Le géographe, maître de la maison, a encore frappé ! Voilà que le dernier essai de Jacques Pezeu-Massabuau vient de paraître aux éditions L’Harmattan. Ce spécialiste de l’anthropologie de la maison, résidant au Japon depuis la fin des années 1950, publie ici son dix-septième titre sur une thématique qui a quasi-exclusivement occupée sa carrière.
Le sous-titre laisse présager un discours alarmiste sur notre mode d’habitat actuel comme le confirment les premières pages : « notre habiter évolue vers le plurilocalisme où l’entraîne l’évolution de l’économie et qu’autorisent des transports sans cesse plus rapides : en somme, que la déconstruction actuelle de l’espace humain vers la surrection d’un éventuel chez-soi planétaire rend chaque jour moins prégnant l’espace domestique où chacun exerce son moi et tente de le préserver » (p. 11). A l’encontre de cette uniformisation, Jacques Pezeu-Massabuau engage une entreprise de recensement illustré des modes d’habiter qui coexistent (ou feignent de coexister) encore aujourd’hui.
Si « le chez-soi embrasse tous les abris de l’homme – de la hutte au palais – et exprime un rapport de même nature entre chacun d’eux et son occupant, relation d’intériorité que disent encore foyer ou home. » (p. 13), il rend vraiment compte de la relation personnelle entre la personne et sa demeure – un lieu – et est en cela que c’est un objet éminemment géographique. Aux excellents développements présentés dans les précédents ouvrages publiés par l’auteur (tels que La maison, espace social. PUF, 1983 ou bien encore La maison, espace réglé, espace rêvé. Reclus, Montpellier, 1993) s’ajoute ici une sorte d’inventaire de l’habitat dont la lecture peut s’avérer assez peu stimulante. Si l’idée de décrire 36 manières d’être chez-soi (habiter un palais, une automobile, l’hôtel) est attirante, elle se heurte rapidement au fait que trop souvent ces modes d’habiter n’ont plus cours aujourd’hui (l’izba russe, l’évi turc, le siheyuan chinois,…) ou du moins plus sous leur forme traditionnelle. Que penser aussi du rapprochement dans un même chapitre des grands ensembles et des lotissements pavillonnaires au motif qu’il s’agit d’habitat en série ! « (…) L’autre « grand ensemble » qu’est le lotissement pavillonnaire : ici et là, règnent la similitude – bâtiments, façades, plans – dans un paysage absent et une société où l’on s’ignore quand on ne s’y querelle pas, en dépit d’une forte homogénéité sociale (…) » (p. 127) L’uniformisation du chez-soi et l’habitat poly-topique (Mathis Stock, 2006) de l’habitat constituent pour l’auteur le risque majeur qui menace nos modes de vie avant de conclure sur une citation de Montaigne : « l’âme qui n’a point de but établi, elle se perd : car ce n’être en aucun lieu que d’être partout. »
Catherine Didier-Fèvre © Les Clionautes