L’incroyable succès d’Instagram, être jeune en Russie et n’avoir connu que Poutine ou encore découvrir un métier peu connu : tels sont quelques-uns des ingrédients du nouveau Topo.
L’application compte aujourd’hui plus d’un milliard d’utilisateurs. On peut classer ce qu’on trouve dessus en trois catégories : voyage, lifestyle et humour. Les grandes marques ont bien compris qu’il fallait investir cette application et elles payent plusieurs influenceurs. Quant à Sophie Thiel, après avoir été une star sur Instagram avec plus d’un million d’abonnés, elle a choisi de quitter les réseaux sociaux car elle ne supportait plus la pression quotidienne qui pesait sur le moindre de ses faits et gestes. Le reportage évoque aussi le cas d’Anna Sorokin qui a réussi à se faire passer pour une riche héritière et munie de cette fausse identité a pu arnaquer de nombreuses personnes. Elle a été finalement arrêtée en 2017. On est en tout cas bien loin des objectifs de départ d’Instagram qui était destiné aux amateurs de photographies. L’application a connu un succès foudroyant au point d’être racheté par Facebook dès 2012. Aujourd’hui, plusieurs questions se posent, comme une normalisation des clichés postés à travers le monde, ou encore le fait que certains restaurants se calquent sur une certaine identité graphique attendue pour séduire. Certaines villes installent des bancs à selfies et l’on voit des queues se former pour prendre la même photographie que tout le monde de la barrière de corail.
Du côté des rubriques
« Ca part en live » s’intéresse à l’histoire des Grammy Awards. Créés en 1959, le nom vient du gramophone. La cérémonie est donc plus ancienne que sa cousine française née seulement en 1985. Les Grammy sont surtout réputés pour les numéros qui s’y déroulent comme des duos inattendus. En 2014, Pharell Williams a chanté avec Stevie Wonder et Daft Punk. En France, la cérémonie ne s’est pas toujours caractérisée par sa modernité et son ouverture aux « nouvelles musiques ». Reconnaissons aussi que les Grammy Awards ont aussi à changer puisque de 2013 à 2019 seuls 10 % des nommés sont des femmes.
Vous saurez tout par ailleurs sur ce qu’est un néologisme grâce à la rubrique d’Aurélie Palud et Joseph Falzon tandis que « Sans cliché » vous explique cette photographie de membres d’un gang au Guatemala. « Tête à tête » dresse le portrait d’Assa Traoré devenue de par la mort de son frère une icône de la lutte contre les violences policières et le racisme. Elle est aussi devenue une cible pour l’extrême droite. Lorsque les cinémas seront de nouveau ouverts, on pourra voir le nouveau numéro d’OSS 17. Le reportage rappelle les précédents épisodes et décortique la recette de ce qui pourrait bien être un nouveau succès pour Jean Dujardin : un acteur connu, des références à des films cultes ou encore un sens de la parodie très affirmé. Précisons que ce n’est plus Michel Hazanavicius qui a réalisé cet opus.
« Tranche de l’art » s’intéresse aux peintures noires de Goya. Réalisées sur la fin de sa vie, elles n’avaient pas vocation à être montrées, tant elles peuvent paraitre effrayantes comme « Saturne dévorant un de ses fils ».
Internet et réseaux
A quoi ressemblait la vie avant Internet ? « Clair et net » se penche sur la question en rappelant qu’avant 2005, le wifi n’existe quasiment pas et qu’il faut attendre 2007 pour voir débarquer l’Iphone. Par ailleurs, c’est alors le temps des blogs, notamment des skyblog, et on commence à voir apparaitre quelques géants comme Wikipedia ou Google. « Les maitres du jeu » se demandent si on peut trouver l’amour dans les jeux vidéo. En effet, si ce sentiment est utilisé en littérature, en chanson ou au cinéma, on ne peut pas dire qu’il irrigue vraiment les jeux vidéos. On peut trouver un jeu originaire du Japon qui est un « simulateur de drague » mais c’est bien peu de chose. Cette absence s’explique par le côté frileux de certains éditeurs de jeux, mais aussi par le fait que l’amour n’obéit pas à des règles simples modélisables dans un jeu. L’article se termine en citant pourtant quelques tentatives comme « We met in may » ou « Haven ». « Cash sexe » pose le problème des revenge porn, c’est-à-dire ces vidéos intimes dévoilées par un des partenaires lorsque la rupture est consommée. On apprend aussi que 31 % des 18-25 ans ont déjà envoyé des nude. Ces vidéos posent la question du consentement et il ne faut jamais oublier que la loi est du côté de la victime. Il faut aussi rappeler que voir des contenus de ce genre sans rien faire, c’est être complice. Evoquons également une rubrique « Fake news » qui revient à deux reprises dans ce numéro avec une approche décalée et humoristique.
La laïcité ça veut dire quoi ?
Nicolas Cadène et Alexandre Franc s’emparent de cette « question du moment ». Le premier a été le rapporteur général de l’Observatoire de la laïcité et la question est d’autant plus essentielle quelques mois après l’assassinat de Samuel Paty. Très intelligemment, les deux auteurs proposent un pas de côté pour aborder le sujet en imaginant une secte, les théophiles, qui croit en une théière céleste qui voyage dans le cosmos depuis les origines du monde. Le reportage insère des extraits de la charte de la laïcité qui sont commentés. Les auteurs proposent également de revenir sur l’histoire de la notion de laïcité depuis le XVIII ème siècle.
« Née sous Poutine »
Audrey Lebel et Kim Consigny ont suivi une jeune Moscovite de 23 ans qui n’a connu dans sa vie que Vladimir Poutine comme dirigeant. Elle s’oppose à son pouvoir mais cela nécessite de faire très attention. Le reportage rappelle les contestations de 2011 ou le rôle d’Alexei Navalny. La jeune fille évoquée est l’attachée de presse du parti libertarien et elle nous fait ressentir combien la liberté d’expression n’existe pas en Russie aujourd’hui. Les réseaux sociaux russes sont contrôlés et les opposants ont donc développé d’autres moyens de contestation comme la pose d’autocollants ou la distribution de flyers.
« Pollution nocturne »
On suit des membres de l’association Astronomie Gironde 33 qui expliquent le phénomène. Aujourd’hui, il y a 11 millions de réverbères en France et 3,5 millions d’enseignes de magasins qui restent perpétuellement allumés. Il est de plus en plus difficile d’apercevoir des étoiles, surtout en ville. De plus cela perturbe le cycle naturel entre veille et sommeil.
Audiodescriptrice
Comme à chaque fois, Topo nous fait découvrir des métiers peu ou mal connus comme ici audiodescriptrice. Marie Gaumy se charge de rendre accessible les films à ceux qui ne peuvent pas les voir. Il n’y a pas de formation reconnue pour un tel métier et on saisit bien tous les défis d’une telle profession. Il faut rendre une atmosphère par des mots sans en dire trop ni trop peu. Pour un film, cela lui prend environ dix jours de travail et elle doit aussi réfléchir à garder, par exemple, le bon tempo s’il y a du suspense. Marie Gaumy prend le cas d’un baiser et montre combien le décrire est délicat. Elle travaille en doublette avec quelqu’un qui relit ses propositions et elle a également des avis de non voyants sur son travail avant qu’il soit finalisé. Comme elle le dit bien, il faut accompagner mais se faire oublier.
« Tranche de l’art » s’intéresse aux peintures noires de Goya. Réalisées sur la fin de sa vie, elles n’avaient pas vocation à être montrées, tant elles peuvent paraître effrayantes comme « Saturne dévorant un de ses fils ». Topo inaugure enfin un nouveau feuilleton en six épisodes autour du 11 septembre 2001. Ce premier volet montre les lieux, les deux attaques sur New York et la foule saisie par ce qu’elle voit.
Au sommaire du prochain Topo sont annoncés un reportage sur le business du trek dans le Kilimandjaro, un autre sur la canicule en Alaska et aussi les petits secrets inavouables de l’orthographe.
Jean-Pierre Costille