Proposé par les Éditions Courtes et Longues, ce beau livre s’attache à retracer l’histoire de ce trio de sports que l’auteur journaliste, Christophe Perez, n’hésite pas à qualifier comme les fondateurs de l’une des contre-cultures les plus influentes de l’après-guerre. Véritable produit de la société des loisirs, la glisse s’étend bien au delà du seul aspect sportif et a gagné très rapidement l’art et le commerce. Le plan de l’ouvrage se lit dès le titre : si le skate est né du surf, le snowboard les a suivi sans traîner.
Surf
Popularisé dès les années 1950, le surf, pourtant partie intégrante de la culture polynésienne, faillit disparaître au XIXème siècle, mal perçu par les missionnaires chrétiens établis sur l’archipel d’Hawaï. La volonté de quelques adeptes lui permit de survivre, notamment sur le spot de Makaha, avant de gagner les plages californiennes ou, en Europe, nos côtes basques. On apprend que le sport possède ses codes, ses rituels, son film clé (« Endless Summer » en 1966), sa musique (les Beach Boys mais Dick Dale surtout), son roman (« Gidget » de Frederick Kohner), son magazine (« Surfer ») et ses ambassadeurs historiques comme Ed Roth et Greg Noll ou, plus récemment, Kelly Slater.
C’est ainsi que les chapitres de l’ouvrage sont construits : références fondatrices illustrées de photos, reproductions d’affiches, de couvertures de disques ou de films et biographie des pionniers du genre.
Skate
Apparu tout simplement pour pouvoir « rider » les jours sans vagues, le skate vit ses premières heures sous le regard d’une société qui le voit au mieux comme une mode, au pire comme une source de danger physique pour ses pratiquants. Certaines villes interdisent sa pratique, on le croit même mort dans les années 1960 lorsque les fabricants de « planches à roulettes » voient leurs ventes sévèrement chuter.
Il ne manquait pourtant que quelques précisions techniques à celui qui deviendra un véritable style de vie en quelques années seulement : un « tail » (à l’initiative de Larry Stevenson), à savoir une extrémité inclinée à l’arrière de la planche qui allait ouvrir la voie à des centaines de figures possibles mais également des roues en uréthane qui présentent la caractéristique de ne pas se bloquer au moindre gravier.
A partir de là, le champ était libre pour explorer des territoires de plus en plus variés. Dès le début des années 1970, les Z-Boys (Tony Alva, Jay Adams ou encore Stacy Peralta) profitent des canicules poussant les californiens à vider leurs piscines : une aubaine pour ces skaters qui découvrent la possibilité de « rider » des vagues en béton en inventant des figures aériennes. L’ancêtre de la rampe était né.
Les années 1980 prennent le relai avec la construction de rampes en bois, l’essor de la compétition, l’explosion des marques, de l’esthétique des planches, la popularisation relayée par les VHS. Parmi les grandes marques, Powell and Peralta mise sur quelques jeunes, la « Bones Brigade », dont un certain Tony Hawk aujourd’hui icône incontestée de la discipline.
Pourtant, dès la décennie 1990, le « street », pratique du skate en pleine rue supplante la rampe, trop technique et trop centrée sur la compétition codifiée. N’oubliant pas qu’il est né du « bas », le skate cherche de nouvelles racines, notamment en essayant de conquérir le plus grand nombre. Ainsi se popularise le « freestyle », une pratique plutôt acrobatique et esthétisante (Rodney Mullen, Per Welinder ou les français Jean-Marc Vaissette et Pierre-André Senizergues). Mais c’est le bien le « street » en tant que tel qui symbolise l’accès du skate à l’amateur curieux. L’usage libre du mobilier urbain (marches, rampes, bancs publics…) devient la règle, le « ollie », la figure de base, permettant de nombreuses combinaison. Les précurseurs se nomment ici Natas Kaupas, Mark Gonzales ou encore Mike Vallely.
Snow
En 1965, l’américain Sherman Poppen crée l’ancêtre du snow (la bien nommée marque « Snurfer ») puis Wayne Stoveken incite Dimitri Milovich a lancer « Winterstick », la première véritable marque de snowboard.
Le contexte est ici un peu différent du surf et du skate puisque l’espace de la piste enneigée est déjà occupée par des skieurs qui voient dans ces nouveaux arrivants de dangereux concurrents ambulants.
Pourtant la progression de ce benjamin des sports de glisse demeure la plus rapide, aidée justement par le skate qui, via les magazines, soutient cette arrivée en fanfare.
Côté références, citons Tom Sims et Jake Burton Carpenter pour la première vague, Shaun Palmer et Shaun White chez les plus récents.
Culture, contre-culture et underground
Les derniers chapitres, non centrés sur l’un de ces trois sports en particulier, ouvrent l’analyse sur la véritable culture que représente de monde de la glisse. Le sportifs, une fois à la retraite (ou non !) deviennent des artistes accomplis (photographes, peintres, vidéastes ou encore musiciens) et diffusent leur image au travers de marques (vêtements, chaussures, planches ou même jeux vidéo).
L’on retiendra de ce voyage la progression historique rapide du phénomène, véritable archétype de la société des loisirs et, côté géographie, une appropriation généralisée des espaces urbains et quelques pôles cultes, notamment la Californie même si la France a su tirer son épingle du jeu (le français Jérémie Daclin, auteur de la préface, a crée la marque « Cliché » qui n’a rien à envier à ses homologues américains). On comprendra nettement que cette culture du bas a migré vers le haut ou comment une contre-culture est devenue une culture.
Les annexes proposent une amusante triple frise chronologique des tenues vestimentaires des surfers, skaters et snowboarders par décennie mais aussi une modélisation des grandes catégories de figures réalisables. Évidemment un solide glossaire explique les termes techniques et la bibliographie mettra en avant qu’à l’exception des écrits de Raphaël Zarka, les références sont anglo-saxonnes.
Un très bel ouvrage sur un sujet rarement traité à l’écrit et pourtant toujours vivace.
« Do it yourself » disaient-ils ! Et même « Skateboarding is not a crime » !