La synthèse la plus récente sur le radicalisme français
C’est la Société d’Histoire du Radicalisme, présidée à l’époque par son président-fondateur Marcel Ruby (1924-2011), qui est à l’origine de cet ouvrage. En effet, cette association a proposé à des historiens (tous) français spécialistes du radicalisme hexagonal d’apporter leurs contributions à l’histoire de ce mouvement politique, soit un siècle après la fondation du parti radical. Les articles de ces 17 auteurs ont servi de base à l’élaboration de cet ouvrage. Classiquement, cette étude est composée d’un avant-propos (rédigé par Serge Berstein et Marcel Ruby) et de 4 parties (chacune d’entre elle est ouverte par une introduction écrite par le duo Serge Berstein-Marcel Ruby). Chacune des contributions des 17 auteurs constituent un chapitre. Les 17 chapitres sont clos par une conclusion générale rédigée par Serge Berstein et Marcel Ruby.
Du radicalisme au parti radical (1840-1901)
La première partie de l’étude intitulée « Du radicalisme au parti radical (1840-1901) » est composée de 4 chapitres. Le premier est rédigée par Raymond Huard sur « Les débuts du radicalisme (un idéal de vraie république à l’épreuve de la vie politique) », le second par Jean Garrigues sur « Les radicaux face à la république opportuniste (de Gambetta à Boulanger) », le troisième par Gérard Baal sur « La fondation du parti radical (en 1901) » et le quatrième et dernier par André Combes sur « Radicalisme et franc-maçonnerie ». Comme le démontre Raymond Huard, il existe en France un radicalisme bien avant 1901. Ce mouvement se cristallise avec l’évènement fondateur (l’élection de Ledru-Rollin en 1841 dans la Sarthe) avec pour traits principaux : la revendication de la démocratie politique, de profondes réformes sociales par la voie de la légalité parlementaire, l’attachement à la propriété privée et le retour à la collectivité des richesses nationales concédées. Jean Garrigues, quant à lui, explique bien comment les radicaux se distinguent tout à la fois des tenants de la réaction conservato-cléricale et ceux de la révolution collectiviste. Néanmoins, avant-garde du « parti républicain », les radicaux vont s’opposer également aux républicains de gouvernement. Puis, Gérard Baal observe que les radicaux sont en accord avec les républicains de gouvernement sur le but à atteindre mais divergent profondément sur la méthode. Paradoxalement, c’est presque au creux de la vague que les radicaux créent le premier parti politique moderne français, conçu comme une véritable organisation, sauvant ainsi le radicalisme hexagonal. Dans cette issue qui ouvre l’âge d’or du radicalisme au XXe siècle, la franc-maçonnerie joue un rôle essentiel en donnant un ciment culturel commun et en prônant l’union de leurs efforts pour défendre la République. De plus, ce sont très souvent les mêmes hommes qui fréquentent les ateliers et qui pratiquent la politique radicale, sans qu’il existe toutefois un lien déterministe entre radicalisme et maçonnerie.
L’âge d’or du radicalisme (1901-1944)
La deuxième partie de l’ouvrage ayant pour titre « L’âge d’or du radicalisme (1901-1944) » est composée 3 chapitres. Le premier est signé par Gilles Le Béguec avec « Radicalisme de combat et radicalisme de gouvernement », le deuxième par Serge Berstein sur « La nature du radicalisme dans la France de l’entre-deux-guerres » puis le troisième et dernier par l’épouse du précédent auteur : Gisèle Berstein sur « Les radicaux du sénat dans l’entre-deux-guerres ». Cette dernière étude mérite une mention toute particulière car, outre sa rigueur et sa précision, elle comporte 3 cartes de France donnant le nombre des sénateurs valoisiens en 1921, 1930 et 1939-1940 permettant ainsi au lecteur d’avoir accès aux documents de la chercheuse. Cet article démontre la prégnance du radicalisme sur le système politique de la IIIe République par la domination presque sans partage qu’il exerce sur le Sénat dont il est l’un des 2 piliers du système parlementaire français. Néanmoins, Gilles Le Béguec nuance le propos en montrant que l’exercice du pouvoir par les radicaux eux-mêmes apparaît moins probant que le contrôle parlementaire exercé sur le gouvernement. Mais, selon Serge Berstein, le radicalisme répond aux aspirations profondes d’une grande partie de l’opinion des Français qui y voit une doctrine du juste milieu correspondant aux classes moyennes indépendantes dont l’archétype est le petit propriétaire-travailleur maître de son instrument de travail.
Le radicalisme des IVe république (1944-1958) et Ve république (1958-2004)
La troisième partie de l’analyse intitulée « Le radicalisme des IVe république (1944-1958) et Ve république (1958-2004) » comporte 6 chapitres. Le premier est écrit par Bernard Lachaise sur « La reconstruction du parti radical après la seconde guerre mondiale et le néo-radicalisme ». Le deuxième par Jean-Louis Rizzo sur « L’expérience mendésiste » ; le troisième par Didier Maus sur « Le radicalisme victime de la Ve république ? » ; le quatrième par Jean-Paul Brunet « Gaston Monnerville : les radicaux et la Ve république (l’incompatibilité de deux visions de la république) » ; le cinquième par Muriel Montero sur « Le parti radical dans le mouvement réformateur » puis le sixième et dernier par Frédéric Fogacci sur « Les radicaux de gauche (depuis 1972) ». L’étude de Bernard Lachaise donne au lecteur 3 documents-annexes qui sont les résultats électoraux du parti radical (1945-1956), le nom des députés du parti radical à l’Assemblée (1945-1951) et le nom des ministres radicaux dans les gouvernements (1945-1951). L’article de Bernard Lachaise nous explique que la reconstruction du parti radical après 1945 est extrêmement difficile sur le plan électoral. Mais, paradoxalement, la France de l’après-guerre est la même que celle de l’avant-guerre dans ses aspirations et ses mentalités. Pour preuve, dès 1946-1947, le parti radical remonte en puissance sur le plan électoral grâce à un néo-radicalisme qui trouve enfin un écho dans la société française. Mais, comme le montre l’article de Jean-Louis Rizzo, le mendésisme ne laisse pas au néo-radicalisme le temps de s’épanouir. Cependant, le mendésisme qui (contrairement au néo-radicalisme) tourne résolument les radicaux vers les socialistes S.F.I.O., sera le chant du cygne du radicalisme français. Pour Didier Maus, la précipitation du déclin du parti radical s’explique par le fait que ce dernier s’identifie à la tradition parlementaire de la IVe République et aux positions centristes incompatibles avec la bipolarisation politique d’une Ve République présidentielle. Jean-Paul Brunet, quant à lui, montre comment les radicaux s’engagent résolument en 1962 dans la lutte contre les conceptions gaullistes des institutions. Puis, la contribution de Muriel Montero montre comment le parti radical tente de survivre avec la formation du mouvement réformateur. Enfin, Frédéric Fogacci décortique l’heure de vérité du radicalisme, en 1972. En effet, les héritiers du radicalisme se divisent en 2 fractions antagonistes, les uns rejoignant la droite libérale de l’UDF et les autres se rangeant sous la bannière de l’union de la gauche. Le radicalisme est désormais condamné à jouer le rôle d’une force d’appoint.
L’identité du radicalisme
La quatrième partie du livre ayant pour titre « L’identité du radicalisme » comporte 4 chapitres. Le premier est écrit par Stéphane Beaumont sur « Les radicaux et la question constitutionnelle de la IIIe république à aujourd’hui ». Le deuxième par Isabel Boussard sur « Les idées du parti radical en matière de politique agricole sous les IIIe et IVe républiques » ; le troisième par Christine Manigand sur « Les radicaux et l’Europe » ; le quatrième et le dernier par Elisabeth Du Réau « Les radicaux et les problèmes de défense d’une république à l’autre 1918-1958 ». A travers les conceptions constitutionnelles des radicaux, leur intérêt spécifique pour un monde rural (dans lequel réside leur modèle social), les anticipations sur la construction européenne (dont ils sont précocement les pionniers), enfin, leur souci permanent de la défense nationale sous la IIIe et IVe Républiques, bref, ces 4 articles démontrent à l’envi l’aptitude des radicaux à inventer des solutions adaptées aux problèmes changeants qui s’imposent à l’Hexagone, durant les différentes républiques.
En guise de conclusion (somme toute provisoire), cet ouvrage très dense est remarquable par la qualité de ces 17 intervenants et de leur contribution. A ce titre, il faut saluer l’initiative des éditions des Presses universitaires du Septentrion qui sont une association des Universités de Lille 1, Lille 2, Lille 3, de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis, du Littoral (sic !) et de la Fédération Universitaire Polytechnique de Lille. De plus, cet ouvrage (important à nos yeux pour l’historiographie française de l’histoire du radicalisme hexagonal) s’adresse avant tout à des étudiants et des enseignants intéressés par l’histoire de la vie politique française et à l’histoire des idées politiques hexagonales.
© Les Clionautes (Jean-François Bérel pour La Cliothèque)