Enseignant aux universités d’Oxford et de Paris I, François Kersaudy est spécialiste d’histoire diplomatique et militaire. On lui un nombre impressionnant de biographies particulièrement érudites et agréables à lire notamment sur Winston Churchill, De Gaulle et Churchill, De Gaulle et Roosevelt, Hitler, etc. L’historien vient de terminer une biographie sur Staline (1878-1953), parue aux éditions Perrin dans la collection « Maîtres de guerre ».

L’ancien séminariste géorgien Joseph Djougachvili, devenu tour à tour conspirateur et bandit, n’avait a priori rien d’un homme de guerre. Concernant la religion, Staline était un séminariste réticent. Il était querelleur et perdit la foi vers 1896. Le séjour de Staline au séminaire lui permit néanmoins d’acquérir une solide formation et d’apprendre le russe.

Cela l’initia également aux arcanes de la dissimulation, de l’intrigue et du double langage. Depuis les actions séditieuses au Caucase jusqu’aux grandes manœuvres de la guerre civile, ses incursions dans le domaine militaire furent généralement calamiteuses et ses purges des années 1930 s’avérèrent plus dévastatrices que n’importe quel conflit dans l’histoire du monde.

A la suite de la signature du pacte de non-agression signé avec l’Allemagne hitlérienne en 1939, Staline se persuada que le Führer respecterait sa parole et donc n’attaquerait pas l’Union soviétique. A cet égard, l’incompétence de Staline fit des ravages. Non seulement le maître du Kremlin se leurrait à propos de son homologue allemand, mais encore il avait fait condamner la plupart des cadres de l’Armée Rouge.

Seul le maréchal Joukov parvint à s’imposer. Il finit d’ailleurs comme pro–consul du secteur soviétique de Berlin. Le problème, c’est que Staline, pourtant stratège limité, possédait des pouvoirs illimités. Malgré tout cela, grâce à la ruse et à la terreur qu’il faisait régner en URSS, le maréchal Staline sortit vainqueur de la Seconde Guerre mondiale.

Il conviendrait cependant de relativiser cette affirmation, car l’Union soviétique perdit plus de 27 million d’individus au cours de ces sombres années. Après la guerre, Staline n’eut qu’un slogan « dognat’ I peregnat’ ameriku » (i.e. rattraper et dépasser l’Amérique). Pour ce faire, Staline maintint quelques six millions de soldats sous les drapeaux, ce furent toutefois autant de bras qui manquèrent pour le relèvement de l’économie soviétique. Après la reddition des nazis, Staline était aussi délabré que son pays. Sa première crise cardiaque eut lieu en octobre 1945.

Il méprisait au plus haut point Harry Truman, « l’ancien chemisier du Missouri ». Stratège limité, Staline commit exactement la même erreur – fatale – que le dictateur allemand Hitler : il sous-estima son adversaire. En effet, derrière le physique insignifiant de Truman se cachait une très vive intelligence et une volonté de fer. De surcroît, Truman s’entoura de collaborateurs extrêmement compétents comme Dean Acheson par exemple.

Le célèbre plan Marshall contribua à diviser le clan communiste. Il y eut un schisme avec la Yougoslavie de Tito, que Staline essaya de renverser à trois reprises. Tito se rebella contre son ancien protecteur et n’hésita pas à exiler les agents soviétiques soupçonnés d’être « kominformistes » dans des camps de rétention dans les îles de l’adriatique comme Goli Otok (Ile Chauve). Staline avait bel et bien prévu d’attaquer militairement la Yougoslavie.

A la fin de sa vie, Staline devint de plus en plus malade. Il indiqua à Khrouchtchev « qu’il n’a confiance en personne, même en lui-même ». La purge frappa sans cesse la société soviétique et il s’imagina le complot des blouses blanches. Il décéda le 5 mars 1953.

Très agréable à lire, cet ouvrage est solidement documenté. Cette étude comporte de nombreuses photographies ainsi que des notes de synthèse tout à fait éclairantes.

Jean-Paul Fourmont