Attention, ce livre  risque de heurter les âmes sensibles et de retourner le cœur des gastronomes « franchouillards » qui risquent de ne pas se remettre du meilleur des mondes promis par certains opposants à l’alimentation animale.

Gilles Luneau, journaliste et essayiste, connaît bien le monde agricole. Il a été notamment  coauteur avec José Bové et François Dufour du livre Le monde n’est pas une marchandise. Des paysans contre la malbouffe (2000) et a publié une histoire, critique, de la FNSEA en 2004, La forteresse agricole. Une histoire de la FNSEA. Dans ce nouvel ouvrage, écrit d’une plume alerte, l’auteur mène une enquête approfondie sur les expériences menées par des start-ups, souvent adossées à de grands groupes, pour se passer de l’alimentation d’origine animale ainsi que sur les idées diffusées par celles-ci et certains groupes dits végans.

Ainsi, il se rend en Californie et sur la côte Est des États-Unis pour rencontrer des chercheurs, des intellectuels, des dirigeants d’entreprises qui  veulent transformer la nourriture en « un produit de haute technologie […] aliment ultra-transformé » (p. 34). Des entreprises veulent y produire  des steaks à partir de cellules de viande, de faux œufs à partir de levures, ou « à base de plantes, de protéines recombinantes ou de cellules souches » (p. 57). S’appuyant sur les excès et les horreurs de l’élevage industriel, qu’il faudrait d’ailleurs appeler autrement et qui n’a d’élevage que le nom, certaines grandes firmes veulent développer ces nouveaux produits afin de se positionner rapidement sur ce nouveau marché dans lequel les profits pourraient rapidement devenir très importants.

Une partie de l’ouvrage est ensuite consacrée au véganisme et à l’analyse des idées de certains défenseurs de cette idéologie. Ceux-ci s’appuient sur les idées de Peter Singer pour qui les animaux au nom de leur capacité à souffrir seraient « de la même communauté morale que les êtres humains » (p. 126-127). Pour l’auteur, l’écho rencontré par ces idées s’explique par les crises que connaissent nos sociétés depuis des années : problèmes environnementaux, difficulté à nourrir la population, qualité de l’alimentation « industrielle » médiocre, recul de la biodiversité, industrialisation de l’agriculture… Mais les réponses des végans sont erronées. Et, G. Luneau,  de rappeler que d’autres courants ou mouvements sociaux ont combattu ces problèmes mais leurs critiques ont été peu médiatisées et n’ont pas bénéficié du soutien de grandes firmes à l’inverse du véganisme. En ce sens, ce mouvement serait un « fruit amer » de la globalisation et de l’industrialisation.

La fin de l’ouvrage est employée à réfuter ces idées en s’appuyant sur des entretiens avec des spécialistes : un agronome, un médecin, un écologue, une sociologue et un philosophe. Marc Dufumier, agronome, défenseur de l’agroécologie [1], rappelle que ce type d’agriculture pourrait tout à fait nourrir la population mais que sans fumure d’origine animale les récoltes seraient plus faibles. L’élevage par ailleurs est-il précisé plus loin participe largement de la biodiversité animale et végétale… Enfin, est-il rappelé, la mort est au bout du chemin pour tout le monde, les animaux comme les hommes.

Un livre au ton vif qui critique une idéologie qui se développe de nos jours et dont l’auteur considère que sous des aspects « branchés » et sous une posture qui se veut en « rupture », elle cache les intérêts financiers de quelques grandes firmes.

La lecture de cet ouvrage peut alimenter des débats en EMC mais aussi dans les salles de professeurs voire autour des tables dominicales. Autre avantage en ces temps de confinement, ce livre est téléchargeable auprès de librairies, dont une célèbre dans le Nord…

Par ailleurs, d’autres livres sur le même thème méritent vraiment l’intérêt. Celui de Jocelyne Porcher, sociologue, Cause animale. Cause du capital (Éditions Le Bord de l’eau, Lormont, 2020) différencie productions animales industrielles et élevage et rappelle le lien sensible entre l’éleveur et l’animal. Quant à l’ouvrage publié par la Confédération paysanne : Cause animale. Cause paysanne, (Éditions Utopia, 2020), il a l’insigne avantage de donner la parole à des éleveurs qui pratiquent un élevage que le syndicat dit paysan (les animaux sortent et sont bien traités) et de rappeler l’importance décisive de cette activité dans certaines régions sans esquiver la question de l’abattage.

[1] Voir : Marc DUFUMIER et Olivier LE NAIRE, L’Agroécologie peut nous sauver, Actes Sud/Colibris, Arles, 2019, 178 p., 18,50 euros, présenté par les clionautes.