Une équipe d’économistes réunis autour De Géraldine Froger, maître de conférence à l’Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines répond à une commande de l’A.F.D. (Association Française de Développement): débats, opportunités et risques des nouvelles formes de tourisme dans les pays du Sud en général, réflexions illustrées grâce à des études locales: Madagascar, Tunisie, Namibie, Argentine et Costa-Rica.
Le tourisme peut-il être une alternative à l’exportation de matières premières agricoles ou minières? Les nouvelles formes (éco-tourisme, tourisme responsable, solidaire…) sont-elles susceptibles de minorer les conséquences négatives du tourisme de masse, sont-elles compatibles avec les objectifs du développement durable?
Le questionnement repose sur la notion de développement durable bien comprise dans ses trois axes: économique, social et environnemental tout en évoquant la question de la gouvernance.
Cet ouvrage peut intéresser les professeurs des classes de 5ème, mais surtout de terminale.

Après un rapide rappel de la place du tourisme dans les échanges mondiaux, de la place des pays développés dans cette économie et de la croissance de cette activité dans les PED profitant de quelques atouts: soleil, faune sauvage et cultures locales, est posée la question des enjeux positifs et négatifs des nouvelles formes: tourisme culturel, de nature, tourisme lent… et des valeurs associées en rupture avec le tourisme de masse. Un tableau d’analyse des effets des différentes formes de tourisme durable offre un cadre très pratique à utiliser avec des élèves pour une étude de cas.

Diagnostique et réflexions sur le tourisme durable dans les Suds.

Cinq contributions éclairent cette question par une approche d’abord très générale puis appliquée à diverses formes de tourisme.

Les premières expériences dites durables sont analysées sous l’angle de l’encombrant tourisme de nature tel qu’il s’est développé par exemple au Kenya: tourisme des Parcs qui évolue de l’exclusion sociale des populations vers un tourisme intégrant les communautés déplacées vers l’extérieur des Parcs. L’article reste un survol, on retiendra l’idée de diversification vers le tourisme de culture et la création d’une identité touristique culturelle.

L’éco-tourisme reste un concept flou, l’auteur en a dénombré 85 définitions. Il repose sur trois axes: nature, éducatif et culturel, des pratiques durables. Il est né de l’évolution après un plaidoyer pour le développement touristique dans les années 1950-60 et un dépassement de l’argument économique dans les années 70; l’éco-tourisme se veut être un « bon tourisme »: à petite échelle, contrôlé localement sans dénaturer le paysage culturel mais son impact semble difficile à évaluer. On retiendra une plus large distribution des revenus mais des emplois encore précaires et mal rémunérés et une forte évasion des bénéfices vers les pays du Nord. Une ouverture culturelle des populations qui peut conduire à l’acculturation. Si la place des populations dans l’initiative et la gestion est positive, elle génère aussi des conflits. L’emprunte écologique se doit de prendre en compte tous les aspects: transports, hébergement, loisirs et consommation. La méthode appliquée permet la comparaison de deux exemples: Tunisie et Seychelles et est mise en discussion.

Le tourisme rural est multiforme, il se caractérise par une diversification des sources de revenus, une articulation entre le tourisme et la qualification d’un territoire. Il existe donc des systèmes agro-touristiques variés, développés pour compenser une trop faible production agricole il pose rapidement la question des compétences et de la marginalisation des plus faibles d’autant qu’il dépend fortement des structures de gestion de la clientèle (tour-opérateurs…). Quelques exemples sont présentés comme la route gastronomique du fromage Turrialba au Costa-Rica. Ce tourisme peut être une forme d' »exportation sur place » et conduire à des modifications de la production en fonction de la demande touristique.

Financer et promouvoir le développement touristique est la question que se pose un économiste de l’A.F.D.. Il analyse les divers bailleurs de fonds internationaux (PNUE, Banque mondiale etc…) et présente les choix de son institution. Le bilan et les perspectives débouchent sur la proposition d’un code d’éthique en relation avec les O.M.D., notamment: la gouvernance participative (renforcement des administrations nationales, formation professionnelle et implication des populations), appui au secteur privé et nouveaux partenariats (coopération décentralisée, O.N.G.)

Opportunités et limites du tourisme durable en Afrique

Le tourisme est un secteur concurrentiel et de plus en plus globalisé où les offreurs de service jouent un rôle important. Il convient de faire une lecture de la relation tourisme-environnement à partir des éléments économiques, des enjeux de conservation des écosystèmes. Cet article d’introduction propose un cadre aux contributions suivantes construites sur le même canevas:

  1. éléments du contexte international, national voire local
  2. bilan économique
  3. effets sur la société
  4. bilan environnemental

La synthèse de chaque analyse, sous forme de tableaux, est très lisible. Un bilan des facteurs de réussite et d’échec vient conclure chaque présentation.

L’éco-tourisme à Madagascar est présenté à l’aide de deux sites Ranomafana (centre-Est) et Anakao (Sud-ouest). Si la population a vu son niveau de vie monter 90% des hébergements appartiennent à des étrangers. Au plan social la’auteur parle de commercialisation des rites culturels, de mendicité et prostitution. Une meilleure connaissance de la biodiversité a permis un financement de sa conservation mais l’augmentation des rejets et la perturbation de la vie animale en sont les éléments négatifs.

Les sites de Tabarka et Tozeur en Tunisie montre des signes de fragilité économique, de forte dépendance vis à vis des financements étrangers; une meilleure formation de la population qui a désormais accès à des infrastructures de base. Mais on constate aussi a faiblesse des échanges culturels entre locaux et touristes, une forte pression sur des espaces fragiles et la ressource en eau malgré les efforts de gestion de la pollution. Un bilan global mitigé.

En Namibie se sont de nombreux projets qui ont été soutenus et pourtant on retrouve un peu le même constat: emplois et revenus locaux en hausse mais beaucoup de consommations externes et fuites financières: renforcement des compétences individuelles et communautaires mais existence de conflits entre communautés ou avec les partenaires; un tourisme qui renforce la capacité de conservation des ressources naturelles mais une plus forte pression sur les écosystèmes. Malgré un contexte institutionnel favorable, les communautés restent encore fragiles et le besoin de financements externes demeure.

Opportunités en limites du tourisme durable en Amérique latine

Après quelques généralités sur le tourisme durable en Amérique latine: destinations et difficultés (surfréquentation et tensions politique et sociale); présentation des modèles: tourisme vert au Costa-Rica, tourisme ethnique au Brésil ou en Colombie, diversité des acteurs et évolutions.
On retrouve la même structure de présentation des études de cas que pour l’Afrique.

En Argentine, le classement par l’U.N.E.S.C.O. des paysages de la Quebrada de Humahuaca au Nord Ouest du pays a permis le développement d’activités touristiques. La croissance économique réelle a aussi généré une spéculation foncière préjudiciable aux communautés indiennes et le développement d’une économie souterraine. Si le label U.N.E.S.C.O. a amélioré l’estime de soi et une autonomisation des populations certains rejettent le tourisme comme un élément perturbateur avec un risque de folklorisation de la culture. Si les populations ont adhéré au projet de valorisation touristique elles en dénoncent aussi les effets en terme de pollution (quantité et nature des rejets).
La planification par les autorités bien qu’assez faible est aussi jugée externe par les populations indigènes. Pour l’auteur une certification des produits locaux aurait des retombées positives directes et locales.

Au Costa-Rica la zone Quepos Manuel Antonio représente bien le contexte national favorable mis en place depuis les années 70. après des données sur la législation l’exemple choisi est celui d’une coopérative de paysans sans terre installés sur une ancienne bananeraie: la Coopsilencio à proximité su Parc Manuel Antonio qui a développé une offre de tourisme rural. Le bilan de cette initiative fait apparaître: une croissance des emplois et le financement de micro-projets sans échapper aux fuites financières et à l’inflation: le maintien d’une identité culturel n’a pas empêché le développement de la consommation de drogue et la prostitution; la reforestation et le choix pour les hébergements d’énergies alternatives s’accompagne pourtant d’un contrôle insuffisant des ressources et de pollution maritime.
Un label national eco-tourisme et des incitations fiscales montreraient un meilleur soutien de l’État.

Conclusion

Pour un réel tourisme durable les auteurs proposent, à partir de la synthèse des facteurs de réussite et d’échec repérés dans les divers exemples étudiés, quelques pistes et recommandations autour des pré-requis institutionnels, du financement, de l’aide à la gestion, de l’intégration dans la filière touristique et de l’évaluation des impacts.

Une présentation rapide des auteurs des contributions clôt le livre.

Un ensemble à la fois synthétique et précis qui montre que la durabilité de ces nouvelles formes de tourisme ne va pas de soi, que le développement durable reste à construire.