« À travers l’histoire d’un éveil civique et militant, celui du jeune Shorba, qui découvre l’urgence de l’action citoyenne, de la solidarité envers les réfugiés et, plus largement, le sens profond du mot ‘’révolte’’, ce roman résonne fortement avec les valeurs de respect des droits humains que défend Amnesty Internationa » (www.amnesty.fr).

 

« Depuis qu’on a abandonné le lycée, il nous reste pas grand-chose, à part le pied des tours. Nous, c’est mes deux potes et moi, Shorba.

Mais on a rencontré Léo, et tout a changé.

Léo, c’est un gars de trente balais, un gauchiste vraiment pas de notre monde. Il nous montre des choses qui se passent juste à côté́ de chez nous mais qu’on n’avait jamais vues. Il nous apprend plein de trucs – des trucs de militants. On danse dans des bidonvilles, on rencontre des sans-papiers. Et pour finir, on a décidé́ d’ouvrir un squat dans une villa de bourges pour aider les migrants.

En vérité, pour Shorba, petit rebeu de Vénissieux, cette rencontre avec Léo, c’est une putain de Révolution ».[1]

 

Pour son tout premier roman engagé, Gaspard Flamant[2] nous plonge dans l’univers de quatre jeunes adolescents banlieusards de Vénissieux, fumeurs de joints qui zonent dans la cité et devant la Base, le centre commercial. Ils ne vont plus au lycée, ils n’ont que peu de perspectives d’avenir. Il s’agit de Bachir, seize ans, devenu Shorba et ses trois compères : Zak « un grand mec tout maigre avec une gouffa à la Jackson Five et une petite moustache de concierge portugaise ; Youri, le toubab costaud au crâne rasé […] ; et Morad, qui avait la tête du con qu’il était »[3]. Ils végètent mais un jour rencontrent Léo, un hippie trentenaire et libertaire qui a fait de la prison. Sa tête de « paysan » amuse les quatre jeunes mais très vite, sa vision de la vie, son autre regard porté sur la société, sur les injustices entre classes sociales et son discours engagé et militant vont les toucher et vibrer en Shorba. Dans des allers-retours spatiaux et temporels, on se promène et se laisse porter avec les personnages des Minguettes à Gap puis Marseille, l’Espagne en passant par les Monts d’or. On rentrera par des coupures narratives et des flash-back dans le passé de Léo et nous plonge dans son expérience carcérale où se taillera une place, non pas comme prisonnier politique comme il se présente tout d’abord, mais comme écrivain-lecteur pour les détenus. A contre-courant d’un discours fallacieux sur la prison, Gaspard Flamant, à travers la bouche et les yeux de son personnage, nous plante un décor glaçant sur les réalités de cet univers de privation de liberté avec une humanité profonde : « Les premières étincelles naissent début février, des traces de gel que certains prisonniers retrouvent sur leurs couvertures. Putain, c’est à se demander comment ils ne crèvent pas tous de pneumonie ! Deux mois plus tôt, un ancien avocat tombé pour blanchiment d’argent a contacté un journal local : des rats se baladaient sur son lit pendant la nuit. Léo s’en rappelle bien, des gens qui disaient : ‘’En prison c’est le Club Med, ils ont la télé, une chambre privée et le repas trois fois par jour !’’. Comment leur expliquer, à tous ceux-là, ce que c’est vraiment ? Comment leur faire comprendre que même s’ils avaient eu une cellule individuelle, la porte aurait été fermée à clef ? Est-ce qu’on peut se sentir au Club Med quand on est enfermé à trois dans sa chambre d’hôtel ? […] la prison [est] l’échec de notre société ».[4]

Shorba et ses amis connaissent à partir de cette rencontre, une série d’aventures entre illégalité et solidarité, police et migrants, fuite et affrontements avec l’extrême-droite, entre quartiers ultra-favorisés aux riches villas aux propriétaires absents, bidonvilles et camps de réfugiés dans des cadres géographiques variés : banlieues, espaces urbanisées, montagnes, littoraux et espaces ruraux. L’appel c’est un appel à la liberté, à l’égalité, à la justice sociale et spatiale à travers l’apprentissage de l’engagement d’un adolescent révolté qui

En définitive, ce premier roman de Gaspard Flamant vaut le détour. Il soulève des questions particulièrement actuelles, illustre les fractures qui traversent la société française et interroge sur les questions d’intégration et de vivre ensemble : question des banlieues et des populations issues de l’immigration, de l’accueil des migrants, de la xénophobie, du racisme, des inégalités socio-spatiales, d’une éducation nationale en crise qui peine à jouer son rôle d’ascenseur social et de réduction de ces inégalités… A lire absolument.


Rémi Burlot pour Les Clionautes

 

[1] Présentation de l’éditeur : http://editions-sarbacane.com/shorba/

[2] Né à Lyon, Gaspard Flamant a attrapé́ le virus du voyage dans la voiture de ses parents qui parcouraient l’Europe tous les étés. Depuis il a bourlingué partout. Il a vécu à Madrid, Montpellier et Paris, avant de s’installer à Marseille d’où il ne se voit pas partir de sitôt. Né à Lyon – la ville de Shorba –, il est issu d’une famille engagée, militante, qui pourrait être celle de Léo.

Fasciné par Jack London, Ken Loach ou Russel Banks, il écrit avec des morceaux de hip-hop français, américain, arabe et latino dans les oreilles. Après des études en cinéma et la signature d’un reportage dans Libération et d’un autre dans L’Humanité́, il publie son tout premier roman : Shorba, l’appel de la révolte.

[3] Gaspard Flamant, Shorba. L’appel de la révolte, Sarbacane, coll. « Exprim’ », 2018, p. 7.

[4] Ibid., p. 174.