Décembre 2011 voit l’ouverture d’une nouvelle LVG : Rhin – Rhône. Il sera désormais possible de relier Paris à Mulhouse via Dijon à vitesse TGV. Le tracé d’une ligne comme celle-là, le choix de l’implantation des gares TGV sont autant le résultat du jeu des acteurs multiples (collectivités territoriales, Etat, Union Européenne, voire même Etat voisin avec la Suisse) que la traduction dans l’espace d’un besoin de mobilités. La question des transports est au cœur des enjeux sociétaux contemporains puisqu’elle a sa place dans le cadre de l’accroissement des échanges économiques, la métropolisation et qu’elle pose la question du développement durable. Le colloque « Transports, Territoires et Société » (novembre 2009), dont les actes sont publiés ici, s’inscrit dans la lignée du Grenelle de l’Environnement et du colloque « Villes durables en Europe » (2007). « Nous sommes aujourd’hui à l’aube d’un important processus de mutation, dans un premier temps concurrentiel, entre différents modes de déplacements, qui incite à opérer des choix technologiques. » Comme la thématique traitée ici, la recherche dans ce domaine est en pleine mutation (cf. De l’histoire des transports à l’histoire de la mobilité, PUR, 2009). Il est nécessaire d’adopter une approche globale pour traiter de la mobilité et c’est pourquoi les participants à ce colloque sont issus d’horizons divers : historiens, géographes, économistes, sociologues. L’ensemble des interventions est présenté en trois parties. Les transports urbains et les stratégies en œuvre sont décortiqués dans le cadre de grandes capitales européennes : Paris, Bruxelles, Rome. La seconde partie traite de projets nationaux ou internationaux (schéma directeur des LGV, par exemple) : le tout replacé dans le cadre de l’histoire des techniques. Puis, dans une troisième partie, les effets territoriaux des équipements sont analysés. « Cette mise en perspective des enjeux et des impacts liés aux déplacements de tous ordres conduit à dépasser une histoire des transports pour elle-même et à embrasser des perspectives plus ambitieuses pour repenser les rapports entre solutions technologiques, aspirations et usages sociétaux. »
Certains articles sont très spécialisés. L’approche historique est très présente. Elle permet de comprendre la genèse des réseaux urbains de transports. La compréhension des carences du réseau romain s’explique par le retard pris dès le XIXème siècle (premier tronçon de métro inauguré en 1955) que les chroniqueurs de l’époque désignent sous l’appellation de « complexe de Proserpine » (la phobie de vivre sous terre) auquel s’ajoute un prétexte archéologique. La mise en place du réseau de métro parisien est globalement saluée (à l’exception des commerçants voisins du chantier qui protestent et réclament des dédommagements pécuniaires) et est menée à bien grâce à l’action déterminante de Fulgence Bienvenue. Les débats sur l’extension du réseau aux communes de banlieues, qui se tiennent pendant l’entre-deux guerres, s’apparentent, à s’y méprendre, à ceux portant sur l’équipement en transports en commun du Grand Paris. Le récit de la longue (19 ans) histoire de Météor (Ligne 14) permet de relativiser l’effectivité d’un projet même acté. Avant que la très grande couronne de l’agglomération parisienne soit reliée, l’automobile a encore de beaux jours devant elle ! « L’automobile des champs (…) la voiture des banlieues », selon J.L. Loubet, « n’a cessé d’être un miroir de la société où les lieux, les classes sociales, les sexes, les âges, le rapport au travail a changé ». Ces transformations sociétales sont bien résumées dans l’article de Camille Molle (Rétrospective sur « un carburant national » : l’alcool). Il y montre comment on est passé du slogan de la publicité Cointreau de 1935 (« Ne prenez jamais la route aussitôt après un bon repas, sans un petit verre de Cointreau ») à la campagne de 2009 menée par la préfecture de la Sarthe (« L’alcool n’est pas un carburant, non merci je conduis ») alors qu’était mis en avant l’usage des agrocarburants, comme réponse à l’augmentation du prix des produits pétroliers !
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes