L’auteur, Nathalie Nhu, professeur des écoles depuis vingt ans, nous présente seize histoires courtes sur le monde de l’école. Titres évocateurs pour les enseignants, énigmatiques pour les autres, SEGPA, PPMS, placée, neuroleptique, petit ange, chacune de ces histoires raconte un bout de vie d’un ou d’une enseignante mais aussi et surtout d’enfants.

Histoires de maltraitances, histoires de viol, histoires de dépression et de suicides d’enseignants, ce livre est difficile à lire. Pour les uns, on y découvrira l’impuissance des enseignants face à des situations plus insoutenables que les autres, pas de médecin, pas de réseau, pas de psychologue, pas d’aide ni pour l’enfant ni pour les équipes pédagogiques. Pour les autres, les enseignants, il y a bien une histoire qui fera écho à un vécu propre. Tout enseignant, dans sa carrière se verra un jour ou l’autre confronté à une telle situation. Qui, à la lecture de ce livre, n’aura pas en tête le nom d’un enfant rencontré pendant sa carrière?

L’auteur rend bien compte des difficultés auxquelles sont confrontés les enseignants, notamment dans le primaire, quand on a dans sa classe un enfant en souffrance : la découverte, la révélation, les démarches administratives (information préoccupante, signalement au procureur…), les rendez-vous avec les familles qui se passent plus ou moins bien, les psychologues scolaires (quand il y en a…) et les professionnels de l’enfance qui se rencontrent mais ne parlent pas toujours le même langage et qui ne voient pas l’enfant avec le même oeil…

Et surtout ces enfants qui vivent des situations très violentes au-delà de l’imaginable, telle l’histoire de Johny dont la maman a coupé les ongles jusqu’à la première phalange et qui vit dans un placard attaché à une laisse… PPRE, PAP, AP pour la petite Angélique qui arrive en maternelle avec des cicatrices, des brûlures de cigarette infligées par sa maman..Les services sociaux enlèvent l’enfant un matin, sa maîtresse ne saura pas ce qui va lui arriver et la nouvelle maîtresse ne saura rien d’Angélique et devra gérer la situation d’une enfant placée…

L’auteur utilise un style fait de phrases courtes, percutantes…. Les mots sont précis, violents quelquefois mais les situations décrites le sont aussi…Le vocabulaire « Education Nationale » et ses sigles obscurs pour les non-enseignants sont bien développés…Les histoires ne dépassent pas une douzaine de pages mais relatent bien la vie de l’école.

Ce livre ne laisse pas beaucoup d’espoir, en fermant ce livre, on se sent isolé, triste, voire désespéré de ce qu’est le système éducatif. La première histoire écrite à la première personne du singulier relate la rentrée d’une enseignante qui se demande pourquoi elle est là, dans sa classe : « Je dois y aller. Pourquoi j’y vais ? Parfois, je n’en sais rien. Par habitude. Par nécessité. Par passion. Par masochisme. J’y vais tout simplement.  » Beaucoup d’enseignants se posent ces questions, et malheureusement pas de réponse ou pas d’aide de qui que se soit, collègues qui ont déjà leurs propres soucis, famille qui ne comprend pas, hiérarchie qui ne répond pas…
La dernière histoire, en écho à la première, relate la dernière matinée de cette enseignante, victime d’un accident de la route et qui tourne la page, qui n’écrira plus jamais sur le tableau noir.