CR de Catherine DIDIER – FEVRE, professeure au lycée Catherine et Raymond Janot à Sens et au collège du Gâtinais en Bourgogne à Saint Valérien.

Voici un voyage en géographie parallèle, un récit avec cartes, à mi-chemin entre géographie urbaine et récit de voyage. Un voyage en terre inconnue mais une terre inconnue toute proche, celle des zones blanches figurant sur les cartes IGN. Plus exactement celles de la carte N° 2314OT. L’auteur est parti à la découverte de ces espaces que les géomètres ne se sont pas pris la peine de représenter dans leur détail. Ces excursions réalisées pendant une année ont donné la matière à ce livre, qui paraît chez Fayard et à un site, pour lequel l’auteur s’est associé à deux plasticiens. Une démarche intéressante.

Philippe Vasset est écrivain et journaliste. Diplômé de géographie et de philosophie (Sorbonne) et de relations internationales (Johns Hopkins University, Washington DC), il a travaillé dans le cabinet d’investigation américain. Il est désormais rédacteur en chef d’Intelligence online http://www.intelligenceonline.fr. Il a été lauréat du Prix du Jeune Ecrivain 1993, organisé par le journal Le Monde et le Ministère de la Culture. Il a précédemment publié chez Fayard trois romans, Exemplaire de démonstration (2003), Carte muette (2004) et Bandes alternées (2006).

L’idée de départ qui prévaut à ce travail est que les cartes ne sont pas le reflet de la réalité paysagère. Toute une série d’informations ne sont pas cartographiables car trop complexes à représenter ou devant rester secrètes. Cette précaution cartographique paraît d’autant plus désuète à l’heure de l’image satellite consultable sur internet.
Philippe Vasset part donc à la découverte de ces espaces blancs, essentiellement situés en banlieue parisienne. La désillusion est vite au rendez-vous. Ces espaces ne cachent pas des espaces mystérieux mais sont des bidonvilles où vivent des migrants clandestins (des Roms venus de Slovaquie), des squats, des friches, des zones périphériques à des axes (voies ferrées, autoroutes, gazoduc), des ateliers de taggeurs et même le centre de détention des étrangers en instance d’expulsion. Ce sont des espaces en transition. Ces terrains occupés illégalement ne le sont pas longtemps. Leur propriétaire a de grands projets pour eux : zone pavillonnaire, centre commercial… La misère devra déguerpir pour leur laisser la place. De même, des zones blanches ne le sont plus de lors de la visite de l’auteur, les cartes ne sont pas à jour. D’autres espaces qui figurent encore sur la carte en activité sont en proie à la désaffection. Tous ces espaces sont les territoires d’une faune aux marges de la société. Y enquêter n’a pas été facile. Les habitants des lieux sont hostiles à l’intrus.

Philippe Vasset livre ici un récit à mi-chemin entre géographie et œuvre littéraire ou artistique. Le texte est ponctué de paragraphes en italique où l’écrivain laisse libre cours à sa plume pour rendre compte de ses impressions sur les lieux et les gens. Son travail s’appuie sur des références scientifiques et littéraires : Marc Augé. Non lieux. 1992, François Maspéro. Les passagers du Roissy Express. 1990. pour ne citer que deux titres. Pour laisser toute sa place à l’imaginaire, l’auteur décrit les lieux qu’il visite mais ne mène pas une enquête pour trouver une explication à son observation. Le géographe reste sur sa faim. Toutefois, ce récit en cartes constitue un très bon outil pour une première approche de ces espaces à l’abandon. Les historiens travaillent déjà sur le patrimoine industriel (cf. Jean – Claude DAUMAS (dir.). La mémoire de l’industrie. De l’usine au patrimoine. Presses Universitaires de Franche Comté, 2006. 424 pages., la démarche de Vasset est celle du géographe, même si elle manque parfois de rigueur.

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