Edité par la maison suisse MétisPresse, Sur les bancs du paysage est un ouvrage pluridisciplinaire qui « offre un panel d’expériences didactiques destinées aux acteurs du paysage » et qui « propose des outils, des analyses et des démarches pour nourrir une didactique du paysage ». Il rassemble au total 74 contributions, sous la coordination d’Anne SGARD (Géographe à l’Université de Genève) et de Sylvie PARADIS (Géographie, architecte-urbanisme à l’Université de Clermont-Ferrand). Les principales sont rassemblées dans une version papier et une vingtaine supplémentaire se trouve dans une version numérique : dispositifs pédagogiques, ressources multimédias,… Tout l’intérêt de cette version augmentée est cette présentation sous forme d’une console, qui permet de naviguer entre les thématiques, les types de démarches, de supports.
S’il a été longtemps un objet emblématique de la géographie scolaire traditionnelle, le paysage est désormais revisité par l’introduction de nouvelles thématiques comme l’habiter ou le développement durable. Il s’ouvre et s’invite à des approches pluridisciplinaires, afin de croiser les regards, renouveler les pratiques. Ce livre est l’aboutissement d’un programme de recherche, né de la volonté d’enseignants-chercheurs de réfléchir à leurs pratiques pédagogiques du paysage afin de renouveler les formations ou et par le paysage. Tous les contributeurs de cet ouvrage partagent le paysage comme objet et outil d’éducation pour décrire, discuter, dessiner, créer. Les 4 grands axes qui structurent la « table des matières » s’appuient sur des propositions fortes qui se dégagent comme des leviers pour consolider, diffuser, renouveler les démarches de formation sur/avec le paysage :
– paysage politique et sensible : mettre en lumière les dimensions sensorielles de la relation paysagère que tout individu construit avec son territoire semble relever de l’évidence. Cette dimension demande toutefois à être questionnée : comment l’inclure dans une visée éducative ? Il s’agit de faire de l’expérience plurielle, polysensorielle du paysage un objet de recherche et un outil de formation. Se pose alors la question du rôle des émotions dans les processus d’apprentissage. Le paysage peut permettre de mettre en débat le partage de l’espace public, à la croisée de regards multiples. C’est un enjeu au centre de conflits de représentations, d’usages, de territorialisation. Un premier article de Serge BRIFFAUD propose une réflexion sur la dimension temporelle du paysage et un deuxième de Maguelone DEJEANT-PONS apporte un éclairage sur les enjeux citoyens de la Convention Européenne du paysage. Plusieurs méthodes et outils sont ensuite présentés : réaliser un carnet de voyage, organiser des ateliers-promenades, utiliser un outil numérique de partage d’émotions et de connaissances (Traverse), dispositif paysages-in-situ (va et vient entre des paysages peints il y a 100 ou 150 ans par des artistes et les paysages actuels), construire des hyperpaysages panoramiques ;
– paysages et projet : le paysage est la relation que chacun construit dans l’instant de la perception avec le territoire qu’il habite. Ce qui fait alors paysage est à la fois les composantes que les sens perçoivent et une mémoire individuelle et collective. Perçu dans le présent, inscrit dans des passés, le paysage questionne le futur. L’évolution dans les manières de concevoir les projets et le rôle du paysage ouvre un vaste champ de questionnements didactiques. Il s’agit de sensibiliser les jeunes au territoire et de construire les compétences pour les futurs citoyens, habitants au sens plein du terme. Les deux articles questionnent à la fois les nouveaux rôles des collectivités locales et de l’État dans l’utilisation (voire l’instrumentalisation) du paysage dans les politiques d’action territoriale. Plusieurs méthodes et outils sont ensuite présentés : activité « arpentage et carte sensible », travail sur l’ordinaire du « sacré » dans le paysage urbain, développement de maquettes comme outil d’une médiation citoyenne collaborative, projet pédagogique autour d’un écomusée, atelier artistique, analyse de plans régionaux de développement (durable) ;
– paysage et citoyenneté : l’affirmation des finalités citoyennes se situe dans le prolongement du double ancrage du paysage dans le politique et le sensible. On peut alors se demander de quelles compétences le (futur) citoyen a besoin pour prendre part aux débats, dans les classes, les lieux de formations ou dans la débat public ? Les deux articles mettent en regard le paysage avec 3 concepts clés de la didactique et de la réflexion sur la citoyenneté : responsabilité, éthique et réflexivité. Plusieurs méthodes et outils sont ensuite présentés pour apprendre le paysage en école rurale (carte mentale et « paysage à 4 mains »), conceptualiser le paysage (conceptogramme), débattre sur les paysages ordinaires comme leviers d’implication citoyenne dans son territoire, problématiser des dynamiques de paysages (frise chronologique synoptique), former à une attitude citoyenne (livre dont vous être le héros, sac à dos paysages ou observatoire des collégiens des paysages) ;
– didactique commune : une didactique des paysages impose un « pas de côté ». Plutôt que sur le paysage ou les acteurs, elle focalise l’attention sur les savoirs, leur construction, leur circulation, leur hybridation et propose des méthodes (protocoles méthodologiques de lecture sensible du paysage avec le numérique) et des outils conceptuels. Dans cet ouvrage, l’accent est mis sur la pluridisciplinarité (enseignement art-science du paysage littoral), sur la dimension transversale du paysage (le paysage comme outil d’analyse). Deux bibliographies sur une approche politique du paysage et sur la didactique et le paysage complètent ce thème.
Cet ouvrage très dense sur le paysage met d’emblée dans une position réflexive en même temps qu’il stimule par la diversité de ses approches et de ses propositions. Il est à mettre entre les mains de l’ensemble des enseignants qui apprennent la géographie, de l’école primaire à l’université. Il ouvre des pistes foisonnantes et donne envie d’expérimenter. En effet, le paysage se niche, dans l’ensemble des programmes, peut être de façon moins évidente qu’avant mais de manière perlée. On pense souvent à des progressions de la lecture à la la construction de croquis cartographiques. Il devrait en être de même pour le paysage, à la fois outil de description et de réflexion à plusieurs échelles, pouvant solliciter plusieurs matières au croisement d’objectifs disciplinaire et citoyen.