Patrick Banon est éditeur et auteur de romans historico-religieux comme La Prophétesse oubliée, épopée d’une jeune fille à travers le Moyen-Orient au VIème siècle av.J.C. et Etemananki, le secret de la tour de Babel. Il étudie depuis une vingtaine d’années « les sciences religieuses et les systèmes de pensée à la Sorbonne », selon son éditeur.L’organisation de l’ouvrage est calquée sur les autres ABCdaires : une présentation générale où P. Banon s’attache à définir les notions de signes et de symboles religieux sur 25 pages, l’ABCdaire proprement dit, une chronologie rapide (du IVème millénaire av. JC jusqu’à 1534) et une bibliographie très sélective, le tout largement illustré. On peut déplorer que l’auteur ne cite ni les travaux de Michel Pastoureau sur l’histoire et la symbolique des couleurs, ni ceux de Roland Barthes en sémiologie.
Le propos de Patrick Banon est d’étudier « les signes et les symboles qui marquent le parcours des principales religions monothéistes et […] découvrir que la plupart des signes religieux sont bien partagés par l’ensemble des croyances ». Il « montre à quel point, symboles ou rituels, ils font partie du patrimoine spirituel mais aussi culturel et social de l’humanité » (p.7). On y retrouve tous les thèmes en vogue : engouement pour les dictionnaires thématiques, attrait pour l’ésotérique, le « mystique » et le religieux, volonté de clarifier les sujets de polémiques (le voile musulman par exemple).
Le titre est pourtant trompeur. L’introduction le confirme. L’auteur n’arrive pas à choisir son champ d’étude : les signes et symboles des monothéismes dominent, au détriment des polythéismes.
« La difficulté à définir de façon cartésienne un signe religieux fait partie intégrante de la complexité des débats perpétuels sur la coexistence des sphères profane et sacrée », avertit d’emblée l’auteur. Car la confusion entre ce qui relève de la foi, de la culture et de la structure sociale rend « toute définition hasardeuse ». Patrick Banon s’y essaie quand même. Selon lui, le signe religieux est porteur de sens nombreux. Il en relève toutefois trois caractéristiques principales :
– il transmet une information
– il participe à un procédé de signification
– il permet d’élaborer un code
Le signe religieux serait détenteur d’un pouvoir spirituel voire mystique, destiné à avoir un effet sur le monde qui l’entoure, là où le symbole n’est que l’expression de l’appartenance à une communauté. Alors que les signes seraient d’essence divine, fondateurs perpétuels d’un monde, les symboles sont arbitraires. Les signes sont donc, selon lui, la trace laissée par les croyances successives des hommes. Ils se sont adaptés au fil des siècles à leur environnement culturel et à l’évolution des sociétés. Ainsi, l’œil tatoué sur le front par les premières confréries de forgerons – qui a sans doute participé à la création du mythe des Cyclopes – s’est peu à peu transformé en oeil de la connaissance, les forgerons maîtrisant le savoir du feu. « L’usage du signe est donc devenu signe lui-même ».
Au-delà de cette existence spirituelle, les signes ont aussi une existence profane. Sacré et profane se mêlent (cf. le port de la barbe).au point que certains signes se sont même désacralisés (piercing par exemple)
Le signe évolue également avec le temps. C’est ainsi que les Pères fondateurs de l’Eglise ont compris la nécessité de faire correspondre symbolique ancienne et symbolique païenne (le cas de Noël est bien connu).
Il préside aussi aux rites de passage et accompagne les étapes essentielles de l’existence humaine (blanc de baptême, du mariage, du linceul).
Enfin, « les signes assurent la fonction de panneaux de circulation, constituant une sorte de code existentiel signifiant à leurs destinataires un message et suscitant immédiatement un comportement » (p. 13).
Dans un second temps, l’auteur insiste sur la nuance entre signe religieux et signe de religion. Il illustre son propos par des exemples. Le crucifix, comme le Magen de David, est signe de religion parce qu’il marque l’attachement à un groupe, un signe adressé à d’autres hommes. Le port de la barbe est un commandement d’ordre spirituel. C’est un signe religieux.
Il reconnaît que les deux motivations peuvent se mêler : la circoncision est autant le respect d’un commandement divin que l’expression de l’appartenance à un groupe.
La perpétuation des signes permet ainsi à l’homme de ne pas commettre ce qui appelle le « péché d’oubli ».
Il s’attache enfin, à travers les exemples développés de la chevelure et de la circoncision, à étayer sa thèse et ses efforts de définition.
Son introduction s’achève sur une double interrogation : « Est-ce le signe qui crée les religions ou les religions qui engendrent le signe ? Est-ce le profane qui modèle le sacré ou le sacré qui transcende le profane ? » (p. 27). La réponse se trouve, selon lui, dans la recherche de la signification et de l’histoire des signes de religion. C’est à cela que s’emploie la partie ABCdaire proprement dite. Classée par ordre alphabétique, chacune des notices est associée à une couleur qui indique sa nature : signes de l’univers (abeille, arbre de Noël, arbre de vie, arc-en ciel, colombe, coq, croissant de lune, eau, étoile, feu, lis et lotus, olivier, palme, perle et coquillage, poisson, rose et rosaire, rose de Jéricho, serpent, soleil, vigne); signes du corps et symbolique des vêtements (barbe, blanc, bleu, ceinture; circoncision, dreadlocks, hidjab et burqa, interdit alimentaire, jaune, kippa, lois alimentaires, péots, piercing, pourpre, tallit et tsitsit, tatouage, tefillin, tonsure, turban, vert, voile de l’origine, voile des chrétiennes et des musulmanes) ; signes divins et symboles humains (ancre, arche d’alliance, auréole, bâton et anneau, bétyle, chérubins, chofar, chrisme, cierge, croix, croix ansée, croix de Malte, huguenote, orthodoxe, crucifix, Magen David, main, menorah, mezouzah, œil, phénix, signe de Tanit, swastika, tav et ziggurat).
L’auteur décrypte la polysémie des signes et symboles : la plupart sont bien connus (comme le crucifix par exemple) tandis que d’autres sont plus inattendus (les dreadlocks). Il permet également de découvrir que le swastika, avant de devenir l’insigne nazi , symbole de haine et de mort, est celui de la vie dans le Talmud.
Il est dommage que Pierre Banon ne réutilise pas toujours explicitement, dans les notices, les distinctions et les nuances qu’il a dégagées en introduction.
On peut également regretter que certaines religions soient complètement occultées comme le shintoïsme dont les symboliques de l’eau, par exemple, sont nombreuses (rôle de l’océan dans lequel fut abandonné le Dieu Hirougo, symbole de la cascade), du bouddhisme -si on ne le limite pas à une philosophie -(rosaire ou mâla qui rappelle une des 108 souffrances endurées par Bouddha) ou même l’animisme.
Moins complet et érudit que le Dictionnaire des symboles de la collection Bouquins, cet ABCdaire, toutefois pratique et fort simple d’emploi, permet de satisfaire notre curiosité et de faire un vaccin de rappel toujours utile.
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