Cet ouvrage autoédité présente une enquête ethnographique débutée en 2018 par Igor Babou, un auteur d’abord photographe avant d’être devenu chercheur en sciences sociales. Il s’agit là de la présentation d’un lieu d’expérimentation sociale et écologique dans l’Est Parisien, un squat ayant migré de Noisy Le Sec à Pantin, une réponse au libéralisme dominant et violent et notamment à la spéculation immobilière où « beaucoup d’argent est dépensé pour enfermer du vide » (p 22).

Localisée dans une imprimerie désaffectée, la structure est organisée autour de 3 axes :

– une gratuiterie où chacun peut venir déposer ou récupérer gratuitement des vêtements ou des objets (vaisselle, petits meubles, jouets, hifi, livres et bandes dessinées, etc.),

– une cantine à prix libre

– et enfin un atelier d’autoréparation.

Le public étant composé d’immigrés ou de classes populaires, il y avait là un défi à faire de l’écologie « ici » par rapport à un quartier plus aisé où les CSP éduquées n’étaient pas à conquérir. Les questions climatiques à échelles larges peuvent être abordées par les problématiques qui touchent principalement les populations fréquentant le lieu et s’intéressant aux questions de réduction des déchets, à l’alimentation saine, à la verdure de proximité.

Rassuré de sentir que l’expérience ne peut être dupliquée, ni modélisée, l’auteur en conclut qu’elle échappe ainsi aux appétits du marketing, des adeptes des tiers lieux, et des politiciens. Le dilemme c’est d’accepter plus de monde avec des concessions sur l’adoption de marques grand public ou alors de trier encore davantage et d’être taxé de sectarisme.

Après déménagement, expulsion de Noisy à Pantin et même encore ailleurs à Pantin par la suite, le projet témoigne d’expériences de courte durée avec toujours cette obsession de laisser des locaux vides au nom de la propriété privée. Finalement l’espace, plus grand qu’au départ, abrite notamment la structure « Extinction rébellion » (XR). L’épilogue révèle que le procès a finalement été gagné pour avoir un délai de 3 ans avant expulsion et même une subvention et de nombreux émules…

De très belles images qui garnissent ce propos sur la thématique de la réutilisation de l’espace urbain avec un rappel salutaire de la définition de l’INSEE de la friche, un « espace bâti ou non, anciennement utilisé pour des activités industrielles, commerciales ou autres, abandonné depuis plus de 2 ans et de plus de 2000 m2 » (et l’ouvrage rappelle que 2500 friches industrielles étaient recensées en France en 2016).