Chiara Frugoni, déjà auteur de  » Le Moyen Age sur le bout du nez : lunettes, boutons et autres inventions médiévales », publie « Une journée au Moyen Age », livre écrit en réalité en 2004 et qui vient donc d’être traduit. On sent de suite un projet qui tient à cœur à l’auteur, car elle s’inspire et revendique très clairement les travaux de son père datant des années 50. A ce titre, elle propose ici la republication de deux de ses articles, comme introduction à son propre travail.
Cet ouvrage peut constituer une lecture complémentaire pour le professeur dans le thème au choix de seconde sur « les sociétés urbaines ».

Une ville, un jour au temps du Moyen Age.

Le projet est donc de reconstituer ce que pouvait être une journée au moyen âge, dans une ville italienne, vers le XIIème siècle. L’auteur ne s’interdit pas néanmoins, si nécessaire, quelques incursions dans le temps avant ou après. Le style d’Arsenio Frugoni tend clairement du côté de la vie quotidienne. Ainsi, il dit : « engageons nous dans une rue au hasard ». Il parlait, déjà à l’époque, de rétablir la vérité sur quelques aspects de la ville du Moyen Age. Ainsi, il propose comme explication, parmi d’autres, de l’irrégularité des rues médiévales que cela permettait de briser le vent en hiver, et de lutter contre le soleil en été.
Le livre est organisé en sept chapitres qui sont autant d’éclairages autour du projet. Des notes, un index mais aucune conclusion. Dans certains chapitres, il y a des sous-titres qui aident à la lecture, alors qu’ils sont totalement absents dans d’autres. C’est assez étrange en terme d’édition et ne facilite pas la lecture et le repérage rapide de certaines informations.

Plus de 150 images en moins de 300 pages

Comme on le remarquait pour son premier ouvrage, il s’agit d’un point fort des ouvrages de cette auteure. On peut reciter ce qui en était dit, à savoir qu' »il s’agit de documents italiens ou français. Ils sont généralement commentés en détail ce qui peut faciliter leur utilisation en cours par exemple. Beaucoup ne font pas partie des « déjà vus », ce qui est très agréable. » Il y a aussi quelques objets et quelques lieux photographiés. On se croirait parfois chez Daniel Arasse avec cette sensibilité aux détails et à toutes les dimensions d’un tableau, et pas simplement aux aspects les plus immédiatement évidents. Elle s’appuie aussi parfois sur des documents bien connus, comme la fresque du bon gouvernement de Sienne. Parmi les éléments moins connus le jeu d’échecs (figure 29) ou la miniature (figure 13) sur l’agression de Renaud d’Asti par de faux marchands.

La ville et ses activités

On chemine donc d’abord jusqu’à la ville et l’auteure nous rappelle l’importance des remparts et des portes, sans oublier l’importance de l’insécurité à l’époque. Pour faire passer ce point elle s’appuie d’ailleurs sur plusieurs détails insérés dans des tableaux. Parmi les autres dangers du quotidien, Chiara Frugoni rappelle les incertitudes du temps, notamment météorologiques, et combien elles pouvaient en quelques minutes remettre en cause une année de travaux agricoles.
typique du Moyen Age. Grâce à un jeu de verbes, on peut aussi aller rapidement à l’information (vendre et acheter par exemple).

La vie quotidienne

A travers plusieurs paragraphes, l’auteure fait ressentir le quotidien de cette ville italienne La page 77 est à assez révélatrice de cette volonté :  » on posait des vases et des pots de fleurs et d’herbes odoriférantes sur les corniches et les rebords des fenêtres ». Elle évoque peu après la question de la conservation des aliments. Elle rappelle l’importance des cloches avec tout un langage qui leur était propre. Elle restitue l’ambiance sonore toujours en évoquant les crieurs dans la ville. Elle propose également une approche par les odeurs et souligne le rôle des cochons éboueurs. Chiara Frugoni donne aussi à lire la fragilité de l’existence de l’époque où l’ on risquait assez vite de basculer dans la pauvreté.
Le quotidien, c’est aussi le risque d’incendie et elle aborde aussi la question de l’eau.  » Toutes les fontaines de Sienne étaient constituées de trois bassins reliés entre eux : le premier servait à puiser l’eau, le second alimenté par le débordement du précédent servait d’abreuvoir pour les animaux ; et le troisième alimenté à son tour par le débordement du second faisait office de lavoir réservé aux femmes ». Ce genre de passage est révélateur de ce souci du détail.

La vie des enfants

L’auteure aborde ce point dans deux chapitres. Elle parle de la façon dont étaient bercés les bébés (page 167), mais elle rappelle aussi qu’un sur trois mourrait avant 5 ans. On découvre des représentations de qualité (comme la figure 103) et cet enfant dans son déambulateur. Elle montre aussi à quoi jouaient les enfants de l’époque, comme gonfler une vessie de cochon comme un ballon quand on tuait le cochon. Très étonnant également, mais seulement pour les familles les plus aisées, le disque abécédaire (page 190).

Une journée donc au Moyen Age, tel était le projet de Chiara Frugoni. Elle n’aborde certes pas en détails tous les aspects, mais elle offre une variété d’exemples que l’on pourra utiliser dans nos cours pour faire ressentir le quotidien. A cela s’ajoute l’indéniable plaisir de l’image, de l’observation des nombreuses ressources proposées.

© Jean-Pierre Costille pour les Clionautes