La pandémie de Covid 19 a brutalement posé la question de l’enseignement à distance et on commence donc à voir paraitre les premiers ouvrages de synthèse sur le sujet. Florence Lecerf-Lhomme, professeure agrégée de lettres modernes et auteure précédemment de « La relation pédagogique, des clés pour se construire », propose une utile mise au point.
Penser l’enseignement à distance
Dans l’introduction, elle pose plusieurs questions : comment derrière l’écran peut-on inventer un nouvel espace qui permette de renforcer le lien et suscite l’envie d’apprendre ? Comme elle le rappelle justement, après un premier temps où les consignes invitaient à consolider l’existant, il a bien fallu se rendre à l’évidence qu’il allait aussi falloir faire cours dans ces conditions. La maitrise d’un certain nombre d’outils techniques est indispensable mais il ne faudrait pas oublier une réflexion plus globale sur le sens de cet enseignement à distance. Chaque chapitre se termine par un « En bref » qui résume l’essentiel. Plusieurs documents accompagnent l’ouvrage comme des exemples des murs collaboratifs créés par l’enseignante.
Enseigner à distance, quels outils ?
Florence Lecerf-Lhomme précise d’abord les outils numériques à disposition, que ce soit l’ENT de l’établissement ou la classe virtuelle du Cned. Celle-ci peut être utilisée comme un moment où les élèves posent des questions ou alors pour enseigner. Parmi les outils de base, elle signale les murs collaboratifs, les sites permettant une écriture collaborative et conclut utilement en précisant qu’il ne faut pas hésiter à solliciter les élèves pour des aspects techniques.
Concevoir un cours pour une classe virtuelle
L’auteure donne ici quelques exemples de cours menés en français. Elle a le souci de proposer des cas très décomposés pour qu’on saisisse bien toutes les étapes. L’auteure montre surtout qu’on peut faire autre chose que de la révision lors de ces séances. Elle présente les possibilités d’un brainstorming à distance ou autour d’une écriture collective. Dans le premier cas, cela peut permettre d’accrocher plus facilement certains élèves car ils peuvent apporter un élément au cours, chose qu’ils ne feraient pas forcément en présentiel. L’usage du mur avec des ressources permet également de faciliter l’accès à des ressources vidéos qui pourraient bloquer « en direct » lors de la visio. Il ne faut pas s’effrayer des éventuels problèmes techniques car, comme elle le dit justement, ils peuvent arriver sous une autre forme dans un cours classique en classe.
Construire des projets … à distance
Comme évoqué dès l’introduction, il est indispensable d’offrir du nouveau aux élèves et donc, par exemple, de construire et réaliser des projets, même à distance. Là encore, l’auteure présente un déroulé très complet de ce qui est faisable, que ce soit pour accueillir un artiste en classe virtuelle ou pour créer une écriture collective pour construire une fiction sonore. On peut aussi aller vers un travail façon festival de courts métrages. Là encore, l’auteure fournit les exemples et les outils. Ce qui est intéressant, c’est que la distance peut favoriser la participation d’élèves d’habitude discrets. Cela peut aussi éviter que certains élèves moteurs en influencent d’autres. Finalement, il faut retenir que mener un projet en distanciel, c’est créer une cohésion de classe autour d’un enjeu commun.
Quel travail personnel et comment l’évaluer ?
Il faut distinguer le avant, pendant et après le cours. Après une séance d’analyse d’un poème, on peut proposer aux élèves un écrit d’appropriation reprenant les codes utilisés par le poète sur un thème de leur choix. Les élèves ont comme consigne de poster en ligne leur travail sur un mur collaboratif et ils disposent de trente minutes. Certains déposent leur travail fini tandis que pour d’autres, on peut le voir se construire sous nos yeux.
La classe virtuelle, un lieu d’écoute
La classe virtuelle crée une porosité entre espace privé et espace public. Faut-il ou pas exiger le branchement de la caméra ? Il faut mesurer que, en dehors des aspects techniques, certains élèves peuvent être gênés qu’on voie leur intérieur ou qu’ils sont dans une tenue décontractée. Certes il faut des règles, des normes communes pour que le collectif fonctionne, mais en quoi un café le matin ou une tenue décontractée empêcherait-il de bien travailler ? ». Un point reste à considérer : comment appréhender ce nouvel espace-temps ?
Le lien à distance : être dans la proximité et non dans la familiarité
Il ne s’agit pas, par exemple, d’être connecté en permanence et on peut indiquer aux élèves des plages où l’enseignant est joignable à distance. A l’inverse, le professeur doit s’imposer d’envoyer sa communication dans cette tranche horaire pour exiger d’être lu. Il est indispensable de ne pas confondre proximité et familiarité.
Enseigner à distance, ce que cela permet
Florence Lecerf-Lhomme insiste sur les rôles que peuvent jouer les élèves durant une classe virtuelle. « Dire à un élève que l’on a besoin de son aide, ce n’est pas un aveu de faiblesse ». On peut demander à un élève d’être le messager officiel de la classe. En effet, ceux ci ont souvent un groupe classe sur les réseaux sociaux et confier un tel rôle à un élève permet à l’enseignant de ne pas mélanger les genres et d’être efficace.
Une question importante à régler est celle de l’emploi du temps. Comment transposer un emploi du temps classique dans le cadre d’un enseignement en distanciel ? Il est nécessaire de mener au moins une classe virtuelle par semaine pour entretenir le lien. On trouve là encore des exemples pratiques et concrets de ce qui peut être fait en se gardant du risque de surcharge de travail donné aux élèves.
En conclusion, l’auteure invite à envisager l’enseignement à distance pour ce qu’il est, à savoir un espace relationnel supplémentaire, éventuellement un atout dans lequel certains jeunes peuvent se retrouver. Une condition néanmoins demeure indispensable pour que cela réussisse : il faut qu’il existe, à côté de cela, une relation pédagogique en vrai !
Jean-Pierre Costille