Un ouvrage entre réflexion théorique en référence aux grands auteurs et analyse de la situation au Sénégal, il récuse l’apriori, souvent présent dans la littérature de sociologie de l’école en France, d’explication des violences à l’école comme déterminées par l’immigration et la pauvreté. Il y voit dans un phénomène pluriel.
Épistémologie de la violence
L’auteur pose la question des référents théoriques, épistémologiques pour décrire, analyser un phénomène, ces manifestations et la recherche de concepts pertinents. il développe les méthodes choisies pour son étude et montre les difficultés pour évaluer le ressenti des enquêtés. Il s’appuie sur les travaux de Durkheim sur la violence et la criminalité mais aussi Bourdieu et Debarbieux.
La violence dans la socialisation
On s’interroge ici sur les rapports de la culture au corps. L »auteur évoque cette réalité en Afrique en particulier d’une marque sociale sur le corps des enfants (scarifications, circoncision, excision) qui participe par la violence à la construction de l’identité. La définition des rapports d’autorité au sein de la famille est un autre élément important illustré dans les sociétés wolof et pulaar, notamment le passage vers 5-6 ans sous l’autorité des adultes. Les violences initiatiques au moment où le jeune est « arraché » à l’enfance, à la mère, à l’univers féminin sont évoquées dans les sociétés diola, bassari et pulaar. Ce moment marque l’éducation par les pairs inscrivant l’individu dans son groupe d’age. L’auteur décrit et analyse ces phénomènes de violence dans diverses situations traditionnelles. La construction de la socialisation: canalisation des pulsions sexuelles, modération des comportements se fait dans la contrainte: répression et violence éducative.
Dynamiques mutationnelles dans l’espace scolaire et figures de violence
Avant d’aborder la description de son enquête l’auteur présente le cadre: description du corps enseignant sénégalais et des mutations depuis 1960 pour percevoir les conséquences de la démocratisation du système scolaire. Il montre que l’école impose aux enfants des classes « défavorisées-dominées » les normes de comportement des enfants des classes « favorisées-dominantes » ce qui constitue un facteur de désordre et de violence.
Autre élément d’analyse: la réussite scolaire: de la méritocratie à la réussite transactionnelle » , entre règle du jeu et tricherie, le comportement des enseignants, des élèves et des parents d’élèves sont là facteurs de désordre et en particulier sans la situation des filles.
La violence de l’école comme lieu du dressage des corps ( postures imposées, châtiments corporels) et des esprits et en écho la violence des apprenants: indiscipline, révoltes, grèves et délinquance y compris sexuelle.
L’école : la violence du fonctionnement
Retour sur la réflexion théorique : l’école est-elle une institution totalitaire? avec une présentation des thèses de Philippe Vienne, Erving Goffman, Louis Althusser et Michel Foucault.
Sont abordés les thèmes de la nature des locaux, de la définition du temps (temps familial / temps scolaire, temps du travail / temps du jeu), de la discipline et de la construction scolaire de la docilité, de la fonction bureaucratique de l’institution scolaire.
L’école: la violence de la fonction
L’école est décrite comme un lieu de production des inégalités: modalités d’évaluation des savoir, de passage en classe supérieure d(autant que l’école est en décalage avec les modes d’apprentissage traditionnels au sein de la famille où théorie et pratique sont liées ce qui inscrit les couches populaires dans une quête de promotion sociale.
L’auteur aborde un point, souvent ignoré chez nous, la ségrégation entre connaissances scientifiques et connaissances préscientifiques vues comme irrationnelles qui peut aller jusqu’à une « aliénation » culturelle, une mise hors-jeu de la culture familiale.
Enfin sont abordés certifications et diplômes face au marché du travail.
Discipline et ambiguïté de l’ordre social
Questionnement sur le système disciplinaire:
L’indiscipline est-elle caractéristique de l’adolescence?
La répression est-elle la solution?
N’y-a-t-il pas contradiction entre méthodes actives en pédagogie et autoritarisme du système disciplinaire?
Harouna Sy affirme la nécessité d’une négociation relation pédagogique / relation d’autorité.
L’enquête auprès des enseignants et des élèves sur l’indiscipline menée dans des collèges et lycées de Dakar met en évidence la construction, la représentation de la notion d’indiscipline chez les enseignants et la cohérence pour les élèves entre faits et leurs conditions sociales, l’indiscipline n’est pas perçue par les élèves comme une affirmation de conflits même si parfois ils existent. L’analyse montre une transposition des rapports intergénérationnels dans l’espace scolaire en relation avec l’âge des enseignants et les élèves.
De la violence délinquante à l’école
Ces faits existent dans tous les pays comme le rappelle l’auteur: violences verbales ou physiques contre les enseignants et aussi entre élèves. Après quelques repères généraux, c’est la suite de l’enquête abordée dans le chapitre précédent, elle confirme le rapport violence / exclusion. L’auteur s’interroge sur les solutions et sur leur sens.
De la violence militante à l’école
Ce chapitre est consacré aux grèves scolaires et universitaires, phénomène d’autant plus important au Sénégal du fait de l’âge des élèves et des étudiants. Quelques données dressent un tableau depuis l’indépendance: formes d’action set réactions de l’État, analyse sociologique des étudiants militants.
Groupes identitaires, conflictualités et capital guerriers
Ce dernier chapitre traite des conditions subjectives des conflictualités, les violences supposent une représentation de soi et des autres. Un contenu représentatif socialement positif réduit le potentiel de violence et inversement.
L’auteur revient sur la complexité des violences scolaires : relation enseignant / enseigné, notion de groupe, affirmation dans l’espace et hiérarchisation, interprétation des comportements.
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