Tout est pratiquement dit dans cette présentation. Il sera inutile de chercher Courvilliers sur une carte : si elle est voisine de Pantin, on la devine en Seine-Saint-Denis, mélange de La Courneuve, Aubervilliers. Et cela tombe bien, puisque ces deux communes sont géographiquement coincées entre Pantin, Saint-Denis, Le Bourget et le XIXe arrondissement. Il est aussi question de Boisy-en-France, qui peut être Roissy ou Tremblay, mais peu importe.

On retrouve avec plaisir un Didier Daeninckx mordant, pour peu qu’il l’ait été moins, ce qui n’est pas sûr, avec un écrit ponctué de références culturelles, de bons mots (Gagarine comme « premier des hommes dans l’espace, mais nous on est traités comme les derniers de l’espèce  », p. 133).
Et là, il est pleinement dans un territoire qu’il connaît particulièrement, puisque né à Saint-Denis, il vit à Aubervilliers depuis son adolescence. Les allusions à l’évolution politique du secteur sont nombreuses, mais Daeninckx se plaît à mêler les personnages et les situations. Derrière le député socialiste Lesauveur, on peut y voir Jacques Salvator, même si celui-ci a réussi à devenir maire d’Aubervilliers entre 2008 et 2014. Derrière le falot Patrick Muletier, on trouve peut-être Pascal Beaudet, gendre de Jack Ralite (peut-être le Commandeur, jamais nommé) ; mais le premier a été maire d’Aubervilliers entre 2003 et 2008, puis de 2014 à 2016, laissant son mandat à sa première adjointe : les similitudes ne sont pas aussi franches qu’il y paraît. En revanche, la référence à Levallois et au système mis en place par le maire actuel est tout à fait claire.

Quoi qu’il en soit, D. Daeninckx met l’accent sur la dégradation (euphémisme) de ce que les médias appellent communément « les banlieues » (comme si Neuilly ne l’était pas…), en prenant une commune particulière qui fait contraste avec d’autres qui sont proches. Comme la présentation l’indique, rien ne manque au tableau : un maire en marionnette de son beau-père et de groupes organisés en petites mafias ; une gestion municipale totalement inconsistante ; détournements, trafics, corruption, concussion, népotisme, etc. La déchéance totale, pour le dire encore plus vite, gangrène qui n’épargne pas les services de l’État (douanes…).

Mais Didier Daeninckx attire l’attention du lecteur sur la dégradation du service public, l’abandon des populations, des espaces urbains mis en coupe réglée par des groupes, sur le poids croissant de l’islamisme, de l’influence du négationnisme au sein de la gauche, les politiques de grands travaux (les Jeux olympiques, le Grand Paris Express…), etc. Courvilliers apparaît ainsi comme un condensé des maux dont souffrent des quartiers et des communes urbaines entières, reléguées au ban du pays, dont le territoire est très nettement fragmenté.


Frédéric Stévenot, pour Les Clionautes

Présentation de l’éditeur. « Erik Ketezer est vétérinaire en Normandie, mais il a passé sa jeunesse à Courvilliers, un ancien fief communiste de la périphérie parisienne. De retour dans sa cité natale pour enquêter sur le décès du frère d’une de ses amies, il découvre l’état de déliquescence de la ville. L’économie est dominée par le trafic de drogue, qui s’organise au sein même de l’équipe municipale : on a découvert des centaines de kilos de cannabis dans le centre technique de la mairie, dirigé par un délinquant notoire. Une impunité inexplicable règne, couvrant les actes de népotisme, les faux emplois, les pots-de-vin, les abus de biens sociaux en tout genre. Pendant ce temps, la ville part à vau-l’eau, les équipements municipaux sont détériorés, les ascenseurs ne fonctionnent pas plus que le ramassage des poubelles, les rats pullulent, le maire a été élu grâce au travail efficace des dealers et des islamistes qui ont labouré le terrain en distribuant menaces et récompenses…
Ce nouveau roman de Didier Daeninckx est mené tambour battant. Son écriture efficace, directe, est mise au service d’un tableau accablant des territoires oubliés de la République ».