Simon Surreaux est chercheur associé au centre Roland Mousnier. Il s’est fait remarquer pour sa thèse sur les maréchaux de France au XVIIIe siècle, sous la direction de Lucien Bély, recevant en 2012 le prix Dezès de la Fondation de France.

Déjà auteur de l’ouvrage Aimez-moi autant que je vous aime. Correspondances de la duchesse de Fitz-James, 2013, il nous livre ici une version agréablement revisitée de ses travaux de recherches : « La mort est sujet d’histoires. Dans ce dernier combat désespéré, l’homme se révèle, sans fard. Aussi la mort scande-t-elle le quotidien des vivants ». Dès son incipit, on constate qu’il souhaite faire œuvre d’écriture autant que de prospection historique.

Il nous confie même le secret de sa motivation : il a trouvé l’énergie pour traiter d’un tel sujet dans son parcours et son expérience personnelle, où l’on reconnaît l’objectivité rigoureuse de l’Ecole de Mousnier complétée au fil des pages par un travail statistique parfaitement retranscrit.

En une douzaine de chapitres taillés à la serpe, il nous livre une analyse de ce que représentait la mort d’un maréchal de France à l’époque moderne, la manière dont il se devait de mourir et dont il mourrait en réalité, pourquoi il s’agissait autant d’une affaire d’état que d’une expérience intime, et encore une entreprise familiale et patrimoniale en marche, qui se devait de perdurer par delà la génération de l’éminent représentant de la lignée.

Il s’intéresse d’abord au fait que la mort au combat devient exception, puis qu’à la manière du roi-machine, les maréchaux de France se donnent en spectacle, même à l’occasion de leurs décès; que par ailleurs, le statut social demeure dans la mort et qu’en conséquence le cérémonial entourant l’événement, donnant lieu à des concurrences qui nous paraissent choquantes avec le recul contemporain, étaient tout sauf futiles à l’époque.

La mort est aussi affaire de testaments, de mémoires, de préparations religieuses permettant de finir dignement, humblement, toutes affaires que Simon Surreaux détaille dans plusieurs chapitres minutieux et passionnants.

L’ouvrage se termine sur la sphère privée du grand homme, qui est vaste puisque nous parlons de familles aristocratiques, entourées d’une domesticité innombrable, et qu’on se devait à l’époque d’être non seulement protecteur mais magnanime avec tout un chacun. Il en allait de votre réputation pour les siècles à venir. Et indéniablement certains y ont réussi tandis que d’autres, ne soignant pas leur mort comme l’un des moments sinon le moment le plus important de leurs vies, y ont complètement échoué, si bien que seul Simon Sureau parvient aujourd’hui à leur redonner vie.

Si Servir le roi est d’abord une analyse de la vie des Grands dans la France des Lumières, Simon Sureau dépasse peu à peu l’histoire glorieuse pour se concentrer sur l’intime et le domaine du privé, son étude permettant d’entrer dans l’intimité des membres de l’élite des XVIIe-XVIIIe siècles, comprendre la réalité de leur quotidien et mieux cerner leurs mentalités.

De manière manifestement inédite, les mœurs et représentations de l’univers de la plus haute aristocratie sont analysées de l’intérieur, en utilisant pour se faire nombre de sources jusqu’alors inexploitées. De ce point de vue, Simon Surreaux se veut passeur puisqu’il écrit en frontispice de sa conclusion : « A travers l’exemple des attitudes des maréchaux de France devant la mort, il s’agit non pas d’écrire une fin mais plutôt de proposer un prolongement ». A bon entendeur !