Victor sur la côte orientale du Groenland. Il restera une année sur l’île d’Ammassalik, désormais nommé Tasiilaq. Peuplé de près de 2000 habitants en 2020, ce village groenlandais est situé à l’embouchure du fjord Sermilik. Dans les environs, des phoques capuchons, annelés, barbus et du Groenland côtoient des narvals, sébastes, morues, orques, bélugas et ours polaires.

Sermilik relate la vie d’un français installé dans un petit village au Nord-Ouest de Tasiilaq depuis les années 1980, Max Audibert. Alors étudiant à l’Ecole du Service de santé des armées à Lyon, Max souhaite changer radicalement de vie et devenir un chasseur arctique après avoir feuilleté les pages d’un livre dans une librairie. Pour un jeune marseillais, la route sera longue !

Les débuts sont difficiles. L’apprentissage du tunumiusut (groenlandais de l’Est), de la vie en communauté, les techniques de chasse et de déplacements en traineau le propulsent dans un espace aux fortes contraintes radicalement différent de la cité phocéenne. Mais Max s’accroche.

Un chasseur local, Elias, l’accueille chez lui et les autres chasseurs lui enseignent le maniement d’un traineau, la gestion des chiens, la résistance au blizzard, la pêche à la ligne dans un trou formé dans la glace mais aussi la navigation sur la Sermilik pour éviter les icebergs. Après Elias, c’est chez Marius que s’installe Max. En charge du maintien de l’ordre en l’absence d’une véritable police locale (la plus proche arrive par hélicoptère lorsque la situation est grave), Marius permet à Max de construire son propre traineau. Elona, l’une des cousines de Marius, devient la compagne de Max, avec qui elle aura deux enfants : Rosalia et Martin.

Dès les premières pages, Max fait le tour de son village : Tiniteqilaaq, 80 habitants. Une école, un port de pêche, une citerne, une école, des maisons agrémentées d’un séchoir à poissons, un cimetière et une boutique. Max vit alors dans une maison rouge, semblable à celles des autres familles du village. D’abord chasseur, le Français se reconvertit instituteur. Malgré l’enclavement de Tiniteqilaaq et le fait que la langue groenlandaise de Nuuk soit difficilement compréhensible pour un Groenlandais de l’Est, il parvient à obtenir un diplôme de professeur et a mener des projets originaux.

L’objectif est de mettre en avant les techniques traditionnelles des chasseurs du village. Plusieurs projets pédagogiques sont relatés dans l’ouvrage, dont la construction d’un tsaqqi (un kayak très effilé, typique de l’Est) et d’un traineau pour les élèves. Mais l’arrivée progressive d’internet, et surtout de la motoneige, sont des facteurs de changement qui détournent les jeunes du village de rester une fois adulte (la majorité veut aller à Nuuk ou Copenhague). La découpe d’un phoque n’est plus aussi maîtrisée que par le passé.

Source : Extrait tiré de « Sermilik » publié par Dargaud, 2022, pages 6 et 7

Ce roman graphique aux couleurs soignées est signé par Simon Hureau. Dans les dernières pages en annexe, des photographies permettent de voir que l’auteur-dessinateur a réalisé des croquis sur place pour s’imprégner des lieux de vie de Max. Le rendu graphique qui privilégie les tons bleus et beiges se révèlent très agréable à l’œil.

En résumé, « Sermilik » est un formidable voyage dans un village de l’Est du Groenland, à travers la vie d’un expatrié français, désormais gardien et passeur des savoirs traditionnels inuits. Une lecture qui pourrait plaire aux élèves de sixième pour prolonger le cours sur un espace à forte contrainte, mais aussi en classe de seconde lors de l’étude de cas sur l’Arctique.

Pour aller plus loin :

  • Présentation de l’éditeur -> Lien

Antoine BARONNET @ Clionautes