Ce sixième album de la série Une Génération française replace sur le devant de la scène la figure trépidante de l’étudiante parisienne Zoé Favre, introduite dans l’album n° 3 « Ayez confiance ! ». Déterminée et dynamique, la jeune femme est une pionnière de la Résistance encore embryonnaire dans la capitale occupée par les nazis. Militant d’abord au sein d’un petit noyau d’étudiants pratiquant la propagande patriotique, elle est ensuite affiliée à un réseau plus structuré et aux actions plus ambitieuses et plus élaborées, qu’il est possible d’identifier comme celui du Musée de l’Homme. Interpellée lors du démantèlement de celui-ci, Zoé parvient à échapper à la Gestapo par une évasion spectaculaire. Il ne lui reste alors qu’à plonger dans la clandestinité en ralliant le PCF, en évident prélude à l’entrée de ce dernier dans la lutte après l’invasion à venir de l’URSS.
On apprécie le caractère vivant et crédible ainsi que le graphisme élégant et délié de cet opus aux péripéties bien rythmées. Le climat de privation de la France occupée et la mise en place de la première Résistance sont bien rendus. Une scène rend hommage au premier martyr parisien de la Résistance, Jacques Bonsergent, et la séquence de l’évasion s’inspire avec style de celle de la fuite de l’hôtel Majestic dans le chef-d’œuvre de Melville, L’Armée des ombres. Le caractère fort de Zoé Favre fait décidément de la seule protagoniste féminine de la triade d’Une Génération française son héros le plus marquant. Ses alter ego, Martin le Français libre et Tanguy le vichyste, sans doute trop engoncés dans leur rôle de figures miroirs de la Grande Histoire, n’ont pas autant de relief humain ni de dynamisme scénaristique. L’impression très positive que laisse cet album n’est donc altérée que par un léger regret historique : l’évocation du réseau du musée de l’Homme est judicieuse mais trop elliptique. De ce fait, rares probablement seront les initiés en mesure d’identifier Yvonne Oddon et Boris Vildé parmi les personnages mis en scène. Tous deux n’en sont pas moins de nobles parrains de Résistance pour la vaillante Zoé.
Guillaume Lévêque, pour Les Clionautes